Afrique
Déclaration de John Kerry a propos des modifications des constitutions: des hommes politiques burkinabè se prononcent
Publié le jeudi 7 aout 2014 | Le Quotidien
© Présidence par DR
Sommet Etats Unis - Afrique : Blaise Compaoré rencontre le Secrétaire d`Etat américain John Forbes Kerry Lundi 4 aout 2014. Washington (Etats-Unis). Le président Blaise Compaoré a rencontré le Secrétaire d`Etat américain John Forbes Kerry dans le cadre du Sommet Etats Unis - Afrique |
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« Nous presserons les dirigeants africains à ne pas modifier les Constitutions pour leurs bénéfices personnels ou politiques », a dit John Kerry, secrétaire d’Etat américain au sommet des chefs d’Etats africains avec le président américain, Barack Obama. Nous avons rencontré quelques hommes politiques, au cours de la journée du 6 août 2014, à Ouagadougou, pour recueillir leur avis sur cette déclaration. Si certains apprécient cette position américaine, d’autres par contre estime qu’il appartient à chaque peuple d’être souverain et d’assumer l’évolution sociopolitique et économique de son pays.
Abraham Nignan dit le général, président du Rassemblement patriotique du Faso (RPF)
« Blaise Compaoré ne pourra pas défier le peuple burkinabè »
La situation politique au Burkina ne dépend pas des Etats-Unis mais doit dépendre des Burkinabè eux-mêmes. Nous saluons la position américaine. Ce qu’il y a lieu de noter, c’est que le président du Faso, Blaise Compoaré peut vouloir défier la décision américaine mais il ne pourra pas défier le peuple burkinabè. Blaise Compoaré n’aura pas les armes nécessaires pour arriver à sa fin. En tant que chef de file de l’opposition politique radicale, je dis que même si ce n’est pas par la voix de la France ou des Etats-Unis, le peuple Burkinabè n’allait pas laisser Blaise Compaoré se représenter. L’étape Compaoré est finie. Tous ceux qui courent dans les médias pour le soutenir ne le font pas en réalité pour l’intérêt de Blaise Compaoré mais pour leurs propres intérêts. De toute façon, si le besoin se pose, le chef de file de l’opposition politique radicale que je suis, ira déloger avec nos camarades, Blaise Compaoré. C’est avec l’ensemble des jeunes Burkinabè que les lignes vont bouger sous l’injonction de l’opposition politique radicale. Il y a trois sortes d’opposition au Burkina. L’opposition « mouvancier » qui est prête pour accompagner le président du Faso, l’opposition politique qui se tient prête à faire des compromis pour accompagner Blaise Compaoré et l’opposition radicale qui ne consent aucunement à un compromis pour pérenniser le pouvoir de Compaoré.
Achille TAPSOBA, secrétaire à la communication et à l’information du secrétariat exécutif national du CDP
« Nous n’avons de leçon, ni d’injonction à recevoir de qui que ce soit »
Quelle analyse faites-vous de la déclaration de John Kerry, secrétaire d’Etat américain ?
La première observation que l’on peut faire du sommet de Washington entre le chef d’Etat américain et les chefs d’Etats africains, c’est que cette rencontre est inédite. C’est un grand tournant d’abord pour les Etats-Unis, dans la mesure où nous n’avons pas encore connaissance d’un grand intérêt des Etats-Unis pour l’Afrique. En deuxième lieu, c’est aussi un grand tournant pour les africains dans la mesure où c’est une diversification des partenaires au développement qui sont traditionnellement la France, les autres pays européens, la Chine et les autres continents. Nous devrons tous saluer cette situation. C’est vrai que les Etats-Unis avaient déjà des financements au niveau des économies africaines mais maintenant c’est une systématisation de l’intérêt que les Etats-Unis portent à l’Afrique. Il n’y a pas un pays qui targuerait porter plus les éléments économiques que les éléments politiques. L’économie est le fondement, le soubassement du développement de toute nation. Bien sûr, cette économie doit être orientée par les grandes idées politiques. Je dois faire remarquer que la démocratie n’a pas toujours été la base du développement, dans l’histoire de l’humanité. Les nations les plus fortes ont été développées sous la monarchie, sous la dictature. Cela est une leçon d’histoire. Aujourd’hui, il est important que nous puissions savoir que nous avons un contexte qui peut être encore favorable au développement économique, à savoir la démocratie. C’est pour cette raison que nous estimons que les Etats-Unis mettent autant d’intérêt sur les questions politiques que sur les questions économiques. La principale préoccupation me semble être les questions d’ordre économique et géostratégique. Il est à noter que le sommet se passe dans un contexte. C’est justement ce qu’a rappelé le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, en précisant la position des Etats-Unis par rapport à certaines questions, comme pour dire que les relations économiques ne sont pas une occasion pour les Etats-Unis de marchander les principes essentiels qui régissent la démocratie dans le monde. Les déclarations de John Kerry ne sont que la réplique de la politique extérieure américaine et des principes que les Etats-Unis défendent, en matière de démocratie sur le plan universel. Du reste, ces principes sont valables pour nous aussi. On ne modifie pas une Constitution parce qu’on veut la modifier. On modifie une Constitution lorsqu’elle s’insère dans une évolution historique normale ou dans le cadre où cette modification respecte les principes édictés par cette même Constitution. Ce sont des considérations que nous estimons être un rappel des principes universels de la démocratie. Cela est à distinguer des jugements de valeurs sur une modification ou une autre qu’un pays tenterait de faire sur sa Constitution. Les Etats-Unis ont modifié leur Constitution, dans leur histoire politique. Ils n’ont pas demandé l’autorisation du Burkina pour modifier leur Constitution, en tenant compte de l’opinion des Burkinabè ou des Africains. Chaque pays a son histoire et son évolution sociopolitique et socioéconomique propre. Nous avons adhéré aux principes universels de la démocratie. Pourvu que nous nous insérons dans ces principes universels. Nous n’avons pas de leçon, outre mesure, à recevoir de qui que ce soit, ni d’injonction à recevoir. Notre peuple est souverain et cela est prévu à l’article 32 de la Constitution. Quoique pense quelqu’un de l’extérieur, si important soit-il, je pense qu’il faut rappeler cela. La deuxième observation qui doit être faite, c’est qu’il y a une confusion entre la modification d’une Constitution autorisée par cette même Constitution. C’est-à-dire, une modification légale qui va dans le sens de respecter la légitimité accordée à tout acte politique. Il y a par contre les modifications que je qualifierai de frauduleuses ou d’illégales de la Constitution. Lorsque par exemple une Constitution prescrit des articles et qu’on tente, malgré tout, de les lever, on peut parler en ce moment de modification illégale. On peut qualifier cela de tripatouillage. Tripatouiller, c’est modifier de façon illégale, illégitime et malhonnête. Pour le cas du Burkina Faso, la légalité me semble plus importante. Est-ce qu’il faut reconnaître oui ou non que le peuple Burkinabè a le droit de modifier sa propre Constitution ? Quelle est la voie de la légalité ? Ce sont ces questions qui sont les plus importantes. Le reste est lié aux appréciations, aux calculs politiques. C’est normal que cela se passe de cette manière. Le plus important est d’être en accord avec notre propre peuple qui est souverain dans la démocratie, nous travaillons à consolider.
Le Burkina se sent –il pointé du doigt ?
De toute façon s’il y a un doigt qui pointe sur le Burkina, c’est le propriétaire de ce doigt qui est responsable de ses appréciations. Nous ne pouvons empêcher quelqu’un de nous pointer du doigt. Ce qui est sûr, c’est que notre souveraineté et notre légitimité nous appartiennent et non pas aux Etats-Unis et à ses hommes politiques. L’appréciation que nous faisons de notre démocratie est fondée sur des principes universels. Le reste constitue des conjectures. Les Etats-Unis n’ont toujours pas eu raison, en matière d’appréciation, de la démocratie dans les pays. Je prends le cas de l’Irak, de l’Afghanistan et de bien d’autres cas. Ce sont des erreurs monumentales qui ont été commises au nom de la démocratie. C’est une autre question que de participer à un débat intérieur. Tout le monde a le droit d’apprécier un processus démocratique quel que soit le pays où celui-ci se trouve. Il n’y a plus de nationalisme ou de limitation liée à des considérations chauvines. Nous pouvons apprécier la démocratie américaine et les américains peuvent apprécier la démocratie burkinabè. Dans ce sens, la démocratie qui est citée comme la plus grande démocratie au monde, reste une démocratie qui a ses insuffisances. A la lecture de la Constitution des Etats-Unis, il n’y a pas de tolérance à 100%. C’est pourquoi, les choix politiques des communistes sont proscrits au niveau des Etats-Unis. Cela est à relativiser. Je considère que c’est normal que la diplomatie américaine se prononce sur les démocraties africaines. Il est autant normal que chaque Etat africain prenne sur lui la responsabilité d’opérer les choix, des changements politiques, en tenant compte de sa situation interne, tout en ayant à l’esprit que le seul souverain, dans toutes les démocraties demeure le peuple.
Le Burkina est t-il assez indépendant pour résister à la pression américaine ?
De quelle indépendance parlez- vous ? Je ne vous cache rien. La Chine fait des pressions sur les Etats-Unis ou sur les pays occidentaux au plan économique. Ce n’est pas pour cela qu’on ne dirait pas qu’ils ne sont pas des pays indépendants. Il y a une différence d’appréciation. Les pressions sont des outils qui sont entre les mains d’un pays pour arriver à faire plier un autre pays par rapport à sa volonté. Les pressions sont-elles des moyens très efficaces ? J’en doute.
Le plus important n’est pas les pressions que les Etats-Unis exercent sur des pays comme le nôtre. C’est surtout la participation à la conscientisation de nos peuples et à la légitimité de nos peuples. Par exemple, toute la panoplie des Etats de l’Union européenne exerce une pression sur l’Union soviétique. Est-ce que cela va pousser l’Union soviétique à plier l’échine ? Je ne pense pas. C’est vrai que l’Union soviétique est une puissance économique mais aujourd’hui, il n’y a pas de puissance économique unilatérale. Les puissances économiques dépendent des pays, les moins puissants. C’est en terme cyclique que nous devons analyser la situation. C’est la dialectique du maître et de l’esclave. Le maître pense que c’est lui qui a le droit de vie ou de mort sur l’esclave alors que c’est l’esclave qui a le droit de vie et de mort sur le maître. C’est lui qui fournit les éléments de vie au maître puisque le maître ne peut plus rien faire.
A quel niveau, êtes-vous avec la mise en place du Sénat ?
C’est le président du Faso ou le chef du gouvernement qui peut répondre à ces questions. Je n’ai pas de réponse particulière par rapport à cette question. Le Sénat est à l’ordre du jour. C’est le processus de mise en place qui a pris du retard 1
Propos recueillis par Soumoubienkô Roland KI
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