Après une grève de 96 heures qui s’est révélée infructueuse en termes de satisfaction de ses revendications, le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) du Burkina n’en démord pas. Ses sections provinciales poursuivent les manifestations sous forme de sit-in tous les jours, de 8h à 10h et ce jusqu’au 12 décembre prochain. Et ce que l’on entend comme propos lors de ces manifestations intermittentes n’augure pas de lendemains heureux pour les usagers des centres de santé. Le syndicat menace de boycotter les heures de permanences et de gardes, si les autorités ne prêtent pas une oreille attentive au bout de ce délai. Les travailleurs de la santé semblent donc décidés à frapper plus fort et à aller plus loin pour susciter plus d’égard à leurs revendications. Quand on sait les dégâts énormes que la première grève a causés en coûtant la vie à bien des patients, l’on peut craindre le pire. Une extension de la grève aux gardes et permanences entraînera sans conteste un arrêt total des prestations sans service minimum. Toute chose qui risque de transformer les hôpitaux en véritables mouroirs. Sans dénier au syndicat de la Santé son droit de grève, l’on ne peut néanmoins s’empêcher, devant la gravité de la situation, de déplorer la tournure actuelle des choses. Rien, pas même une revendication syndicale légitime, ne vaut la vie, et le SYNTSHA dont les membres sont censés être des agents assermentés, doit éviter de faire payer les pots cassés de sa lutte aux innocentes populations. Cela est aussi valable pour le gouvernement qui ne doit pas, tout comme les grévistes, surfer sur le caractère sensible du domaine de la santé pour régler ses comptes au syndicat. L’exécutif qui a toujours considéré ce syndicat qui est un des mouvements les plus puissants et les plus teigneux comme un ennemi à écraser, se dit sans doute qu’il n’ose pas aller jusqu’au bout de ses menaces, de peur de se mettre tous les citoyens à dos. D’où la rupture quasi totale du dialogue avec ce dernier qui, à son tour, espère sans doute que c’est en franchissant le pas qu’il obligera les dirigeants à l’écouter, de peur d’avoir à faire face à la colère d’un peuple sans soins. Ce bras de fer gouvernement/syndicat, ce sont finalement les citoyens qui en feront les frais en assistant impuissants à la souffrance de leurs malades ou en se voyant contraints de regarder mourir leurs proches de maladies pourtant curables. Si l’intransigeance des grévistes crée des frayeurs, il faut reconnaître que cette radicalisation est essentiellement due à l’attitude du gouvernement. Quelle que soit la nature des revendications des agents de santé, le gouvernement ne doit en aucun cas rompre le dialogue ou faire la sourde oreille. Le ministre de la Santé doit toujours accueillir avec empressement et traiter avec intérêt les propositions des praticiens de la santé qui, généralement, visent l’amélioration des conditions de soins dans les hôpitaux. Il est évident que cela passe aussi, en plus des infrastructures, du matériel et des consommables et autres réactifs adéquats, pour de meilleurs traitements des patients. Toutefois, au bout du compte, tout le monde y trouve son compte dans la mesure où ce ne sont pas que des agents de santé et les membres de leurs familles qui bénéficieront des prestations améliorées. A force donc de ne voir dans leurs revendications que des caprices de travailleurs qui entendent abuser des avantages liés à la sensibilité de leur métier, le gouvernement risque de pousser les agents de santé à bout et contribuer ainsi à engendrer une situation regrettable. La période de campagne électorale ne saurait être un justificatif sérieux au peu de considération que les gouvernants burkinabè réservent aux revendications du SYNTSHA. Loin d’être une fin en soi, les élections ont pour objectif de choisir des dirigeants qui seront en mesure de gérer, avec le tact et les moyens qu’il faut, des situations comme les revendications sociales ou syndicales. Les candidats auront beau négliger la situation dans les centres de santé où des électeurs luttent quotidiennement avec la mort, ils devront tôt ou tard faire les comptes après les élections. Car, une fois élus ou réélus, ils hériteront des problèmes qu’ils ont refusé d’affronter pendant la campagne. La lutte du SYNTSHA est légitime, voire noble, même si les moyens de l’Etat sont limités. C’est pour cela que tous doivent prendre conscience de leur nécessaire collaboration en libérant leur génie créateur pour vivre en bonne intelligence. Le gouvernement doit d’abord reprendre langue avec les agents de santé qu’il doit mettre au moins dans les bonnes conditions minimales de travail et savoir les convaincre de prendre leur mal en patience pour le reste de leurs exigences. Les agents de santé doivent ensuite se garder d’immoler le serment d’Hippocrate sur l’autel de leurs revendications. Au lieu d’en arriver jusqu’à la cessation totale de service qui coûtera inévitablement la vie à des patients, pourquoi ne pas adopter d’autres formes de luttes, quitte à les intensifier ? Les opérations caisses vides, les marches auxquelles les populations pourraient être associées sont entre autres alternatives qui peuvent se révéler efficaces, sans pour autant porter atteinte à la vie humaine. Chaque partie est donc invitée à mettre de l’eau dans son vin pour sauver la situation avant que les travailleurs de la santé ne se voient obligés de sortir marcher avec les bistouris et autres seringues comme le font souvent les bidasses avec leurs kalachnikovs.