Comme annoncé au cours de la conférence de presse qu’il animée le 30 juillet 2014, le Syndicat national des agents des finances (SYNAFI) a observé le 31 juillet 2014 un sit-in. Mais aux premières heures de la matinée, les éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) ont pris d’assaut les entrées principales du ministère de l’Economie et des Finances (MEF). Pour y accéder, il fallait montrer patte blanche. Tout en dénonçant le caractère illégal du sit-in, le secrétaire général du MEF, Tibila Kaboré, a souligné que le fil du dialogue n’est pas rompu et qu’il appartient aux responsables du SYNAFI de renouer le contact en venant à la table des négociations.
« Libérez ! Libérez ! ». Ainsi donc scandaient des agents du ministère de l’Economie et des Finances (MEF), révoltés par la présence des éléments de la CRS devant les entrées principales de leur ministère de tutelle, dans la matinée du 31 juillet 2014, à Ouagadougou. En effet, ceux-ci observaient un sit-in dont le but était de dénoncer la répression dont ont été victimes certains des leurs. Contre toute attente, ils avaient encore en face d’eux des éléments de la CRS. Seuls les agents qui n’étaient pas concernés par le sit-in pouvaient accéder à leurs bureaux. Ceux qui étaient déterminés à dénoncer ce qu’ils appellent « atteintes à la liberté syndicale » devenaient du coup des spectateurs. « Aujourd’hui, les libertés de manifester sont confisquées, les camarades sont enlevés n’importe comment. Nous ne pouvons pas accepter cela. Nous dénonçons cela avec force parce que le ministre Bembamba n’est pas à son premier forfait. Il l’a fait en 2007 avec les responsables syndicaux et les militants, quand il était directeur du Trésor et de la comptabilité publique. Il l’a également fait en 2011 quand il est devenu ministre de l’Economie et des Finances. On appelle cela de la récidive. C’est un récidiviste. C’est un problème de l’ensemble du ministère de l’Economie et des Finances. Si aujourd’hui, il arrive à atteindre ses objectifs, c’est que les autres ministres lui emboiteront le pas et en ce moment, toutes les revendications de tous les travailleurs burkinabè ne seront pas prises en compte. Nous allons dire que ce n’est pas possible. Il n’a aucun droit d’empêcher les gens de manifester », a déclaré un responsable syndical qui a ajouté que « la coordination a déjà pris le combat à son compte et c’est pour cela que nous sommes là aujourd’hui. On a décidé d’aller en sit-in de 7 à 11 heures. C’est une réponse énergique et rapide. Si vous voyez que nous sommes dehors, c’est qu’ils nous empêchent de manifester à l’intérieur, mais nous sommes là pour dire que s’ils ne lèvent pas leur mot d’ordre, nous allons continuer. La manifestation est circonscrite dans la ville de Ouagadougou ».
Manifestation illégale
Pour le secrétaire général du ministère de l’Economie et des Finances, Tibila Kaboré, le sit-in des agents est illégal. Toute chose qui témoigne de la présence des éléments de la CRS. « Il se trouve que les sit-in du 22, 23 et 24 juillet, au dernier jour, ont été dispersés par la police. Et je vous avais expliqué pourquoi il y a eu cette dispersion. Je crois que vous avez tous en mémoire ce qui s’est passé. Je rappelle toujours que ce n’est pas la première fois qu’ils organisent un sit-in. Ce n’est pas la première fois non plus qu’on attire leur attention sur le fait qu’autant ils ont le droit de manifester, autant ceux qui ont décidé de ne pas manifester ne doivent pas être perturbés dans leur travail. Je vous ai rappelé que le sit-in passé, le premier jour, le sit-in était encore tolérable. Le deuxième jour, j’ai dû verbalement leur dire que ce n’était pas acceptable. J’ai été rappelé par la présidence comme au ministère de la Santé que ça les gênait. Ce sont nos voisins. Libre à eux de manifester, mais dans le respect des autres. Et j’ai appuyé cela par une note, le dernier jour. J’ai eu comme l’impression que la note les a encore incités à aller plus. Et donc, j’analyse cela comme de la défiance. Pour prévenir donc les troubles, nous leur avons adressé un courrier pour dire que, dorénavant, les manifestations sont interdites au sein du MEF. Du reste, le ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité (MATS) leur aurait signifié par courrier cette interdiction après qu’ils aient déposé leur avis de sit-in de protestation parce qu’on les a dispersés », a-t-il précisé en se référant à une note datée du 30 juillet 2014 interdisant toutes manifestations au sein du MEF jusqu’à nouvel ordre. « Comme nous ne savons pas qui prend part au sit-in et que ce sont des agents du ministère, la police leur a dit que le sit-in n’est pas autorisé. Ceux-là qui veulent travailler, qu’ils montent. Mais si c’est pour s’arrêter ici, c’est non. Et ils sont montés avec leurs sifflets et le sit-in maintenant se passe dans les couloirs ou même dans les bureaux. Donc, vous voyez bien qu’il y a désir manifeste de se confronter à l’autorité. C’est tout et c’est comme cela que nous l’analysons », a fait savoir Tibila Kaboré. « Donc, nous avons mis en place un dispositif pour empêcher que le sit-in se fasse dans la cour. Maintenant, ce sont des agents du ministère. Quand quelque chose n’est pas autorisée et qu’on ne sait pas clairement qui participe et qui ne participe pas, la gestion est difficile. Et c’est comme ça que nous avons dit que ceux qui viennent pour le sit-in ne sont pas autorisés. Si vous voulez travailler, entrez dans les bureaux. Et ils sont montés dans les bureaux. Et c’est dans les bureaux que les choses ont commencé ». C’est donc par ces propos que Tibila Kaboré a justifié la présence de certains manifestants hissés dès les premières heures sur l’immeuble du ministère. Mais très vite, ils ont été rappelés à l’ordre par la police.
Atteinte à la liberté syndicale
Du côté des manifestants, la présence des éléments de la CRS est une atteinte grave à la liberté syndicale. C’est pourquoi le SYNAFI a bénéficié du soutien d’autres syndicats du MEF que sont ceux des impôts, du trésor et de la planification. Sauf le syndicat des agents de la douane n’a pas adhéré à la dénonciation du SYNAFI. « Ça, c’est un faux problème. On avait un mégaphone ici. Je ne sais même pas combien de décibels il a. Ça ne pouvait même pas déranger les gens qui sont ici au ministère. C’est juste pour restreindre la liberté de manifester. Et c’est encore pour dissuader les gens et dire qu’il n’y a plus de liberté syndicale. En 2011, nous avons été réprimés et en 2014, ils envoient des CRS. Depuis le début de l’année, chaque fois, ce sont des CRS qu’ils nous envoient. Nous sommes en train de dénoncer avec la plus grande ferveur pour dire halte ! Trop, c’est trop. Il faut qu’on arrête ça, les libertés syndicales sont reconnues partout et internationalement, même au niveau du Burkina Faso. Il n’y a pas de raisons qu’on aille à l’encontre de ces libertés. Ce matin, c’est pour dénoncer cette bavure et en plus demander l’application du protocole d’accord », a témoigné Mohamed Savadogo, secrétaire général du SYNAFI.
Quid du dialogue ?
Malgré ce climat de méfiance qui prévaut au MEF, son secrétaire général, Tibila Kaboré, dit être ouvert au dialogue. « La présence des éléments de sécurité s’explique. On a dit que ce n’est pas une manifestation autorisée. C’est une défiance à l’autorité. Ou bien ? C’est comme ça que ça s’analyse. Pas autrement. La présence des forces de sécurité, c’est pour justement empêcher une manifestation illégale. Ils auraient pris acte qu’ils ne seraient pas venus et qu’on se serait assis pour discuter et voir dans quelles conditions cela peut se faire. Mais ça n’a pas été le cas. Obligatoirement, un père de famille, quand il voit des velléités de bagarre chez lui, il prend des dispositions. C’est clair et c’est ce que nous avons fait », s’est-il justifié. Pour montrer sa bonne foi, Tibila Kaboré ajoute : « Nous avons toujours dit que la porte était ouverte. Je vais vous dire une chose. Les points qui ont été querellés. Nous avons même dit de faire une mission dans les autres pays pour voir parce que nous sommes dans un espace harmonisé. Nous ne pouvons pas faire tout au hasard. Nous faisons quelque chose ici et puis après ça devient des explications à n’en pas finir à l’UEMOA. Regardons ce qui se passe dans notre cadre et proposez-nous ce qui peut-être répliqué de bien que vous avez vu ailleurs. Et c’est dans cet ordre d’idées que quand ils ont dit qu’ils allaient faire le premier sit-in, je les ai reçus pour leur dire qu’on ne comprend pas pourquoi au moment où vous êtes allés voir comment ça se passe chez les autres, vous lancez un mot d’ordre. Attendez que les missionnaires viennent. Dans cette mission, c’était à part égale, c’est-à-dire administration et syndicat. Ils sont allés et pendant qu’ils étaient là-bas, ils ont donné le mot d’ordre pour faire le sit-in. Je leur ai dit d’attendre que la mission revienne et s’il n’y a pas de consensus, nous allons prendre les décisions qui s’imposent. Ils ont dit non. Nous leur avons dit de faire le sit-in, mais sans bruit. Les deux jours se sont passés. Les missionnaires sont revenus. Ils ne nous ont pas rendu compte et ont lancé un autre mot d’ordre de sit-in sur les mêmes problématiques. Vous voulez qu’on dise quoi ? On va dire quoi ? Est-ce que c’est nous qui refusons le dialogue ? Nous ne refusons pas le dialogue. Maintenant, ils semblent mettre de la procédure. Ils ont leur agenda. Nous ne savons pas. Le jour où ils demandent à nous rencontrer, nous sommes prêts, sans aucun problème. J’ai toujours répété que nous sommes des partenaires et non des adversaires ». A l’entendre, le protocole d’accord a été signé dans un contexte particulier et il s’avère difficile de le mettre en pratique. « Vous avez lu le protocole ? Si vous étiez financier, vous croyez que vous pouvez l’appliquer ? Vous croyez, en toute âme et conscience, que ce qui est écrit là peut être appliqué ? Le protocole a été fait dans une mouvance particulière. C’était en 2011 où ils étaient tous en mouvement. Et vous savez que 2011 a été le printemps de tous les mouvements. Il n’y a pas que le ministère des Finances qui revendiquaient ». Ce que rejette catégoriquement le secrétaire général du SYNAFI, Mohamed Savadogo. « Mais c’est un protocole d’accord qui a été signé entre le gouvernement et le SYNAFI en son temps. Ce n’est pas un protocole d’accord qui est global. Eux, ils ne peuvent pas parler de normes communautaires parce que c’est nous les agents qui faisons le travail. C’est nous qui faisons le travail et nous les maitrisons plus qu’eux. Quand on parle de normes communautaires, ce sont les agents d’abord qui font le travail et le proposent aux premiers responsables pour qu’ils signent. Ce sont des faux problèmes », a-t-il fait remarquer. En attendant que les différentes parties s’asseyent autour d’une table de négociation, ce sont les usagers qui paient un lourd tribut 1
Par Toua L. TRAORE et Ismaël Ouédraogo (Stagiaire)