OUAGADOUGOU - Un an et demi après la fin des mutineries qui ont fait trembler le régime, les partisans du président burkinabè Blaise Compaoré abordent avec confiance les législatives et municipales de dimanche, malgré les tensions au sein du parti au pouvoir et les impatiences sociales.
Homme fort de ce pays pauvre d'Afrique de l'Ouest depuis son putsch de
1987, M. Compaoré devrait voir son parti, le Congrès pour la démocratie et le
progrès (CDP), rafler encore une fois la mise.
Le CDP détenait 73 sièges - sans compter les 26 de ses alliés - sur les 111
de l'Assemblée nationale précédente (16 sièges de plus sont à pourvoir cette
année). Il dirige aussi l'écrasante majorité des 351 communes.
Mais le parti peut faire encore mieux, assurait son nouveau chef Assimi
Kouanda à l'ouverture de la campagne il y a deux semaines. Pour lui, "cela
permettra au président Compaoré de mettre en oeuvre de façon efficace son
programme politique" en vue d'un Burkina "émergent".
Pourtant, le tout-puissant parti a vécu ces derniers mois des secousses
d'une rare violence. Lors du congrès de mars dernier, elles ont abouti à la
prise en main de l'appareil par François Compaoré, frère cadet et conseiller
économique du chef de l'Etat, candidat aux législatives dans la capitale et
soupçonné de vouloir lui succéder en 2015 à la présidence.
Conséquence de ce que beaucoup ont considéré comme une "purge": ni le
président sortant de l'Assemblée, Roch Marc Christian Kaboré, ni le puissant
maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, ni bien d'autres compagnons historiques
ou ex-ministres de "Blaise" n'ont été retenus comme candidats pour dimanche.
Un tel coup de balai n'est pas allé sans provoquer aigreurs et crispations.
Mais, explique à l'AFP le sociologue Fernand Sanou de l'université de
Ouagadougou, "la mise au placard des caciques n'aura pas d'effet" en termes
électoraux "parce que, dans la mentalité des gens, c'est Blaise Compaoré le
véritable chef du CDP". "La machine est là, son propriétaire aussi", il ne
devrait donc pas y avoir de "surprise", avance-t-il.
Opposition divisée, front social animé
D'autant que l'opposition, d'une faiblesse bien connue, part encore une
fois en rangs dispersés.
"L'opposition est plurielle", justifie l'une de ses personnalités, Zéphirin
Diabré, qui affronte la liste de François Compaoré à Ouagadougou. Il reconnaît
cependant qu'une "plateforme commune" serait "une bonne chose", tous les
opposants s'accordant au moins sur le besoin d'"alternance".
L'opposition peut tout de même se féliciter d'avoir obtenu que les quelque
4,3 millions d'électeurs (sur une population d'environ 16 millions
d'habitants) aient été enregistrés cette année lors d'un recensement
biométrique.
Un fichier électoral biométrique était une revendication des anti-Compaoré,
qui ont constamment dénoncé des fraudes aux élections, comme lors de la
dernière présidentielle en 2010.
Les scrutins couplés de dimanche auront valeur de test, étant les premières
élections depuis la crise du premier semestre 2011: une vague de mutineries,
parallèlement à de violentes manifestations populaires, avait alors failli
faire succomber le régime.
Si les autorités ont habilement repris la situation en main, le front
social s'est ranimé récemment, rappelant l'intensité des impatiences sociales
dans un pays où près de 44% des habitants vivent en dessous du seuil de
pauvreté.
Après les étudiants et les médecins, en grève en novembre, les infirmiers
ont annoncé un mouvement en décembre. Et la capitale est privée de pain en
raison d'une grève lancée mercredi par les employés de boulangeries.
Durant la campagne qui s'achève vendredi soir, Blaise Compaoré est resté en
retrait. S'il a fait parler de lui ces dernières semaines, c'est surtout pour
la médiation qu'il conduit au nom de l'Afrique de l'Ouest dans la crise au
Mali voisin, dont le Nord est contrôlé par des islamistes armés, notamment les
jihadistes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
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