Bobo Dioulasso - Depuis son arrivée à la tête de la police municipale de Bobo-Dioulasso le 7 juin 2011, le contrôleur de police, Seydou Coulibaly n’a cessé d’œuvrer à la sécurité routière à Sya à travers des actions de coercition, mais aussi et surtout de sensibilisation des populations. Dans cette interview réalisée le mercredi 2 juillet 2014, l’initiateur de la Semaine de la mobilité urbaine dans la cité de Sya (une première en Afrique), parle sans détour de la responsabilité de chaque acteur dans l’éducation routière, du récurrent problème des tricycles et des taxis à gaz, de la nouvelle loi sur la prestation de serment des policiers municipaux, et de ses projets…
Sidwaya (S.): La police municipale de Bobo-Dioulasso organise depuis 2013 une Semaine de la mobilité urbaine de Sya. Qu’est-ce qui a motivé cette initiative?
Seydou Coulibaly(S.C.) : La Semaine de la mobilité urbaine est une initiative du Burkina Faso et de la police municipale de Bobo-Dioulasso. En dehors de la Semaine européenne de mobilité, elle n’existe nulle part. Nous l’avons initiée parce qu’elle s’inscrit dans notre plan d’action de sensibilisation, d’information et de formation de la population. C’est l’une de nos missions. Nous avons pensé qu’elle pouvait servir de cadre approprié pour organiser des activités pendant une bonne semaine, avec la participation de la population en exposant tout ce qu’il y a comme danger en matière de circulation dans la ville de Bobo-Dioulasso. Avec cette édition, elle tend à devenir internationale.
S.:La 2e édition de cette semaine de la mobilité s’est déroulée du mercredi 28 au samedi 31 mai 2014 à Bobo-Dioulasso. Quel bilan en tirez-vous?
S.C. : Le bilan est très satisfaisant. Nous avons mené plusieurs activités. Une conférence sous le thème «Femmes et sécurité routière», a eu lieu à la salle des fêtes de la mairie centrale qui a refusé du monde. Les femmes ont pris l’engagement d’éduquer de façon saine et responsable leurs enfants à la sécurité routière. Le sous-thème «Traumatisme crânien» a enregistré la participation d’éminentes personnalités de la santé. Il y avait aussi une exposition de photos, suivie de visites des engins accidentés qui ont été appréciés par la population. Les gens ont été témoins de ces images qui ont fait tâche d’huile. Tout au long des différentes activités, nous avons eu l’accompagnement de la direction générale de l’Office nationale de sécurité routière (ONASER) qui a pris part à toutes les activités. Nous avons pu réaliser tout ce qu’on avait dans le programme, et nous avons noté la participation et l’intérêt de la population pour l’activité.
S.: Le thème de cette édition était: « Rôle des parents dans l’éducation routière et le civisme ». Selon vous, quelle doit être la contribution de chacun des acteurs pour une bonne éducation routière?
S.C. : Chacun de nous a une responsabilité à jouer dans l’aboutissement d’une bonne éducation routière. L’autorité communale de par sa police municipale, organise des sorties, des séances de sensibilisation et de formation. Les parents à la maison doivent éduquer leurs enfants dans le sens de la responsabilité à la maison, en circulation, vis-à-vis des autres. L’un dans l’autre, si chacun joue son rôle en intégrant les valeurs de tolérance, de discipline et de sagesse, nous aurons une éducation saine. Ces valeurs sont omniprésentes dans certains pays comme le Ghana où l’on enregistre rarement les accidents.
S.: Quels impacts ont eu les différentes actions de sensibilisation que vous avez menées depuis votre arrivée à la tête de la police municipale, notamment par rapport aux accidents de la circulation à Bobo-Dioulasso?
S.C. : Ces dernières années, nous avons été sollicités par les citoyens pour des activités de sensibilisation. Dans ce cadre, nous avons été dans plusieurs lycées dont le Lycée Charles de Gaulle, le Lycée municipal, le Lycée Mollo Sanou, le village de Sogossagasso. Nous avons mené des activités de sensibilisation de jeunes volontaires, des associations féminines. Ces actions de sensibilisation ont un impact considérable sur les populations. Un impact pas toujours visible parce que certains ont l’impression que les accidents de circulation augmentent malgré tout. En réalité, il faut savoir aussi que le nombre d’engins également ne cesse d’augmenter. Et peut-être, s’il n’y avait pas les sensibilisations, les chiffres présentés seraient plus élevés. Cependant, grâce aux actions conjuguées de l’ONASER, de l’ensemble des Forces de défense et de sécurité (FDS) dont la police municipale, les changements de mentalité et de comportement s’opèrent progressivement et sûrement. A notre niveau, nous allons poursuivre dans la lancée et à cet effet, nous avons des projets. Pour ce mois de ramadan, nous sommes en train de concocter une activité de sensibilisation, parce que nous avons constaté que les jours de fête, les gens sont pressés et se retrouvent le plus souvent à l’hôpital. Pendant les vacances, nous allons organiser une activité dénommée «vacances code» au profit des enfants. Lorsqu’un enfant est formé, c’est sûr, il change automatiquement de comportement parce qu’il retient toujours quelque chose. Aussi, nous allons les occuper en leur donnant des notions sur les panneaux. Des notions qui pourront leur servir plus tard, lorsqu’ils vont s’inscrire pour le code de la route et le permis A1.
S.: Les taxis à gaz et les tricycles transportant des personnes continuent de circuler dans les rues de Bobo-Dioulasso avec tout le risque que cela comporte. Est-ce à dire que la police municipale et partant l’autorité communale ont échoué dans l’application des textes qui règlementent la circulation de ces moyens de transport?
S.C. : C’est trop de dire que l’autorité municipale a échoué. L’autorité ne peut pas échouer. Nous privilégions plus la sensibilisation en tenant compte du niveau d’instruction de nos populations, sinon de telles activités ne peuvent pas résister devant l’autorité municipale. La preuve est qu’à chaque fois que nous sommes sortis sur les voies, nous avons arrêtés beaucoup d’engins mais le plus important pour nous, c’est la sensibilisation. Une chose est de s’attaquer à ceux qui conduisent ces tricycles, une autre est de sensibiliser ceux qui utilisent ces engins, sur les dangers qu’ils encourent. Nous avons constaté que ce sont les femmes. Nous allons continuer à les sensibiliser sur les risques jusqu’à ce qu’elles renoncent à circuler à bord de ces tricycles. S’il n’y a pas de clients, les conducteurs vont se résoudre à ne prendre que des bagages. Concernant les taxis à gaz, nous avons beaucoup travaillé avec leurs syndicats. Les responsables ont compris la dangerosité du gaz qui constitue un risque de détérioration de leur moteur. Le combustible qu’ils considèrent comme un moyen de faire des économies est plutôt un danger pour leurs véhicules. A leur niveau, il y a une prise de conscience collective, ils sont en train de se sensibiliser entre eux pour les retraits de ces taxis à gaz. Je saisis l’occasion pour saluer ces syndicats et les encourage à continuer le travail d’orientation que nous avons élaboré ensemble.
S.: De même, on constate un silence total de la police municipale sur l’obstruction des alentours de la voie du grand marché.
S.C. : C’est un problème réel. Il faut dire que lorsqu’on construisait le grand marché, je trouve que le technicien des travaux, sans le mettre en cause, n’a pas été prévoyant. Aujourd’hui, l’espace qui avait été prévu pour recevoir les engins des commerçants et des clients s’est avéré petit pour ces derniers, car leur nombre a augmenté de façon significative. De nos jours, nous avons plus de 3 000 boutiques donc au minimum 3 000 motos alors qu’il y a des boutiques qui sont gérées par quatre à cinq personnes qui ont chacune une moto. Nous sommes conscients de la situation et nous sommes en train de travailler à trouver une solution, une alternative au problème. Cependant, il faut reconnaitre que la question est très difficile. Le seul moyen actuellement, c’est sans doute de décongestionner le marché central en aménagement des marchés secondaires et des parkings secondaires. Des commerçants pourraient déménager du marché central pour aller vers ces marchés secondaires. Je pense que si les marchés secondaires sont fournis de certains produits qui ne l’étaient pas avant, les clients ne vont pas tous se déporter au marché central. C’est le lieu pour moi de féliciter la brigade du marché qui abat un gros boulot malgré les difficultés au sein du marché.
S.: Les policiers municipaux ont désormais obligation de prêter serment, trois mois après leur sortie, devant le Tribunal de grande instance (TGI) du ressort de leur lieu de service. Qu’est-ce qui change fondamentalement dans l’organisation et le travail du corps avec cette nouvelle mesure?
S.C. : Un agent qui prête serment s’engage à assumer pleinement les actes qu’il aura à poser. Il mesure la portée juridique de ses actes professionnels, et même de ses actes extra services. Depuis quelques années déjà, nous travaillons à briser les barrières de méfiance entre nous et les populations, à instaurer la communication permanente, à faire disparaitre l’époque où notre corps était vomi par la population. Par la prestation de serment, nous nous engageons à persévérer dans ces actions. Aussi, tout agent qui prête serment et pose un acte contraire, va répondre devant les tribunaux.
S.: Est-ce que les conditions de travail de la police municipale de Bobo-Dioulasso sont satisfaisantes?
S.C. : Comme tout service de l’Etat, l’on ne peut pas dire que nos conditions de travail sont satisfaisantes. Nous avons également des problèmes d’équipement, de roulement, mais ce qui est important, c’est la bonne volonté manifestée par les autorités à nous accompagner.
S.: Lorsqu’on pénètre dans vos locaux, on aperçoit de nombreux engins stockés dans la cour. Certains sont en pleine dégradation. N’y a-t-il pas possibilité de les rendre utiles?
S.C. : Au sein de notre service, il y a la section accident qui relève du commissariat central. Aussi, les engins qui viennent dans la cour suite à un accident, ne sont pas de notre ressort mais de celui du commissariat central. En ce qui concerne les engins saisis par la police municipale, il y a des délais d’extinction qu’il faut forcément observer avant de procéder à la vente aux enchères. Nous avons aussi les engins volés dont on ne retrouve pas les propriétaires. La question qui se pose est à qui les remettre. Cependant, pour ces cas de figures, nous comptons avec l’autorité les remettre aux structures qui ont la charge de la police judiciaire.
S.: Quel rapport la police municipale souhaite entretenir avec la population?
S.C. : Nous invitons les populations à fréquenter les services de police en général, et la police municipale en particulier. C’est leur police et elle sera à l’image de ce qu’elles voudront qu’elle soit. Nous sommes une police de proximité qui vit quotidiennement avec la population, et qui a besoin d’être accompagnée pour l’atteinte de ses objectifs. Nous voulons que les populations sachent que nous sommes disponibles pour elles, prêts à les protéger à tout moment.