« Le pays où tout le monde veut être député. » C’est le titre du livre que j’ai commencé à écrire depuis quelques jours. Las de tourner les pouces, j’ai décidé de me consacrer à un essai politique que vous lirez avec plaisir dans quelques mois. Hé oui, ce n’est pas la matière qui va manquer. Depuis quelques jours, de nombreux amis politiciens défilent chez moi, qui pour raconter leurs misères, qui pour peaufiner leurs stratégies. Cette année, il y aura de l’électricité dans l’air. Le parti de l’épi et de la daba a décidé d’accorder plus de places aux jeunes dans les candidatures aux élections législatives et municipales. Il y a aussi le cas des femmes, pour lesquelles principalement, la loi sur le quota genre sera appliquée. Là où ça va coincer, c’est l’affaire des enfants là. Bon, c’est comme ça que mes amis grisonnants appellent les jeunes loups aux dents longues de leur parti. On veut qu’ils soient des députés à la place de leurs papas et de leurs tontons. Moi, je suis d’accord. Et je n’hésite pas à les sermonner. Depuis le temps de l’ODP, ils sont aux affaires. Depuis 15 ans, ils sont députés, directeurs généraux, secrétaires permanents, ambassadeurs, chargés de mission et tutti quanti. Aujourd’hui, quand il s’agit de laisser la place aux autres, ils veulent s’accrocher. Ils ont la mémoire courte. Quand ils avaient 30-35 ans, ils étaient féroces contre les réactionnaires afin que ceux-ci dégagent et leur laissent la place. Aujourd’hui, ils sont devenus les hiboux aux yeux gluants pour les jeunes de leur parti. Mais, vous savez, mes amis quinquagénaires et sexagénaires ne veulent pas accepter que leur temps est passé. Ils sont nombreux à vouloir être députés encore et encore. Bon, je les comprends. Leur ambition est guidée par ces nombreux avantages accordés aux parlementaires. Qui ne veut pas rouler dans une grosse voiture ? Ça, ils ne veulent pas que je leur dise parce qu’ils estiment que les députés deviennent l’Action sociale après les élections. Ils doivent gérer les maladies, les baptêmes, les mariages, les funérailles, les famines, bref, toute la misère de leurs électeurs. « Tu vois donc que si tu n’a pas de vocation, tu ne peux pas faire ce travail », m’a répliqué un député qui veut être réélu. C’est pourquoi, il estime que les jeunes ne pourront gérer cette affaire-là, eux qui sont pressés de se remplir les poches et de s’acheter de belles caisses. « En plus, est-ce parce qu’il faut rajeunir les élites qu’il faut placer de jeunes inconnus comme candidats ? Non, il faut qu’ils se battent pour s’imposer. Sinon, c’est le réalisme politique qui va décider les patrons du parti », s’est-il indigné. Sacrés politiciens ! Ils ont des arguments pour se maintenir en pôle position. Que font-ils de ces élèves et étudiants qui les accompagnaient dans les campagnes et qui faisaient leurs courses ? Aujourd’hui, ils ont grandi et nombre d’entre eux sont des cadres qui comptent dans leur région. Et puis, le parti de l’épi et de la daba joue sa survie parce que les papys ne seront pas éternellement là. Voilà. J’ai dit ce qu’ils ne veulent pas entendre et pourtant, c’est la vérité. Peut-être que certains dinosaures comme Gorba, Tebguéré et M’ba Piga ont compris que le temps de la retraite était venu et ne sont pas candidats. Malgré tout ce que j’ai dit, mes amis députés ont déposé leurs candidatures. Certains ont dû passer par des achats de conscience des grands électeurs pour se faire retenir comme candidats dans leurs localités. Et je sais que ça va cailler. Il y aura, forcément des mécontents puisque sur la foule des appelés, il y aura peu d’élus. Mais, tout cela me fait rire. Quand la liste définitive des candidats sera arrêtée par les patrons du parti de l’épi et de la daba, certains vont se fâcher, se gonfler comme des crapauds et ce sera tout. Ils vont rentrer dans les rangs s’ils ne veulent pas perdre leurs marchés, postes et autres avantages. Dans tout cela, mes conseils officieux ne m’ont pas fait gagner grand-chose auprès de mes amis députés, sinon des migraines à force de les raisonner…