Politique
Manifestation annoncée de l’opposition le 23 aout : quand Blaise Compaoré lui-même remet le feu aux poudres
Publié le vendredi 15 aout 2014 | Le Pays
© Présidence par DR
Forum des affaires du Burkina à Washington : les participants tirent un bilan positif Vendredi 8 août 2014. Washington. Les participants au Forum des affaires du Burkina ont fait un bilan positif de l`activité au président du Faso, Blaise Compaoré |
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La récente sortie médiatique du chef de l’Etat burkinabè, Blaise Compaoré, n’en finit pas de faire des vagues. Comme il fallait s’y attendre, la théorie de l’Homme fort pour des institutions fortes, fait couler beaucoup d’encre et de salive au pays des Hommes intègres. Et l’opposition politique burkinabè n’entend pas être en reste. Elle compte joindre sa voie au concert de désapprobations de ce qui est considéré par bien des observateurs, comme une manifestation de narcissisme du chef de l’Etat qui ramène tout à sa propre personne.
Le locataire de Kosyam considère l’accalmie comme un relâchement, voire une capitulation
On se souvient que le président burkinabè avait laissé entendre à Washington que les débats houleux autour du projet de référendum s’étaient tassés au Burkina. Il a certainement fait référence au fait que l’opposition qui a jusque-là exprimé son refus de la mise en place du sénat et de la révision constitutionnelle projetées par le camp présidentiel, est depuis un certain temps, silencieuse. Mais cette déclaration de Blaise Compaoré aura eu l’effet de pousser l’opposition à redonner de la voix. On peut penser que l’opposition politique, après les manifestations qu’elle a menées et qui ont drainé du monde, était dans une phase où elle espérait un geste d’apaisement de la part du chef de l’Etat. Elle comptait certainement sur lui pour prendre la vraie mesure de la situation et agir en tant que garant de l’unité nationale, dans l’optique d’éviter que la situation s’embrase. L’accalmie dans les manifestations de l’opposition, si elle peut se justifier par une insuffisance de moyens, peut aussi s’expliquer par cet espoir qu’elle nourrissait. Hélas, avec cette sortie, l’opposition politique a dû se rendre à l’évidence que le locataire de Kosyam considère l’accalmie des manifestations publiques contre les velléités de son camp de sauter le verrou constitutionnel limitatif du nombre de mandats présidentiels, comme un relâchement, voire une capitulation. C’est pour cela qu’elle a décidé de se rappeler au bon souvenir du pouvoir, à travers cette manifestation prévue pour le 23 août prochain. Sous cet angle, on peut dire que c’est Blaise Compaoré lui-même qui remet le feu aux poudres, par cette sortie pour le moins maladroite. En tentant de donner la réplique à Barack Obama de cette façon, Blaise Compaoré a été mal inspiré. En effet, il est évident qu’au Burkina comme partout ailleurs dans le monde, les institutions fortes se construisent dans la durée. Mais ce que le président burkinabè a visiblement oublié, c’est que ces institutions, là où elles existent, ont été construites avec le concours de plusieurs hommes, de plusieurs régimes, de plusieurs sensibilités, de plusieurs expériences. Chacun des régimes qui se sont succédé dans ces pays, a apporté sa touche particulière au renforcement de ces institutions avant de céder sa place. Même au Burkina, le régime de Blaise Compaoré n’est pas parti du néant. Il s’est adossé sur les acquis des pouvoirs qui l’ont précédé. Toujours est-il que ni Abraham Lincoln, ni Donald Roosevelt, malgré leur forte personnalité, n’ont donné à eux seuls, aux institutions des Etats-Unis d’Amérique, la force qu’elles ont. Et pour ce qui est de la durée, Blaise Compaoré qui reconnaît en filigrane que les institutions politiques burkinabè sont encore faibles, avoue, en quelque sorte, qu’il n’a pas mis à profit ses 27 ans de pouvoir pour les fortifier. De deux choses l’une : ou bien il a essayé de mettre en place des institutions fortes et a échoué, ou bien il n’a pas voulu le faire. De ce point de vue, il devrait éprouver logiquement un sentiment d’échec.
Les « grands hommes » travaillent à faire naître et à encourager la relève
Qu’après près de trois décennies à la tête de l’Etat, on ne puisse pas passer la main à quelqu’un d’autre afin qu’il puisse poursuivre son œuvre, cela devrait plutôt faire réfléchir. En tout état de cause, son maintien au pouvoir ne garantit aucunement le renforcement des institutions.
Blaise Compaoré s’est-il fait le porte-parole des dictateurs africains au sommet de Washington ? On a envie de croire qu’il s’est prononcé au nom d’un collège africain de tripatouilleurs de Constitutions qui ne vont pas bouder leur plaisir face à sa sortie. Denis Sassou N’Guesso, Joseph Kabila et autres tripatouilleurs de lois fondamentales ont certainement trouvé en Blaise Compaoré, leur maillot jaune, leur leader dans cette croisade contre la démocratie.
En tout état de cause, cette contrevérité historique, destinée à prendre le contrepied de Barack Obama, va à jamais coller à la peau du président Compaoré.
Lui qui dit aujourd’hui avoir besoin de l’avis du peuple burkinabè, avait-il seulement songé à consulter le même peuple en 1987 quand il prenait le pouvoir ? Les adeptes du pouvoir à vie sur le continent, doivent revoir leur copie car cela n’est pas un acte de grandeur, surtout pour les dirigeants qui disent s’inspirer d’icônes comme Nelson Mandela.
Car les dirigeants africains qui s’inspirent de Madiba sont ceux qui se convainquent que personne n’est irremplaçable dans ce monde ici bas. Ce sont ceux qui se rendent utiles à leur pays mais qui travaillent à ne pas être indispensables, qui amènent les autres à avoir les ressorts nécessaires pour se passer d’eux. Comme le disait un penseur, « l’idéal du maître est de se rendre inutile à ses élèves » en leur apprenant à se débrouiller sans lui. Si tel n’est pas le cas pour un maître, il devra se remettre en cause. Savoir susciter et préparer une relève digne de ce nom, c’est aussi cela le devoir d’un dirigeant, à quelque niveau qu’il soit. Ceux qui se disent indispensables ne peuvent rien faire qui puisse leur survivre étant donné que tout doit partir d’eux et revenir à eux. C’est cela la logique des « hommes forts ».
Mais Blaise Compaoré et ses soutiens ne doivent pas perdre de vue le fait que jusque dans les monarchies comme en Espagne, en Jordanie et au Koweit et même au Vatican, l’alternance est acceptée et même provoquée par ceux-là mêmes qui tiennent les rênes du pouvoir. Ces hommes-là qui ont décidé en toute lucidité de remettre le pouvoir à d’autres personnes en faisant passer le bien de leur communauté devant leurs intérêts personnels, sont de grands hommes. Car contrairement aux « hommes forts » qui se croient irremplaçables, les « grands hommes » qui se savent mortels, travaillent à faire naître et à encourager la relève en toute humilité. Les grands hommes mettent un point d’honneur à oublier leur personne, et veillent à ne pas être un quelconque problème pour leur peuple. Ce sont de grands hommes dont l’Afrique a besoin. Ce sont eux qui, en rendant grand leur peuple, font avancer l’humanité vers des lendemains toujours meilleurs. Et c’est en cela qu’ils accèdent au statut de légendes vivantes dans la mémoire des peuples.
Pour ce qui est du Burkina, il faut dire qu’on ne va pas vers l’apaisement. Le chef de l’Etat aurait mieux fait d’appeler à la concertation et au dialogue. Mais il semble résolument engagé dans une logique de pouvoir absolu. Ses partisans sont ragaillardis par cette sortie « historique » au pays de l’Oncle Sam. L’opposition qui rêve d’alternance ne doit pas se leurrer sur les intentions du camp présidentiel. « Il est difficile de réveiller quelqu’un qui ne dort pas », dit une sagesse de chez nous.
Il lui appartient, de ce fait, de trouver les voies et moyens si elle veut triompher de ce bras de fer. Elle serait bien inspirée de trouver, entre autres, des moyens de communication à la hauteur du défi qu’elle a à relever. Elle devrait songer à se doter d’au moins une chaîne de télévision et d’une radio performantes, à même de relayer, aux confins du pays et à l’extérieur, son message. Elle en a les moyens ou peut se les offrir. En tout cas, elle ne peut pas faire l’économie de la bataille de la communication, si elle veut réussir son pari.
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