Politique
Me Hermann Yaméogo, président de l’UNDD à propos des marches et contre- marches : « Ce jeu n’est pas à l’avantage de ceux qui prônent la consultation du peuple pour sortir de la crise »
Publié le jeudi 14 aout 2014 | Le Quotidien
© aOuaga.com par A.O
Politique : des partis de la majorité et de l`opposition créent un front républicain Jeudi 23 janvier 2014. Ouagadougou. Une quarantaine de partis politiques de la majorité présidentielle et de l`opposition ont créé un front républicain qui a été présenté aux journalistes lors d`une conférence de presse. Photo : Me Hermann Yaméogo, président de l`Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD) |
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Sommet Etats-Unis Afrique, les propos tenus par le président du Faso, Blaise Compaoré, à Washington et son accueil à Ouagadougou, la marche-meeting de l’opposition politique le 23 août prochain, l’appel au dialogue du Front républicain à Gaoua. Ce sont là, entre autres, les questions que nous avons abordées avec Me Hermann Yaméogo, président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), dans l’interview qu’il nous a accordée hier, 13 août 2014. Pour le co-président du Front républicain, “ce jeu de marche et contre marche n’est pas au final à l’avantage de ceux qui prônent la consultation du peuple pour sortir de la crise ».
Le Quotidien : Monsieur le président, il vient de se tenir le sommet Etats-Unis/Afrique auquel ont participé plusieurs chefs d’Etats africains. Comment avez-vous apprécié ce sommet ?
Me Hermann Yaméogo, président de l’UNDD : Jusqu’à présent, il faut reconnaître que nous étions plus habitués aux sommets France-Afrique. Ce sommet Etats-Unis / Afrique est véritablement une grande première. Les USA comblent ainsi un déficit de relation avec un continent qui, pourtant, leur est lié par le sang et par l’histoire. Le sommet reconduit en l’amplifiant une dynamique de coopération gagnant- gagnant qui, à l’expérience, se révèle un modèle du genre. L’augmentation de l’enveloppe des accords d’investissement qui passe à 33 milliards de dollars et l’annonce du plan Power pour doter 60 millions de ménages en électricité d’un montant de 26 milliards sont à saluer.
Vous qui vous intéressez beaucoup aux relations internationales, pensez-vous que ce sommet aura un intérêt particulier pour l’Afrique ?
Ce sommet s’est concrétisé par la reconduction, avec bonus, des engagements des USA en matière économique. Cela en soit suffit à garantir les retombées pour l’Afrique, donc à prouver son intérêt. Mais, il est un autre chantier sur lequel je fonde tout autant l’intérêt de ce sommet. C’est celui de la paix et de la sécurité. L’Afrique, bien qu’avançant altière dans une croissance consolidée que l’on situe à 5%, est aussi le continent qui fait le plus face à des conflits, et dont la sécurité est mise à mal par la montée en flèche du terrorisme, notamment à travers sa variante djihâdiste. En décidant du renforcement du partenariat Afrique-USA, pour mieux servir la paix et la sécurité, le sommet touche à un point névralgique de notre développement, disons même de notre vivre ensemble. Cela suffit à consacrer son intérêt pourvu que les équipements et les moyens de renseignements promis suivent très rapidement. Mais, souhaitons surtout la pérennisation de cette initiative Obama.
Lors du sommet, le président du Faso, Blaise Compaoré, a accordé une interview aux organes étrangers où il affirmait, contrairement à Barack Obama, que ce sont les hommes forts qui font des institutions fortes. Commentaire !
Comme beaucoup d’Africains, j’ai été un fervent soutien de Barack Obama. J’ai même été celui qui a créé en Afrique, le premier club Barack Obama pour faire la promotion de sa candidature. Mais, lorsqu’il a lancé sa phrase au Ghana qui a connu la fortune que l’on sait, je m’en suis étonné. Pour le juriste qu’il est, forcément pétri d’histoire des institutions, il devait savoir qu’il n’existe pas d’institutions sui generis. Qu’à l’origine de toute institution, il y a l’homme et le
plus souvent un homme fort. Que les institutions ne se développent et ne se renforcent qu’avec des dirigeants au tempérament trempés. Regardez Napoléon, fort de tête, d’audace, de courage, d’intelligence et l’œuvre accomplie qui influence encore aujourd’hui notre droit interne. Regardez les rois fainéants et leurs incapacités à résister à des pressions qui ont emporté des échafaudages institutionnels solides. Regardez Nelson Mandela, ancien boxeur, fort de caractère endurci à la souffrance morale et physique et l’héritage qu’il laisse à son pays comparativement à David Dacko, installé au pouvoir par la France et dont on cherche les traces utiles de son passage au pouvoir. Voilà mes commentaires et mes convictions, en dehors, de toute querelle sémantique.
Ses propos ont visiblement été appréciés par ses partisans qui lui ont accordé un accueil chaleureux à Ouagadougou. Quelle appréciation faites-vous de cet accueil ?
Je n’étais pas de l’accueil, mais je le comprends. Il est moins à mes yeux une provocation ou une agression contre Barack Obama que l’affirmation de la souveraineté du Burkina Faso. Beaucoup ne voyaient en cette rencontre ni les retombées en termes économiques ou sécuritaires. Pour eux, des chefs d’Etat étaient convoqués pour y recevoir admonestations et autres injonctions à appliquer les instructions américaines sur la limitation des mandats. L’accueil, qui a fait suite à ces propos, s’adressait plus à mon sens à ceux qui ont pensé que la solution à la question de l’article 37 se trouvait entre les mains d’Obama et non du peuple burkinabè.
Pensez-vous que ses propos valent le coût qu’on l’applaudisse ?
Et pourquoi pas ? Un acte qui, aux yeux de citoyens, fouette la fierté nationale, réaffirme le droit légitime d’un peuple à décider lui-même de son destin a toujours eu les mêmes transports ici ou ailleurs.
En réponse aux déclarations du président du Faso, l’opposition organise une marche-meeting le 23 août prochain. Est-ce à dire que c’est reparti pour les débats dans les rues?
Je ne sais pas si c’est reparti ou non. En tous les cas, je ne le souhaite pas. Je pense que ce jeu de marche et de contre marche n’est pas au final à l’avantage de ceux qui prônent la consultation du peuple pour sortir de la crise, et encore moins des Burkinabè. Même lorsque les forces s’équilibrent à ces occasions, voire qu’il y ait net avantage, au poing aux partisans de la consultation référendaire, ce sont les partisans du triple non qui en tirent le meilleur profit, en cristallisant la vie politique nationale autour de leur seule exigence. Ils mènent la danse. Il y a autre chose à faire. Il y a autre chose à décider, pour ne pas donner crédit à la dénonciation de la paralysie de l’Etat. D’ailleurs, en cette saison hivernale, beaucoup se demanderont est-ce-bien le moment pour de tels rassemblements ? Un de mes militants ayant entendu des informations sur cette marche, s’est, pour sa part, inquiété qu’en cette période d’angoisse au sujet de la fièvre Ebola on se préoccupe plus de mobilisation pour des marches meetings plutôt que de sensibilisation sur les précautions à prendre ! Chacun son problème !
Le Quotidien peut-il avoir l’exclusivité? C’est quand la date de la marche du Front républicain vu que le CFOP est dans la rue le 23 août ?
Comme je vous le disais tantôt, je ne suis pas partisan de l’enfermement dans ce cercle vicieux de manifestations et contre manifestations. Vous en serez informés en cas de besoin par les canaux habituels.
Certains pensent que la sortie médiatique de Blaise à Washington, est une invite à Obama de se rappeler l’option américaine, par rapport à Alsissi (ressenti comme fort) contre le président démocratiquement élu Morsi. C’est votre opinion?
Je ne connais pas la prégnance de ce point de vue dans l’opinion. On peut seulement constater que dans les faits, Alsissi, en raison de ce qu’il est une forte personnalité, semble être jusqu’à preuve du contraire mieux outillé pour ramener la paix et la reconstruction institutionnelle du pays. Que cela conforte la thèse de ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas d’institutions sans hommes fort ? C’est à voir.
On parle du Général Gilbert Diendéré comme celui que Blaise a choisi pour le succéder. Cela est-il envisageable selon vous ?
On a parlé de François Compaoré, de Désiré Kadré Ouédraogo, de Yacouba Ouédraogo dit Yac. Aujourd’hui, c’est au tour du général Gilbert Dienderé. Rien n’est impossible en ce bas monde. Attendons cependant de voir d’ici-la avant de se faire une idée définitive. Les ballons sondes, ça divertit beaucoup les Burkinabè qui en raffolent. Et puis dans cette affaire, c’est comme pour les conclaves le plus souvent, on entre pape pour en ressortir cardinal.
Lors de la sortie du Front républicain à Gaoua, vous avez appelé au dialogue. Quel est le schéma conceptuel de ce dialogue ? Autrement dit, sous l’égide de quelle autorité ?
L’appel de Gaoua n’ a pas été concocté à Ouaga en quelque réunion secrète. Il s’est imposé de lui-même à la suite de la mobilisation constante que nous avons observé pendant la durée de la caravane autour des questions de paix, de sécurité, d’unité nationale, de défense de la Constitution. Venus expliquer, sensibiliser ... Bref prêcheurs, nous avons trouvé des convertis. L’appel de Gaoua est venu du souci de traduire cet attachement remarqué au règlement pacifique, républicain et constitutionnel du différend portant sur les 3 Nons( Sénat, révision de l’article 37, référendum ). L’appel à été rédigé dans le car où nous étions. Nous n’avons pas pensé que de le lancer à Gaoua, pouvait apparaître déplacé, un tel mérite ne lui revenant pas. Nous n’avons pas, non plus, pris sur nous d’encadrer l’appel, de le corseter pensant que le principe accepté, on avait le loisir d’en arrêter ensemble le modus operandi . Ceci pour ne braquer personne au départ. Mais de toute les façons, la proposition vient de faire long feu, puisque rejetée avec fracas. Je le regrette sincèrement. Mais, Il ne sera pas dit que l’effort de dialogue n’aura pas été fait. Maintenant, je note que la demande faite est celle d’une invitation officielle pour palabre d’institution à institution. C’est bien, mais comment ne pas y voir une volonté de bipolarisation, de bilateralisation, si on peut dire du débat, et ce contre les réalités du monde politique et partisan ? Ensuite, il y a un souci de face à face avec Blaise Compaoré dont beaucoup craindront un vernissage de l’image des demandeurs plus qu’autre chose, avec des risques d’enlisement. Mais attendons de voir ce qu’il va en résulter.
Est ce qu’il est possible et dans quelles conditions le Front républicain peut renoncer au référendum?
La question n’ayant pas encore été traitée par le Front républicain, je ne saurais y répondre.
Pensez-vous que les anti-référendums sont prêts à accepter une autre option que le départ de Blaise Compaoré en 2015 ?
Je suis mal placé pour y répondre à leur place. Tout ce que je me dis, c’est que la base de la démocratie, c’est l’institutionnalisation du compromis. Un démocrate doit y être attaché. Je me dis aussi qu’en politique, il ne faut jamais monter la barre trop haut. Ça peut vous couper de toute possibilité de replis quand les impondérables de la politique entrent en jeu. Alors penser à des alternatives, ce n’est pas mauvais en soi. Je concède cependant que le plus difficile, c’est de faire comprendre cela à la base, d’autant plus radicale qu’elle n’a pas toujours les éléments d’une saine appréciation des situations.
Dans une interview que vous avez accordée à l’observateur il y a quelques années, vous disiez que « l’article 37 est le Waterloo de Blaise Compaoré », vous en croyez toujours ?
Oui je l’ai dit si ma mémoire est bonne à un moment où nous avions l’opportunité à l’opposition de refuser de façon unanime, de participer aux élections si la révision de l’article 37 ne s’appliquait pas à Blaise Compaoré. J’ai dit aussi que si nous validions sa candidature en participant à l’élection, il aurait après tout le loisir de modifier comme il le veut le même article. Sur ce, je ne me suis pas présenté. Beaucoup d’eau, depuis, a coulé sous les ponts. Le Waterloo de Blaise Compaoré peut encore avoir lieu si la confrontation sur l’article 37 emprunte d’autres voies que celles de la violence. Si dans le cadre d’un dialogue protégé par la CEDEAO, l’UA et les Nations- Unies, nous obtenions des garanties renforcées de transparence, une bonne loi électorale pour en découdre par référendum, le Waterloo pourrait être au rendez-vous. Rien, en effet, dans ces conditions ne dit que le référendum serait forcément positif.
On dit que nous sommes vers une
période cruciale de la vie politique nationale et c’est le moment que Me Hermann Yaméogo décide d’opter contre l’opinion « majoritaire ». Quel commentaire quand on sait que vous êtes l’un des précurseurs de la limitation de mandat avec El Hadj Amadou Dabo, votre représentant à la commission constitutionnelle de 1991
Qui dit que me Hermann Yaméogo, en choisissant le règlement de la crise par la consultation du peuple plutôt, que par la violation a opté contre l’opinion majoritaire ? Qui est juge de cette majorité ? Les élites ? L’internet ? La presse ? Des ONG de défenses des droits humains ? La majorité dans tout système de démocratie, reposant véritablement sur le primat de la volonté populaire, s’exprime de tout temps à travers le corps électoral qui est constitué par l’ensemble des personnes qui bénéficient du droit de vote. C’est quand ce corps électoral, qui est le premier des pouvoirs, avant tout les autres, exécutif, législatif ...qu’il institue, va se prononcer que l’on saura si mes positions sont contraires ou non à l’opinion majorité. Sinon avec mes camarades, nous avons toujours défendu la limitation du mandat présidentiel à deux termes. Notre position prenait, il est vrai quelque liberté avec la démocratie qui ne peut se concevoir avec des limitations des pouvoirs revenant au souverain. Mais, nous avons toujours pensé que dans une démocratie en formation, dans une société comme la nôtre, à structure hétérogène, pluri ethnique marquée par les régimes militaires ou autoritaires, il fallait apporter, ne serait-ce-que pour un temps des garanties constitutionnelles à l’alternance. Ceci étant, nous n’avons jamais, pour cela, méconnu les prérogatives présidentielles découlant de l’article 49, ni les omissions de l’article 37 qui rendent possible sa révision.
Sur les réseaux sociaux, on note souvent des commentaires plus au moins infondés. Votre coup de gueule de la prise en otage de la vérité par une élite et les réseaux sociaux est-il toujours actuel?
Oui les réseaux sociaux, comme la langue d’Esope, sont capables du meilleur comme du pire.Ils peuvent, devançant et enrayant l’information commandée, cachée, manipulée, donner des faits des éléments probants d’appréciation. Ils peuvent, en temps réel, bravant les administrations, alerter sur des catastrophes ... Là, ils présentent le meilleur d’eux-mêmes. Mais, Ils tournent au pire lorsque travestissant la mission première de l’information qui doit être objective, référencée, ils se spécialisent dans des commentaires infondés comme vous dites. La prise en otage dont je parle est un fléau international qui, en temps que tel, demande des mesures édictées à ce niveau. Mais si en attendant, le Conseil supérieur de la communication conduisait une réflexion pour des mesures provisoires, voilà qui serait indiqué, car le mal sévit toujours au détriment de la démocratie, de la vérité, de la liberté1
Interview réalisée par Yaya Issouf MIDJA
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