Ce 02 décembre les Burkinabès vont aux urnes pour des élections municipales et législatives couplées. Il y a peu de chance que le pays change de majorité à l’issue de ces consultations électorales. Si aucun changement notable n’est pronostiqué, ces échéances sont cependant une occasion de revenir sur le système politique de ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest.
« Le pays aux 200 partis politiques »
Ce pays de 16 millions d’habitants compte plus de 200 partis politiques. Si la liberté de créer un parti politique est un droit fondamental, avoir autant de partis témoigne en réalité du manque d’idéologie politique non seulement dans les objectifs de création de ces partis mais aussi dans la personnalité des leaders et fondateurs, incapables de se réunir en groupe de partis politiques solides et empreints d’idéologie claire et novatrice.
Au Burkina, certains partis politiques n’ont même pas autant de militants qu’une association de jeunes de quartier. Certains partis n’existent que sur les bulletins de vote.
Autre anomalie : la « création » par le pouvoir d’un chef de file de l’opposition sensé représenter et rassembler l’ensemble des partis politiques d’opposition face au gigantesque parti qu’est le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) au pouvoir depuis plus de deux décennies. Mais un chef de file de l’opposition ne se décrète pas : il se construit à travers la capacité de l’opposition politique à fédérer et à réunir autour de lui l’ensemble des partis qui aspirent au changement.
Un système politique inadéquat
Le Burkina Faso dispose aujourd’hui d’un régime présidentiel ou plutôt « présidentialiste » (un régime présidentiel en dérive autoritaire). Le président du Burkina Faso est élu au suffrage universel et il est le premier homme fort du pays. Il nomme son gouvernement sans tenir compte forcement de la composition du parlement. Les élections municipales comme législatives ne sont pas faites pour qu’on choisisse des maires et des députés de confiance mais pour que l’on vote pour des partis politiques. Les partis alignent leur liste par province et on vote en réalité pour ou contre cette liste. Il n’y a pas de confrontations entre leaders de partis politiques qui ont telle ou telle vision pour la province ou la nation, mais une confrontation entre des partis politiques sans vision.
Le Parlement contrôle les actions de l’exécutif. Et pourtant le super patron de l’exécutif, qui est en réalité le président - puisque les ministres ne sont que des marionnettes, a le pouvoir de dissoudre son contrôleur (le Parlement). Le président de l’Assemblée nationale est nommé par son « contrôlé ». Le Parlement n’a ainsi aucun réel pouvoir de contrôle…
Un autre problème de ce système politique est que de nos jours aucun candidat aux législatives ou aux municipales ne peut être indépendant. L’article 12 de la constitution stipule que : « Tous les Burkinabès sans distinction aucune ont le droit de participer à la gestion des affaires de l’Etat et de la Société. A ce titre, ils sont électeurs et éligibles dans les conditions prévues par la loi. ». Mais où est cette loi qui prévoit les conditions de participation des Burkinabès à la vie politique ? On dira que c’est le code électoral. Mais ce code ne prévoit pas de conditions de participation des candidats indépendants. Tous les Burkinabès sans distinction aucune ont-ils en réalité le droit de participer à la gestion des affaires de l’Etat et de la Société ?
Dans tous les cas, « on ne peut pas dire que nous sommes dans une démocratie libérale où sur le plan économique, on lutte contre les monopoles et sur le plan politique, on crée des monopoles », a justifié le Professeur Ibriga le 23 septembre 2012 à la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante). Les Burkinabè le savent bien : la classe politique burkinabè a peur de perdre sa visibilité puisque les indépendants qui seront plus proches du peuple pourront les évincer du jour au lendemain. Alors, pour qui « roulent » ces politiciens ? Pour eux ou pour le peuple ?
Comme dans d’autres pays pauvres d’Afrique le régime du Burkina est budgétivore dans l’organisation des élections (plus de 30 milliards de francs CFA pour celles du 02 décembre 2012). Trois ou quatre (quatre en cas de second tour) scrutins à organiser, alors qu’un ou deux pouvaient suffire. Il est temps de suivre l’adage : « dans le pays le plus pauvre, les élections les plus pauvres ».
Quel système politique pour le Burkina ?
Les pouvoirs du Président du Faso sont énormes. Un pays pauvre comme celui-ci devrait éviter de dilapider les maigres ressources de la nation à l’organisation d’élections sans véritable issue majeure. Par exemple on pourrait envisager la possibilité d’élire le parlement et que le parlement élise le président ou le premier ministre (peu importe son titre, mais qu’il soit le chef de l’exécutif). On organisera alors des élections couplées (municipales et législatives) sans possibilité de second tour. Cette pratique est non seulement moins couteuse mais elle donne une indépendance au parlement dans son rôle de contrôle de l’exécutif. Mais il faut que dans chaque circonscription électorale on puisse voter pour des candidats connaissant leur parti ou idéologie politique et non pour des partis politiques connaissant leurs candidats.
Il est aussi évident qu’il faut permettre aux indépendants de jouir de la liberté de participation à la vie politique dont il est fait allusion dans la constitution dans son article 12. Que ceux qui sont compétents devant le peuple gagnent les voix du peuple ! Sans oublier que, dans un pays ou plus de 75% des votants le font pour des raisons de gadgets électoraux reçus, il faut interdire la distribution de ces derniers lors des campagnes électorales et plafonner les dépenses de campagne.
Le chemin est encore long pour la démocratie burkinabè.