De tous les candidats aux législatives de
dimanche au Burkina Faso, il est le plus observé et le plus mystérieux: s`il
affirme ne pas être "intéressé", François Compaoré, puissant frère cadet du
président, est soupçonné de vouloir lui succéder en 2015 au sommet de l`Etat.
Celui qui, en chemise bariolée aux couleurs de son parti, bat campagne dans
les rues de Ouagadougou pour décrocher son premier mandat électif, surprend
par sa ressemblance avec Blaise Compaoré, 61 ans, son aîné de trois ans. Mais
la silhouette est moins élancée que celle du "beau Blaise", comme les
Burkinabè ont longtemps appelé leur président.
D`allure calme et posée comme son frère, François Compaoré s`est d`abord
fait un prénom dans de sombres circonstances: il a été soupçonné d`implication
dans l`assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998, un crime qui a fait
trembler le régime installé après le coup d`Etat militaire de 1987.
La justice ne l`a cependant jamais inquiété et, depuis lors, il est parvenu
patiemment à polir son image, au point d`être intronisé candidat à la
députation dans la capitale.
Un siège à l`Assemblée nationale, avant le fauteuil présidentiel? "François
vise le pouvoir en 2015", affirme à l`AFP un cacique du régime, débarqué de la
direction du parti du président, le Congrès pour la démocratie et le progrès
(CDP), lors du congrès de mars dernier.
Dans l`univers feutré du camp présidentiel, ce congrès a été un séisme. Il
a vu des hauts cadres historiques balayés, tandis que "François" et les siens
s`imposaient au coeur de l`appareil.
"dauphin"
D`abord affublé du sobriquet de "petit président", François Compaoré,
conseiller économique du chef de l`Etat depuis plus de 20 ans et à ce titre en
contact avec la crème des hommes d`affaires du pays, en porte désormais un
autre: "Raul", en référence à Raul Castro, qui a pris le relais de son frère
Fidel à la présidence à Cuba.
"François le nie, mais il n`y a pas meilleure position de dauphin du
président Compaoré que celle qu`il a actuellement. Il contrôle le pouvoir
économique, il a les rênes d`un parti puissant et bénéficie de l`attention de
son frère", analyse un ancien ministre.
Mais l`homme demeure un mystère. "Les Burkinabè n`arrivent pas à percer la
personnalité de l`individu qui, comme son grand-frère, a une personnalité
secrète", relève Luc Marius Ibriga, professeur de droit à l`université de
Ouagadougou.
"L`idée qu`on a de François, c`est celle d`une personnalité manoeuvrière,
qui tire les ficelles dans l`ombre mais qui peine a avoir un charisme
politique. Il n`y a pas d`engouement autour de lui. Il n`est pas un tribun,
mais il dispose du pouvoir donné par le frère", assène-t-il.
Candidat malheureux aux deux dernières présidentielles, l`opposant
Bénéwendé Stanislas Sankara l`accuse de tirer profit des "puissances d`argent"
et de "manipuler certaines associations de la société civile".
A la sortie mercredi de son "23e meeting" avant dimanche, jour de
législatives mais aussi de municipales dans le pays, François Compaoré,
deuxième sur la liste du parti présidentiel à Ouagadougou, tentait une énième
mise au point.
"Non, je ne suis pas intéressé par la présidence en 2015", assure-t-il à
l`AFP, d`une voix basse qui rappelle encore une fois celle de "Blaise". Mais
il ajoute aussitôt, sybillin: "c`est encore loin".
Le dernier mandat de Blaise Compaoré s`achève en effet dans trois ans. Se
retirera-t-il comme prévu? Changera-t-il la Constitution pour pouvoir se
représenter, solution controversée que lui suggèrent certains de ses
partisans? Ou bien passera-t-il la main à son frère cadet? L`homme fort du
"pays des hommes intègres" (Burkina Faso, en langues locales) entretient le
flou sur ses intentions.
François Compaoré, lui, se pose en bon petit soldat.
"Nous avons encore pas mal de projets à réaliser d`ici 2015", dit-il. Pour
lui, que Blaise Compaoré quitte bientôt le sommet de l`Etat ou qu`il y reste,
l`important est de pouvoir le faire "la tête haute".
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