Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Mali    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Les experts de l’enterrement dans la société kasséna
Publié le jeudi 14 aout 2014  |  Sidwaya




Les sociétés gourounsi, notamment les Kasséna du Nahouri, province située à 150 km de Ouagadougou dans la région du Centre-Sud du Burkina, frontalière avec le Ghana, réservent aux morts un traitement particulier. Dans cette société où la tradition reste vivace et où tout individu a droit à un enterrement qui repose sur les valeurs ancestrales de la localité, ce sont les personnes appartenant au clan des « bayaa » ou croque-morts, qui sont habilitées à inhumer les corps. Immersion dans un métier où seuls les initiés ont droit de cité.

Nous sommes à Songo, un village du Nahouri. Le croque-mort de la localité, Awougoni Abilbou, est décédé. Nous assistons à un cérémonial hors du commun. Des hommes, torses nus, avec pour seul vêtement, un cache-sexe. Le regard menaçant, les gestes peu ordinaires, ils vont de l’extérieur à l’intérieur de la concession où est couché le corps du plus vieux « bayaa » de la contrée. Toute la confrérie des «bayaa» s’affaire à donner au vieux Awougoni Abilbou, une sépulture digne de son rang et du rôle qu’il a joué dans la communauté.
L’occasion est toute désignée pour faire montre de ses pouvoirs mystiques aux populations. Des attitudes frisant la provocation, aux paroles de défi, c’est la démonstration de la puissance de la confrérie, en des termes occultes.
Akibê Anabèbou, membre de cette caste de croque-mort, a une certaine notoriété de par sa position sociale qui lui permet de pénétrer dans la cour royale dudit village. « Je suis un bayaa du chef. Quand un chef meurt, c’est nous qui sommes chargés de lui trouver une demeure sans que ses sujets ne sachent là où il a été inhumé », déclare Anabèbou. Sa parfaite maîtrise des valeurs traditionnelles ne se discute pas dans cette société.
Selon lui, hormis le pouvoir qui est donné au «bayaa » d’enterrer les morts, même les corps en putréfaction, il reste un être humain, vivant comme les autres hommes de la terre. Le terme «bayaa» ou croque-mort désigne ce qui est mauvais (dans le sens de pourriture) en kasséna. Selon les explications des sages du village, tel Awêpouga Yaguibou, l’on ne peut devenir « bayaa » qu’après l’initiation, même quand on est né de la famille des « bayaa ».
Alira Elie Kayabou, croque-mort du village de Banon, précise que la tâche du « bayaa » ne se limite pas seulement à l’enterrement des morts. « Nous pouvons soigner des maux auxquels la médecine moderne ne peut trouver de remède. Nous avons des produits qui aident dans le traitement des maux comme le sort jeté à une personne, la possession par des esprits maléfiques, les crises qui naissent après les fréquentations de lieux interdits, les pathologies dues à l’exposition aux odeurs de cadavres en décomposition… », confie M. Kayabou.
Dans les familles royales, le croque-mort est demandé pendant l’intronisation du chef, de même qu’à son décès. Dans ce cas de figure, comme nous confie un sage, ce croque-mort court de graves dangers. Par expérience, on dit qu’il ne survit pas longtemps à celui qu’il a enterré. Il est susceptible de mourir brutalement et souvent de malaises bénins.

La place du croque-mort dans la société kasséna

Le travail de croque-mort dans la société Kasséna a un caractère purement volontaire, social, et désintéressé. Le bayaa trouve la satisfaction morale, à travers le service rendu. Il vit comme les autres membres de la société, d’agriculture essentiellement. C'est un personnage investi d’un pouvoir surnaturel qui ne lui accorde pas un statut de privilégié, ni d’avantages spéciaux. Les croque-morts sont pour la plupart agriculteurs, éleveurs, petits maçons. Ils ne se différencient des autres que quand vient le moment de préparer un mort ou de porter un corps en terre.
Parmi les croque-morts, il y a ceux qui sont aux services de la cour du chef de village. Ceux-ci ont pour rôle d’accomplir le rituel dans la cour royale. Ils sont habituellement installés à proximité de la cour royale. Avec le passage des générations, certains d’entre eux sont intégrés aux membres des cours royales. Le croque-mort Gouriboué Akouwérabou, sans complexe aucun, explique : «pour les populations, nous sommes sans valeur. Pourtant, c’est grâce à nous, à notre existence, que certains malheurs ne frappent pas les villages. Nous intercédons par le canal des morts auprès de nos ancêtres en faveur des vivants ».
A l’en croire, sans l’intervention des croque-morts qui établissent le contact entre les vivants et les défunts, la société essuierait constamment le courroux des ancêtres, privés de la communication directe avec certains membres de leur famille.
Le maître de recherche en anthropologie économique, Ludovic Kibora confirme cette version des choses. Dans toutes les sociétés, fait-il observer, même dans la société occidentale, les gens regardent les croque-morts comme des personnages sans valeur «alors qu’en réalité, ils sont indispensables ». L’anthropologue explique : « les Kasséna de la province du Nahouri ne connaissent pas de cimetière. Chez eux, les enterrements se font dans des fosses communes qui sont pour la plupart installées à l’entrée de la concession où dans la cour (naabo) où sont gardés les animaux pendant la nuit ». Il relève que les caveaux qu’on ferme et qu’on ouvre à chaque cérémonial, pouvaient exposer le "bayaa", au plan médical et sanitaire. Mais grâce à l’initiation, beaucoup d’entre eux arrivent à bien se protéger des maladies. «Il y a des moments où les croque-morts sont obligés d’ouvrir le caveau pour y déposer un nouveau corps, pendant que le dernier corps enterré est en putréfaction», souligne-t-il. M. Kibora de poursuivre : « En ce moment, même ceux qui sont autour s’éloignent de la tombe et avec toutes les odeurs qui se dégagent, ils sont obligés de se boucher les narines. Pendant ce temps, le croque-mort entre tout nu dans le caveau et accomplit le rituel, déplace les ossements puis dépose le nouveau corps, toute chose qui l’expose».

Les différents stades d’initiation des croque-morts en pays kasséna

Akibê Anabèbou a assisté son grand-père et son père dans cette pratique, avant de devenir aujourd’hui dépositaire de ce pouvoir. Incontournable dans sa fonction, il a été mis devant ses responsabilités à la mort de son grand-père paternel. Pour l’adolescent qu’il était, c’était la première fois qu’il prenait part à des échanges devant aboutir à une décision sur le choix de la personne qui descendrait dans la tombe pour y déposer le mort. «Je ne savais pas que j’allais être choisi. Quand mon nom a été retenu, j’ai pris sérieusement peur», raconte-il. «Ce fut ma première mise à l’épreuve, en tant qu’initié ». Ce jour-là, Anabèbou a compris qu’être initié ne se limite pas à creuser des tombes en forme de puits. «Comme c’était une personne âgée, c’est un caveau familial que nous avons ouvert et je suis entré mettre de côté les ossements avant de demander qu’on fasse venir le corps », se rappelle-t-il.
Selon Anabèbou, rester seul dans un tombeau aux parois rétrécies avec un cadavre pour une première fois est plus qu’éprouvant. «Je m’en rappelle comme si c’était hier ». En fait, la tradition interdit formellement les tombes larges pour l’enterrement des morts d’un certain âge, contrairement à ce que les gens ont l’habitude de voir en milieu urbain. Alira Elie Kayabou du village de Banon a été initié par ses oncles maternels (village de Guenon), à sa propre demande. « C’est moi qui ai demandé à mes oncles d’installer le fétiche dans mon village afin que je puisse m’en servir pour le compte du village», raconte-t-il. L’homme se souvient que quand ses oncles maternels sont venus pour l’initiation, dès le cérémonial d’installation du fétiche, les chefs coutumiers du village étaient présents. Ils ont assisté à toutes les étapes du rituel. «A ma prise de parole, j’ai dit aux premiers responsables que le village peut désormais compter sur moi pour le repos des âmes de leurs morts». Après onze ans de service, le croque-mort du village de Banon est plus qu’aguerri dans cette pratique ancestrale. Il va jusqu’à chercher des corps en décomposition pour les descendre dans la tombe.
Il existe chez lui une méthode de purification des tombes. Sa technique consiste à passer des branches épineuses dans les recoins du tombeau avant l’enterrement, ce qui fait de lui un croque-mort hors pair. « Cette pratique vise à chasser les âmes faibles et celles égarées qui se retrouvent parfois dans les tombes», confie Kayabou.
Le croque-mort Gouriboué Akouwérabou, initié par son défunt père, fait partie des sages du domaine aujourd’hui à Pô. Pour lui, un village sans croque-mort initié est tombé dans la déperdition. « Ils sont nombreux les vieux qui nous ont approchés pour nous dire qu’à leur décès, ils aimeraient qu’on les enterre comme on a enterré leurs parents», dit-il fièrement. Il faut bien que les croque-morts soient là pour répondre à ce type de requête, justifie-t-il. S’il n’y a personne pour s’occuper d’eux, comment se sentiront-ils au soir de leur vie ? s’interroge M. Akouwérabou. Le croque-mort, le maître de terre, le chef, sont complices dans la gestion d’une communauté.
La science du croque-mort

Avec les "bayaa", l’enterrement devient une science. Rien ne se fait au hasard. « L’homme est enterré le matin parce que c’est à cette heure-là qu’il débute ses travaux champêtres et la femme après 16h, pour rappeler que c’est à cette heure-là qu’elle s’adonne à sa cuisine », explique le sage Awêpouga Yaguibou. La tombe de la femme ou de l’homme se présente de la même façon. Lorsque, selon la coutume, l’on est obligé de creuser une nouvelle tombe (cas des corps venus de l’extérieur), la bordure prend la forme d’une calebasse au départ puis s’élargit en profondeur jusqu’à devenir un tombeau large où le corps est déposé. M. Yaguibou relève que la coutume recommande que l’ouverture du trou soit mesurée avec une calebasse neuve offerte par la famille du défunt.
Pendant que les croque-morts s’activent à la recherche de la demeure du mort, les parents du défunt leur offrent des cadeaux. Certains les encouragent avec des boissons, d’autres avec de l’argent. Le rituel dure des heures, voire des jours, mais le corps, sans traitement médical, reste intact parce qu’une méthode traditionnelle de conservation lui est appliquée. Selon Akibê Anabèbou, le corps change de position en fonction de certains aléas du temps qu’il fait. «Ce rituel permet d’éviter qu’une partie du mort ne se décompose, car en restant longtemps dans une position, le corps ne supportera pas la chaleur et va se putréfier». A l’entendre, avant de changer la position du cadavre, toutes les femmes qui sont restées à son chevet sont mises dehors et ne sont rappelées qu'après le rite. «Avant de commencer, nous leur demandons d’attendre dehors, le temps que nous accomplissions une partie de la tradition qui donne droit de soulever le corps en prononçant des mots sacrés dont seuls les initiés comprennent le sens. Ce sont bien des incantations rituelles », ajoute-t-il. Une fois la tombe finie, les croque-morts présents aident à la préparation du cadavre. La toilette du cadavre est assurée selon, par des hommes ou des femmes. « Nous le lavons, l’habillons conformément à la coutume et nous portons le corps dehors pour l’emmener dans la tombe », raconte Elie Kayabou.
«C’est le croque-mort désigné qui descend dans la tombe et les autres lui passent le corps», poursuit-il. Celui-ci est tenu de bien déposer le corps selon les règles de la tradition. A entendre Alira Elie Kayabou, si un croque-mort positionne mal un cadavre, ce dernier le dérangera et troublera son sommeil jusqu’à ce qu’il retourne dans la tombe pour bien le positionner. Le cadavre doit être couché comme l’être humain se couche habituellement « sur son côté, une main utilisée comme oreiller et l’autre cachant son visage », explique le croque-mort du village de Songo, Akibê Anabèbou. Pour conduire le cadavre à sa dernière demeure, les croque-morts demandent, des fois, le soutien des jeunes initiés. Ceux qui ne sont pas initiés sont tenus de s’éloigner, sinon, ils sont exposés à diverses maladies, disent les « experts ». De même, pour creuser la tombe ou ouvrir un caveau, c’est l’aide des bras valides initiés qui est pour la plupart du temps, sollicitée.

Tous les enterrements ont leurs spécificités

Aux côtés de nos interlocuteurs, nous avons retenu une chose essentielle : tous les morts ne bénéficient pas des mêmes traitements. Par exemple, une personne morte en brousse ou hors du village, ne bénéficie pas des mêmes hommages que celle décédée au village, entourée des siens. Pour les personnes portées disparues, le village consulte un devin pour s’assurer qu’elle est effectivement morte. C’est en fonction des prescriptions de celui-ci que tout se décide. S’il s’avère que le disparu est décédé, «ce sont des feuilles qu’on arrache et que l’on fait passer pour le corps du disparu, afin de pouvoir lui réserver une sépulture digne et lui permettre de rejoindre les ancêtres», explique Alira Kayabou.
Il y a aussi ceux dont le corps a été enterré loin des parents, hors de leur village. Dans ces cas de figure, on reprend tout le rituel, une fois la terre prélevée sur sa tombe et remise avec certains de ses habits dans un sac. «On fait passer le sac pour le corps de la personne et nous organisons un cérémonial », développe Kayabou. Pour ceux qui décèdent loin des parents ainsi que les disparus, il est formellement interdit d’ouvrir le caveau familial pour les y mettre. Les croque-morts sont tenus de leur trouver une nouvelle demeure, car «on les suppose trop fatigués pendant le trajet ».
L’enterrement du chef de village est très particulier. Celui-ci dispose d’un croque-mort particulier qui reste à son service durant sa vie sur terre. Seul ce dernier et quelques sages sauront où le chef a été « caché » à sa mort. «Le souverain est enterré la nuit dans la clandestinité». La tradition lui refuse les honneurs du fait qu’il en ait déjà bénéficié de son vivant. «Nous terrassons des murs pendant la nuit, puis nous l’enterrons au pied d’un des murs et nous reconstruisons tous les murs terrassés la même nuit», confie le sage Yaguibou.
Le chef de terre a lui aussi son croque-mort. Celui-ci doit toujours venir du clan de sa famille à plaisanterie. Ce choix se fait avec beaucoup de rigueur, sinon après son enterrement, le croque-mort risque sa vie. Il y a un personnage dans la société kasséna dont l’enterrement est aussi entouré de mythe : il s’agit du lépreux. Selon le croque-mort Gouriboué Akouwérabou, l’enterrement du lépreux n’est pas ordinaire en raison de croyances selon lesquelles, son inhumation est suivie de beaucoup de malheurs. Pour exorciser le mal, «nous réclamons un bouc que nous enterrons avec le corps. Ce geste vise à implorer l’indulgence des ancêtres», fait savoir Akouwérabou. Ensuite, le groupe des croque-morts qui a participé à l’enterrement observe un rite qui oblige à se laver avec des feuilles d’un arbre sacré et de consommer des tisanes faites à base de ces feuilles. Selon lui, si un croque-mort descend dans une tombe avec un cadavre pour l’enterrer et que ce dernier refuse de se coucher, il doit tout faire pour le maîtriser, au risque de voir sa sortie de la tombe compromise. A entendre les acteurs, si le mort de son vivant était très « puissant », il peut faire des sacrifices occultes pour qu’à sa mort, son enterrement soit difficile. Aussi, une personne tuée de force peut opposer une résistance dans la tombe au "bayaa", parce que n’étant prête à un retour définitif. Pour traduire son autorité sur les morts, le "bayaa" fait fermer la tombe, le laissant à l’intérieur avec le corps du mort «révolté ». « De l’intérieur, on se sert de notre pouvoir occulte pour immobiliser le mort, au besoin, on le cloue avec des piquets confectionnés spécialement, pour de telles situations », précise un acteur préférant garder l’anonymat. A la suite de ce forfait, le croque-mort, par le biais de son pouvoir mystique, fait sa réapparition à quelques mètres de la tombe. L’ouverture dont il s’est servi reste inconnue aux non-initiés. «Si ce genre de cas se présente, le clan des croque-morts se réunit pour observer un rite», laisse entendre un bayaa.

Le croque-mort kasséna a-t-il une rétribution ?

Selon Akibê Anabèbou, le service des croque-morts se rétribue le plus souvent par une chèvre, de la farine, du petit mil. Des fois, la famille du défunt, si elle est nantie, ajoute un peu d’argent, des coqs. « Tout ce qui est cité n’est pas obligatoire. Mais la calebasse utilisée pour creuser la tombe doit forcément nous suivre, elle ne doit pas rester dans la cour, sinon un malheur frappera la famille du défunt», insiste M. Anabèbou.

Les choses ne se passent pas de la même manière dans tous les clans et les cas. Awêpouga Yaguibou note que chez eux, pour enterrer un homme, la famille doit obligatoirement donner un mouton, du tabac, du dolo, etc. Mais pour une femme, il n’y a pas de prix. Et d'ajouter : «comme la femme n’intervient pas dans nos coutumes, nous prenons juste ce que sa famille nous propose». Pour ceux qui n’ont pas de famille à côté, «des personnes qui ont trouvé asile dans le village, les malades mentaux, les démunis, c’est le chef du village qui donne du tabac et un bouc, de même que le dolo, la calebasse et l’habillement du défunt». Pour informer d’un décès, c’est surtout la famille à plaisanterie qu’on envoie porter la nouvelle aux croque-morts. «Si la personne n’a pas de parent dans le village, ce sera par le canal du chef à travers les sages qu’on donnera l’information», selon Gouriboué akouwérabou.

La vie du croque-mort obéit à des règles

Les croque-morts doivent observer des interdits pour ne pas désacraliser la valeur ancestrale dont ils sont les dépositaires. Selon Kayabou, le croque-mort ne doit pas manger tard dans la nuit, ni avoir peur d’un voyage, quelle que soit l’heure. « Il y a des moments où tu entres avec un cadavre dans une tombe et il se réveille. Si la peur te saisit et que tu prends la fuite, tu mourras », révèle Kayabou. Même son de cloche chez Gouriboué Akouwérabou. Pour lui, les risques du métier sont énormes. «Beaucoup sont morts après un enterrement parce qu’ils ont été négligeants sur un rituel; d’autres ne sont pas morts mais ils sont devenus débiles», soutient Akouwérabou. Avec la modernisation, le rôle et la place sociale du croque-mort tendent à disparaître. Plein de gens convertis aux religions révélées refusent les services du croque-mort. «Il existe des gens qui pensent que nous ne devons pas être aidés dans notre travail car il est satanique au regard des rites que nous accomplissons», s’offusque un "bayaa".
L’appréciation des religieux

Les religions chrétienne et musulmane creusent les tombes à la taille du cadavre. Chez les catholiques, il n’y a pas d’interdits entre un croque-mort et les autres personnes pratiquant une religion car « toute personne peut toucher le cadavre pendant et au moment de l’enterrement». Selon le catéchiste Alphonse Adanabou, même au temps du Christ sauveur, les croque-morts existaient. Pour lui, il faut accepter chacun dans sa pratique avant de vouloir le reconvertir. « Mon papa a été enterré par des croque-morts, mais cela n’a pas empêché que moi, je sois un fidèle catholique, un catéchiste qui enseigne la bonne nouvelle», déclare Adanabou.
Le grand imam de Pô, Al Assane Moimbou, note que la religion musulmane ne reconnaît pas le croque-mort et que tout musulman peut procéder à l’inhumation. « Il n’existe pas de personne à qui la tâche de croque-mort incombe. C’est main dans la main que nos fidèles préparent le mort jusqu’à son enterrement, donc si tu n’es pas de la religion, on ne peut pas te permettre de toucher le corps », explique t-il.
Selon les renseignements que nous tenons aussi bien des croque-morts que du catéchiste, la façon de poser la femme est la même. Celle-ci regarde le couchant, tandis que l’homme regarde le levant. Chez les musulmans, que ce soit un homme ou une femme, la position dans la tombe n’obéit pas à cette règle. Autrement dit, les musulmans ne font pas de distinction. La femme comme l’homme sont couchés de la même façon dans la tombe. «Les morts sont déposés sur leur côté droit, le visage orienté vers la kaaba (le lever du soleil)», témoigne l’imam Moimbou.
Dans les deux religions révélées, à savoir le christianisme et l’islam, l’on réserve aux morts une prière dénommée « la prière des morts ». Dans la tradition kasséna, le croque-mort permet au fils aîné d’un chef de famille de faire des recommandations avant l’enterrement. Il y a en revanche une similitude dans un aspect de la préparation du corps, c’est-à-dire la toilette. Les musulmans, les catholiques comme les traditionnalistes font une toilette complète du cadavre avant son enterrement. L’exception qu’il faut retenir, c’est que dans le mode traditionnel, quand il s’agit d’une «mort rouge» (mort accidentelle, suicide par pendaison, etc.), la sépulture est faite sans toilette. De nos jours, seule la composante mécaniste du bayaa est mise en exergue dans cette société, du fait de la montée des religions. Si rien n’est fait pour conserver cette valeur si chère au Kasséna, voire protéger les acteurs dont le service est de moins en moins sollicité, la pratique risque de disparaître, empêchant désormais, aux morts de pouvoir communiquer avec les membres de leur famille.


Antoine AKOANDAMBOU
Commentaires

Dans le dossier
Titrologie



Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie
Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment