Le mercure du Faso s’est promené dans les rues de Ouagadougou en cette période de campagne. Il a réagi à une situation paradoxale.
On dit qu’on n’aime pas, mais on suit
Sans vouloir porter ombrage à qui que ce soit, le mercure voudrait relever ce contresens incompréhensible, cette distorsion entre la parole et l’acte constatée au sein des populations de Ouagadougou.
Avant l’ouverture de la campagne, bien de gens pourfendaient le parti au pouvoir, critiquant, injuriant même parfois, clamant comme Shakespeare leur ras le bol et leur dégoût de la façon dont le pays est dirigé. A les entendre, on pourrait croire qu’à ces élections, les hangars à meeting du CDP n’auraient que des mouches et le vide comme militants.
Mais que nenni. Vendredi 23 novembre 2012. Place de la Nation. Des T-shirts estampillés CDP circulaient partout. Des camions trimbalaient plein d’hommes et de femmes qui n’avaient que ces trois lettres à la bouche.
Le même jour. A Rood-woko, ces mêmes T-shirts se promenaient allègrement avec le même mot à la bouche. Si ce n’est pas un paradoxe.
La plaidoirie de la bouche et le verdict du ventre ?
Pareille capacité de mobilisation ne devrait en principe pas étonner, puisqu’il s’agit du parti au pouvoir. Cependant, on peut s’interroger sur les raisons réelles de cet engouement. Est-ce vraiment par croyance en l’idéologie, au programme et au projet de société du parti ? Ou n’est-ce que l’expression d’une simple envie de « manger » ?
On demandera certainement des preuves, mais nul besoin de prouver que les partis qui en ont les moyens usent de pièces sonnantes et trébuchantes pour rallier à eux les voix des électeurs. Le CDP arborant, physiquement en tout cas, l’opulence, ces hommes et femmes qui crient « hourrahs » derrière lui ne sont-ils pas seulement attirés par l’espoir d’avoir des « enveloppes » au ventre rebondi ? Juste avoir un T-shirt qu’on endossera ensuite pour faire le ménage ou pour renflouer une garde-robe chancelante ?
Si tel est le cas, alors les Burkinabè ont encore du chemin à faire sur la voie de la démocratie. Tant que le ventre continuera à dicter la conduite morale à tenir, les cris de changement resteront des tempêtes dans des verres de thé chinois.
Peut-être que…
A moins que ce ne soit de la poudre aux yeux, une façon pour le Burkinabè de récupérer « un peu » ce qu’il pense qu’on lui prend tous les jours. Une dame n’a pas hésité à jeter à un jeune qui lui reprochait de porter un T-shirt CDP que « c’est mon argent qu’on a utilisé, pourquoi je ne prendrai pas ? ». Un autre citoyen disait aussi, sur les ondes de B24 TV, que « tu peux prendre un T-shirt, mais rien ne t’oblige à voter pour celui qui te l’a donné ».
Les Burkinabè ont toujours réservé des surprises à leurs dirigeants. Et rien n’a prouvé jusqu’à présent que cela a changé. Gare donc à ne pas vivre la situation du dindon qui croyait être gros comme un mouton jusqu’à ce que la pluie lui colle les plumes au corps.