Le contentieux opposant l’Etat burkinabè aux entrepreneurs qui ont exécuté les marchés des chantiers du Programme décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) continue de faire jaser. Un recours introduit auprès de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), par un groupe d’entrepreneurs, a abouti, début 2012, à un protocole d’accord entre les deux parties. Au terme dudit accord, l’Etat consent à payer environ 800 millions de francs CFA aux requérants, au titre du remboursement de droits et autres taxes exonérés mais indûment perçus. Toutefois, le dossier est loin d’être clos.
Le protocole d’accord signé en début d’année 2012 concerne un groupe d’entrepreneurs ayant exécuté les marchés du PDDEB entre 2003 et 2004. Après de longues années de démarches infructueuses, ces derniers ont décidé, en 2009, de se regrouper au sein d’une organisation commune afin de faire valoir leurs droits. Ils se sont ainsi accordés sur le principe d’introduire un recours collectif auprès du Comité de règlement des litiges (CRAL) de l’instance de régulation des marchés publics. Et se sont attachés les services d’un avocat. L’entente avec ce dernier prévoit qu`en cas de gain de cause, un certain pourcentage du montant reçu lui reviendrait, selon que l’affaire soit dénouée à l’amiable au niveau de la CRAL ou qu`elle aille en contentieux. Les démarches sont entamées mais dès les premiers moments, un quiproquo s’installe. Il est exigé à chacun des membres le versement d’une somme de 50 000 FCFA. C’est la condition posée par l’autorité pour l’ouverture et le traitement du dossier par la CRAL, affirment l’avocat et certains responsables de l’association. Chose que certains membres trouvent difficilement concevable. «Comment pour un recours collectif dans le cadre d’une association, les frais devraient se payer de façon individuelle ? La décision qui sera rendue sera-t-elle collective ou individuelle ?», se demandent-ils. En tout cas, pour beaucoup de personnes, l’affaire sent l’arnaque à plein nez. En plus, la plupart des entrepreneurs sont dans une situation de détresse financière, du fait de tous les déboires subis dans le cadre de leurs marchés avec le PDDEB. 0ù vont-ils trouver une telle somme ? Certains finiront tout de même par consentir à s’acquitter de cette somme. A la surprise générale, au lieu de quittances dûment délivrées par le Trésor public, de simples reçus sans références valables sont remis en contrepartie aux intéressés.
Traitement discriminatoire ?
Cela contribue à renforcer les doutes des plus sceptiques qui s’interrogent toujours sur la destination réelle de l’argent ainsi récolté. Cet argent évalué à plusieurs millions FCFA est-il vraiment allé dans les caisses du Trésor public ? Bien malin qui saura y répondre. Toujours est-il que le dossier a été instruit au niveau de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP). Au bout de longs pourparlers, un terrain d’entente a été trouvé entre les parties. Les requérants réclamaient à l’Etat les sommes de 888 266 167 FCFA, au titre de l’exonération des droits et taxes indûment supportés et 40 413 810 FCFA, au titre des intérêts moratoires. Dans le jeu des concessions nécessaires en pareilles circonstances pour parvenir au règlement à l’amiable du contentieux, les requérants ont dû renoncer aux intérêts moratoires pour se cantonner aux seuls remboursements des droits et taxes exonérés. Finalement, l’Etat à consenti à leur payer 715 788 250 FCFA. Les deux parties s’accordent sur ce montant et cela donne lieu au protocole d’accord N°2012-01/MEF/SG/DGTCP/AJT, « portant règlement des sommes dues par l’Etat burkinabè aux 30 entreprises ayant exécuté les chantiers PDDEB 2003-2004 ». Ce protocole est assorti d’un échéancier de payement en 2 tranches étalées sur 2 ans. Soit 397 660 095 FCFA en 2012 et 318 128 155 FCFA en 2013. La première tranche a déjà été virée dans un compte domicilié à la BCB au nom de la CARPA, voilà déjà quelques mois. Ce dénouement de la procédure n’a pas manqué de provoquer une levée de boucliers. D’aucuns crient à la discrimination. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi seulement 30 entreprises ont-elles été prises en compte ? Quelle est la clé de répartition de cet argent entre les bénéficiaires ? Autant de questions qui font des gorges chaudes et donnent lieu à une soudaine poussée de fièvre dans la grande famille des entrepreneurs. Il est reproché à l’avocat et à certains responsables une certaine opacité dans la gestion du dossier.
Interdit de communiquer !
Cette issue de la lutte a été entourée du plus grand secret. L’information a circulé sous les manteaux entre quelques « privilégiés ». Elle n’a pas été portée à la connaissance de tout le monde. Vers la fin de la procédure, tout s’est joué entre quelques personnes, dans un cercle restreint. Notamment, l’Agence judiciaire du Trésor public, l’avocat et certains responsables associatifs des entrepreneurs. Du côté de ces derniers, on soutient que seules les entreprises ayant accepté de payer les 50 000 FCFA ont été prises en compte. Mais cet argumentaire ne convainc guère. Comment peut-on exiger un payement individuel des frais d’ouverture de dossiers et traiter l’affaire dans le cadre d’un dossier unique, au point même de rendre une décision collective ? Pourquoi n’a-t-on pas rendu des décisions individuelles, si tant est que chacun devrait payer ses frais d’ouverture de dossier ? A l’Agence judiciaire du Trésor, on ne semble pas disposé à communiquer sur la question. Contacté, l’Agent judiciaire du Trésor, dans un premier temps, nous a demandé de lui laisser le temps de consulter sa hiérarchie avant de donner des informations sur le dossier. Relancé, après une longue attente, il nous a renvoyé à la Direction de la communication du ministère des Finances… En plus, à ce qu`on dit, même parmi ceux qui ont payé les 50 000 FCFA, certains n’ont toujours pas reçu leur part du « butin ». Joint par téléphone, l’avocat a invoqué le secret professionnel pour ne pas vouloir s’étendre sur le sujet, et a prétendu être lié à chacun des entrepreneurs par un contrat individuel. Ce que contestent énergiquement les laissés-pour-compte. L’affaire est loin d’être close.