Par la faute de son propre président, l’Egypte semble revenue aux heures chaudes de la révolution qui a fait partir Hosni Moubarak du pouvoir en début 2011 avec l’occupation de la fameuse place Tahrir du Caire. Comme s’il avait horreur du calme, le président égyptien, l’islamiste Mohamed Morsi, a tout fait pour mettre son pays en ébullition en s’octroyant, le 22 novembre dernier, des pouvoirs étendus. Sous prétexte de vouloir « protéger » la révolution de 2011, « accélérer les réformes politiques », punir certains dignitaires de l’ancien régime à la hauteur des crimes commis, le président élu en juin 2012 n’a pas trouvé mieux que de rendre irrévocable toute décision qu’il a prise et prendra. Il n’en fallait pas plus pour que ceux qui l’accusent de se « pharaoniser », d’orchestrer « une attaque sans précédent contre les jugements du pouvoir judiciaire », montent au créneau. Depuis le 23 novembre, le pays des Pharaons vit au rythme de manifestations anti et pro-Morsi, de la grève des magistrats qui sont en première ligne de cette contestation contre la « déclaration constitutionnelle ». Même les assurances sur le caractère temporaire du décret contesté données par le président lui-même n’ont pas rassuré les contestataires. L’attention est beaucoup plus portée sur la rencontre d’hier, 26 novembre, entre le président et les membres du Conseil suprême de la magistrature. Celle-ci était censée trouver un modus vivendi entre les protagonistes de la crise. Le compromis dont il est question n’est en fait qu’une troisième voie pour contenter tout le monde. La porte étroite proposée par le Conseil suprême de la magistrature est une limitation des décisions présidentielles insusceptibles de recours aux seules décisions souveraines. S’il arrive que le président accepte cela (au moment où nous tracions ces lignes, dans l’après-midi d’hier, les résultats de la rencontre n’étaient pas encore connus), il sauvera sa face en n’ayant pas à rapporter son décret comme le lui demandent les manifestants qui se sont regroupés dans un collectif dénommé Front de salut national. Reste à savoir si ces derniers vont accepter ce compromis. La question sur la capacité du Conseil suprême de la magistrature à faire baisser la tension, reste donc posée. Si jamais c’est le cas, ce conseil aura fait œuvre utile en mettant fin, par exemple, aux manifestations de défiance et de soutien au président Morsi prévues ce 27 novembre dans les grandes villes d’Egypte. Ce serait autant d’affrontements en vue qui auraient été évités. Dans le cas contraire, il faut s’attendre à un alourdissement du bilan humain de cette crise qui fait déjà état de deux morts, d’au moins 500 blessés sans oublier les casses, les répercussions sur l’économie et les finances avec, par exemple, la chute de la bourse du Caire. Au moment où nous mettions sous presse, nous apprenions que la Justice va examiner la validité du décret querellé le 4 décembre prochain. Mais en attendant, on ne sait pas s’il y aura ou pas une trêve dans les manifestations.