Société
Déguerpissement de l’espace universitaire: La consternation des commerçants
Publié le samedi 16 aout 2014 | Le Quotidien
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Dans un communiqué adressé à notre rédaction et daté du 31 juillet 2014, les responsables de l’Université annonçaient la décision visant « à la libération de l’espace universitaire ». Tout prestataire de kiosque, d’étalage, d’ateliers de mécanique, de lavage et de cirage de chaussures est concerné. La sécurité et l’assainissement universitaire sont les raisons évoquées. Les commerçants ont donc au plus tard le lundi 1er septembre 2014 pour se conformer à cette mesure. Nous sommes allés à leur rencontre, le mercredi 14 août, avec notre micro, pour savoir comment ils
accueillaient la nouvelle. Nous avons aussi accordé la parole à quelques étudiants pour nous livrer leur pensée.
Julien Nandzinga, vendeur de chaussures
« Je ne bougerai point, parce que je ne compte pas aller mourir de faim chez moi. »
Je suis vendeur de chaussures et de chemises. En vérité, lorsqu’on nous a demandé de sortir, cela a été une grande tristesse pour nous. Nous ne savons pas où aller. Je suis là depuis 2000, c’est pour dire que ça date de longtemps et c’est grâce à mon commerce que je parviens à prendre soin de ma mère, mes frères, ma famille, pour être exact. Je suis vraiment triste à l’idée de m’en aller de l’Université, car je ne sais où aller. Je suis en train de chercher un autre endroit, mais jusqu’à présent, je n’ai pas de nouvelles. Ce que nous demandons aux responsables de l’Université, c’est de nous laisser encore un peu de temps pour nous trouver un autre endroit, sinon avec cette pression, nous ne nous en sortirons pas, surtout que nous avons des bouches à nourrir. Nous tenons régulièrement des rencontres en vue d’entamer des pourparlers avec lesdits responsables. Mais si les négociations n’aboutissaient pas, nous sommes au regret de le dire, mais nous ne pouvons pas bouger parce que n’ayant nulle part où aller. A moins qu’on ne passe sur mon cadavre, je ne bougerais point, parce que je ne compte pas aller mourir de faim chez moi.
Issa Bandé, vendeur de chaussures et de fournitures scolaires
« Ce que les responsables avancent tient la route, mais il y a des gens qui ont des contrats en bonne et due forme »
Je suis venu un beau matin et mon apprenti m’a tendu un papier. En le lisant j’ai pris connaissance de son contenu. Un mois nous était donné pour quitter les lieux. Comme motif, les responsables de l’Université évoquaient, entre autres, des problèmes sécuritaires et sanitaires. Ces raisons sont bien fondées, nous n’en faisons pas de débats, mais il va falloir qu’ils étudient au mieux la situation. Je suis au sein de l’Université depuis les années 2010 et si on nous demande tout d’un coup de quitter les lieux d’ici à un mois, c’est-à-dire le 1er septembre, ce n’est vraiment pas chose facile. Je tiens donc à lancer un appel aux responsables de l’université à plus de compréhension à notre égard, car nous sommes tous des Burkinabè qui cherchons à nourrir nos familles. Il ne faut pas qu’on perde de vue que notre présence au sein du campus est quelque part avantageuse pour nous d’abord, mais aussi pour les étudiants. Si un étudiant devait aller faire ses courses en ville, il ne pourrait pas avoir les mêmes avantages que nous leur offrons à l’intérieur. Les étudiants eux-mêmes en sont conscients. Ce que les responsables avancent tient la route, mais il y a des gens qui ont des contrats en bonne et due forme . Je lance un vibrant appel aux professeurs, aux responsables de l’université à nous aider. Le communiqué est bien formel, il n’a pas été fait mention de qui peut rester. Avec ou sans contrat, nous sommes tous concernés. Ce que nous posons comme actes concrets est que nous nous sommes réunis et une délégation de 10 personnes a été mandatée pour engager des pourparlers avec les responsables. Nous attendons qu’elle nous fasse le point, sinon pour le moment il n’y a rien à faire.
Daouda Ouédraogo, vendeur de portables et accessoires
« Ça peut conduire une personne à poser des actes indignes »
Nous souhaitons que les responsables de l’Université revoient, ne serait-ce que la date, parce que nous sommes tous là pour trouver de quoi manger et nous demander de manière brusque de plier bagages n’est pas chose aisée. Ils peuvent par exemple nous donner un an pour que nous puissions travailler. Ce serait au moins bien si on nous permettait de travailler à temps partiel. Ça peut conduire une personne à poser des actes indignes. Ce que nous faisons ici comme travail nous permet de nous occuper de nos familles. Si c’est parce que certains n’ont pas de papiers, ils savent quelles démarches entreprendre. S’il y a lieu de payer, cela se dit aussi. Nous ne nous mettons pas en travers de leur décision. Si d’ici l’expiration du délai, de bonnes nouvelles ne nous parvenaient pas, nous plierons bagages.
Jean Pierre Tapsoba , vendeur de matériel informatique
« Et pourquoi ceux-mêmes qui sont en règle doivent-ils partir au même titre que les autres? Nous nous trouvons dans une situation vraiment inquiétante. »
Un matin, nous avons reçu un papier nous disant de libérer les lieux pour cause de l’assainissement et de la sécurité au sein de l’Université de Ouagadougou. Nous pensions qu’ils avaient au moins aménagé un endroit afin qu’on s’y installe, mais apparemment, ce n’est pas le cas. Ils nous ont juste demandé de partir et le pire, c’est que nous n’avons nulle part où aller. Par exemple, nous, nous sommes en règle et disposons de tous les papiers, en plus nous payons nos taxes, mais ils nous chassent tout de même. Nous ne pouvons pas non plus nous installer à l’extérieur, car ils comptent également chasser les gens de dehors. Pour y remédier, nous avons formé une délégation afin d’aller négocier avec les autorités. Même s’ils trouvent que c’est indispensable qu’on quitte, qu’ils nous trouvent au moins un autre cadre. Et pourquoi ceux-mêmes qui sont en règle doivent-ils partir au même titre que les autres? Nous nous trouvons dans une situation vraiment inquiétante.
Gaston Kafando, 4e année de Lettres modernes
« Dans un pays où c’est déjà très difficile de trouver un travail, je pense que les responsables doivent écouter leur cri du cœur et trouver une solution qui sera profitable à tous. »
Je pense que la présence de nos frères commerçants au sein de l’Université est déjà salutaire. Car s’ils n’étaient pas là, nous serions obligés de nous déplacer hors de l’Université, avec tous les risques de la circulation routière, pour effectuer nos courses. Ce qui nous prendrait d’ailleurs beaucoup de temps malgré notre emploi de temps chargé. Du moment où ils ont tous leurs documents au complet, il n’y a pas lieu de vouloir les déguerpir du campus. Ils n’ont jamais eu de différend non plus avec les étudiants et leur présence, pour nous, est très bénéfique. Dans un pays où c’est déjà très difficile de trouver un travail, je pense que les responsables doivent écouter leur cri du cœur et trouver une solution qui sera profitable à tous.
Jean Didier Zongo, 1ere année de Droit
« Si on supprime tous ces endroits comment allons-nous nous débrouiller ? »
Je trouve qu’ils ne devraient pas être chassés, parce que c’est par ces activités au sein de l’UO qu’ils arrivent à subvenir à leurs besoins quotidiens. Avant de les chasser, ils devraient au moins songer à leur aménager un endroit où ils pourraient s’installer. Pour ce qui est de l’assainissement de l’Université qui est l’une des raisons pour lesquelles ces commerçants sont priés de plier bagages elle ne tient pas. Il y a une possibilité d’engager des personnes qui viendront faire le nettoyage. Une sensibilisation des étudiants et commerçants concernant le sanitaire serait indispensable. Des fois, quand on se sent fatigué, l’on a envie d’aller s’asseoir dans un kiosque pour se détendre avant de repartir à ses occupations, mais si on supprime tous ces endroits comment allons-nous nous débrouiller ?
Mme Konan/ Yaméogo Edith,
Propriétaire d’un café- restaurant
« Nous aurons une réunion aux
environs de 10h pour voir ensemble comment nous pouvons faire face à la situation. »
Vraiment, c’est une situation qui nous dépasse. C’est ce mois que nous avons reçu les notes nous demandant de partir, alors que moi j’ai aménagé ici rien que le 17 juillet, pour un investissement de plus de 800 000 F CFA. On ne se retrouve pas, on n’a nulle part où aller. Qu’ils nous donnent un peu de temps ou carrément nous trouvent une autre solution. Nous aurons une réunion aux environs de 10h pour voir ensemble comment nous pouvons faire face à la situation.
Mme Micheline Dabiré,
restauratrice à l’Université
« Il y a également toutes sortes de personnes qui s’introduisent dans l’Université se faisant passer pour des étudiants alors que ce sont souvent des voleurs ou des délinquants.»
Je suis de leur avis quand ils disent qu’il y a un manque d’assainissement et de sécurité à l’UO. J’avais prévu de boucher les trous qui sont autour de moi quand j’aurai de l’argent, car il y a une odeur nauséabonde qui s’y dégage. Il y a également toutes sortes de personnes qui s’introduisent dans l’Université se faisant passer pour des étudiants alors que ce sont souvent des voleurs ou des délinquants. A part ça, j’ai tous mes papiers qui me donnent le droit de m’y installer, et je ne sais pas où aller 1
Par Toudassida Hermann
Kaboré et Shaida Bado
( stagiaire)
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