Le Burkina Faso et la République de Côte d’Ivoire sont unis par la géographie. Et pourtant, rallier les deux pays requiert parfois
de la témérité.
Il est 11 heures 25 minutes à la gare routière de Tampouy à Ouagadougou, une matinée de juillet 2014. Boureima Sawadogo, un chauffeur de la compagnie « ZFT » qui fait le trajet Ouaga-Abidjan, vient de rentrer d’Abidjan. Visiblement fatigué par le voyage, il s’exprime sur la fluidité du trafic entre les deux pays: « C’est toujours compliqué au niveau de la Côte d’Ivoire. Même si nous ne sommes pas en surcharge, nous avons des difficultés, parce que nous payons les mêmes tarifs, c'est-à-dire 30 000F CFA, malgré le fait que nos papiers sont en règle. Ce qui nous amène parfois à faire de la surcharge pour pouvoir supporter les surcoûts ». Il dénonce par ailleurs le nombre élevé de postes de douane sur la partie burkinabè : Niangoloko, Banfora, Bobo-Dioulasso (entrée et sortie), Poura carrefour, Koudougou carrefour et l’entrée de Ouagadougou. Et Sayouba Zoromé, de la même compagnie, de renchérir : « A l’entrée de Niangoloko ou à Dangadougou en Côte d’Ivoire, la police et la gendarmerie demandent des cartes de vaccination aux passagers et ils encaissent 1000 F CFA sur chaque passager sans les faire vacciner ». Selon lui, c’est l’Office national de sécurité routière (ONASER), une brigade officiant au Burkina Faso, qui effectue bien son travail. Le vice-président de l’Association pour la sécurité et le bien-être du transport (ASBT), Ibrahim Nébié, quant à lui, reconnaît une amélioration du trafic entre les deux pays, surtout concernant les infrastructures. « Au plan des tracasseries, même s’il y a une avancée, il reste toujours des postes de contrôle très sévères. Le poste douanier de Banfora rackette énormément. Pour des marchandises comme le cola, le savon "kabacrou”… l’on ne peut pas imaginer combien cette douane exige. Vraiment, nous lançons un cri du cœur pour que cela change », déclare-t-il.
Et pourtant, ce ne sont pas les engagements, en vue d’une fluidité du trafic entre les deux pays qui manquent. Les deux gouvernements se sont, en effet, engagés à prendre des mesures appropriées pour améliorer la fluidité du trafic. Pour la Côte d’Ivoire, il s’agit surtout d’appliquer les dispositions communautaires relatives à la limitation des points de contrôle routier, d’intensifier les campagnes d’information et de sensibilisation sur les documents exigibles en matière de contrôle routier, d’examiner diligemment la demande d’un accord de siège au profit du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC). Ces engagements ont été traduits dans le Traité d’amitié et de coopération (TAC) entre les deux pays. Pour le président de l’Organisation des transporteurs routiers du Faso (OTRAF), El Hadj Boukary Sankara, il y a de la lenteur dans la mise en œuvre de ces dispositions. Il affirme que l’accès au port autonome d’Abidjan est toujours difficile. « Le déchargement est très lent au niveau du port. Il faut un mois à 40 jours pour faire son chargement. Aussi, pour constituer les convois, il faut 2 à 3 jours. C’est une perte de temps pour nous », déplore-t-il. M. Sankara note également que des entraves à la circulation du côté de la Côte d’Ivoire, à travers les postes de contrôle de douane, de police, de gendarmerie et des Eaux et forêts ne sont pas encore allégées.
Le président de l’Union des chauffeurs routiers du Burkina (UCRB), Brahima Rabo, relève qu’en ce qui concerne le tronçon Ouagadougou-Abidjan, il y a eu une amélioration, surtout pour la partie du Burkina Faso. « Il y a eu la levée des barrières, en ce qui concerne les postes de police et de gendarmerie, depuis février. Même si les postes de douane demeurent », mentionne-t-il. Cependant, poursuit-il, du côté ivoirien, il a été dit que les postes de contrôle seront limités à 43 sur tout le territoire de la Côte d’Ivoire. Cette mesure, à son avis, a été en vigueur pendant un à deux mois, mais elle a été éphémère, parce que tous les «racketteurs » sont de nouveau là. « Nous avons envoyé une mission à Abidjan qui a dénombré plus de 56 postes situés uniquement sur le trajet Ouangolodougou-Abidjan », ajoute-t-il. Aussi, M. Rabo déclare qu’à chaque point de passage dans une ville, il faut payer à la mairie. « Ce qui n’est pas normal, car ce sont des camions de passage et non stationnés dans des parkings. Il faut aussi dire qu’avec le port d’Abidjan, il y a un problème de stationnement car les camions sont obligés de se garer dans les rues. Par conséquent, les chauffeurs se font voler et souvent agresser », décrie-t-il. Il souhaite que les autorités ivoiriennes trouvent des solutions à ces difficultés.
De grands chantiers en instance
La troisième conférence au sommet, tenue à Yamoussoukro, le 30 juillet 2013, s’était focalisée sur d’autres chantiers dans le domaine des transports. Sur le projet de l’autoroute Yamoussoukro-Ouagadougou, la conférence au sommet a apprécié positivement l’état de l’avancement des études et l’implication de l’UEMOA et de la Banque Africaine de développement. Le projet devrait être achevé en 2020. A ce propos, le ministre des Infrastructures, du désenclavement et des transports, Jean Bertin Ouédraogo, a confié, le 19 mai 2014, que pour accroître la facilitation des transports et du transit routier entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, les travaux de construction de l’autoroute Yamoussoukro-Ouagadougou seront lancés en 2015. « Nous sommes en train d’achever les études techniques et le Qatar a accepté de nous accompagner dans le cadre de la mobilisation des ressources auprès d’un certain nombre d’investisseurs. Si nous arrivons à obtenir un seul bailleur qui accepte de nous financer, même à 25%, nous pourrons démarrer ce projet », a déclaré M. Ouédraogo. En outre, le conseil des ministres, en sa séance du 9 juillet 2014, a attribué le marché de la réalisation des études techniques détaillées et l’élaboration des dossiers d’appel d’offres relatives aux travaux d’aménagement et de construction de l’autoroute Ouagadougou-Bobo-Dioulasso, longue de 410 km. Ce tronçon pourrait constituer une première étape de l’autoroute burkinabè vers la lagune Ebrié.
Le récent acte posé dans le cadre du projet d’autoroute est l’organisation par le Ministère des infrastructures, du désenclavement et des transports, le jeudi 17 juillet 2014 à Ouagadougou, d’un atelier de validation du rapport d’études d’avant-projet sommaire pour la réalisation du tronçon. Le groupement des bureaux d’étude, AIC-PROGETTI SPA/ACE Ingénieurs conseils, a été mandaté par le gouvernement burkinabè pour l’élaboration des études de faisabilité technico-économique, environnementale et d’avant-projet, en vue de la construction et du bitumage de l’autoroute Ouagadougou-Bobo-Dioulasso. Au niveau du Burkina Faso, le tracé, d’une longueur de 600 km entre Niangoloko et Ouagadougou, pourra être réalisé en deux phases : Ouagadougou-Bobo-Dioulasso et Bobo-Dioulasso-Banfora-Niangoloko.
En ce qui concerne le Projet de réhabilitation du chemin de fer Abidjan-Ouagadougou-Kaya et son prolongement jusqu’à Tambao, des avancées sont également signalées. En effet, en marge du dernier sommet, les deux délégations ont reçu successivement, les groupes Timis et Bolloré pour la réalisation de ce projet. Ce projet, dont l’urgence a été réaffirmée par les deux chefs d’Etat, permettra le transport du gisement de manganèse, de Tambao vers le port d’Abidjan. Cette question sera également examinée et évaluée à cette 4e conférence à Ouagadougou, prévue en fin juillet 2014. Aussi, il convient de rappeler que la boucle ferroviaire Abidjan-Ouagadougou-Niamey-Cotonou a été inscrite, en tant que projet prioritaire du Programme économique régional (PER) de l’UEMOA, du plan directeur ferroviaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et du Programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA) de l’Union africaine (UA). Il est certainement attendu, à cette conférence, des résultats probants relatifs à l’avancement de ce projet de chemin de fer.