L’Egypte est de nouveau dans la tourmente par la faute d’un seul individu. Cet homme, le président Mohamed Morsi, parvenu au pouvoir grâce à la récente révolution occasionnée par le printemps arabe, semble avoir oublié les véritables raisons de ce mouvement populaire. A peine les Egyptiens en quête de démocratie ont-ils, au prix d’une lutte sanglante, réussi à débarquer l’ancien président Hosni Moubarak, surnommé à juste titre « le pharaon d’Egypte » pour son règne sans partage, qu’ils devront affronter encore les dérives dictatoriales de son successeur. Le président issu des Frères musulmans avait pourtant promis, malgré son appartenance à un courant islamiste, de faire enfin goûter à ses compatriotes les délices d’une gestion démocratique. Les actes qu’il a posés depuis son investiture sont cependant loin de corroborer ses propos électoralistes. Après avoir fait le ménage à sa guise à la tête de l’armée, celui dont la candidature à la présidentielle a été accidentelle et l’élection très controversée vient de parachever son projet d’accaparement de tous les pouvoirs en limogeant le procureur général. Il a, en outre, pris le soin de blinder toutes les décisions qu’il a prises, prend et prendra en les rendant incontestables et sans recours même devant la justice. Le président s’est ainsi octroyé tous les pouvoirs et les pleins pouvoirs. Il concentre entre ses seules mains l’exécutif, le judiciaire et même le législatif, en mettant l’Assemblée constituante et le Sénat hors de portée du pouvoir de dissolution de la Haute cour constitutionnelle. On voyait, du reste, « le nouveau pharaon d’Egypte », comme l’ont surnommé les nouveaux frondeurs du « Front du salut national », venir en marchant sur les pas de son prédécesseur. Sous le prétexte de l’accélération des réformes démocratiques, il s’est toujours employé, depuis son arrivée à la tête de l’Etat, à consolider son propre pouvoir en posant des gestes visant à se soustraire à tout contrôle institutionnel républicain. Investi le 30 juin dernier, le 5e président la République arabe d’Egypte est en train de réussir un triste exploit, à savoir battre le record de médiocratie démocratique de son devancier en à peine cinq mois d’exercice du pouvoir. Il dévoile si vite son rêve pharaonique sans doute nourri bien avant son accession au pouvoir, mais dont il a su entourer de toute la subtilité nécessaire à sa réalisation. Et son jeu a été si fin que même son extrémisme religieux n’avait pu empêcher les Egyptiens de fonder sur lui un certain espoir de changement positif. Peut-être aussi qu’entre deux maux, ceux-ci avaient cru avoir préféré et choisi le moindre, tout en se disant que le contexte révolutionnaire aidant, ils avaient beaucoup de chances de voir leur désir de liberté et de démocratie comblé. Leur réveil a sans conteste été brutal et douloureux, au monarque de Moubarak ayant succédé un véritable dictateur des temps modernes qui emploie les moyens de la république pour entraver la bonne marche de cette même république. En privant la justice de son indépendance et en taillant les têtes des autres institutions à sa convenance, Mohamed Morsi sape les fondements de la vie démocratique en ne lui laissant qu’une charpente de façade, en porcelaine et donc très fragile. Les magistrats et les autres mouvements et partis non islamistes ont pris la vraie mesure du danger qui guette l’Egypte en perte de sa liberté récemment retrouvée et ont décidé, avec le reste de la population, de battre le fer pendant qu’il est chaud. Ils n’ont pas perdu le temps pour retrouver le chemin de la mythique place Tahrir au Caire, pour rappeler aux nouvelles autorités qu’ils veillent sur leur révolution comme de l’huile sur du feu. L’Egypte n’a point besoin d’un pharaon en ce 3e millénaire et le candidat victorieux des Frères musulmans à la présidentielle de 2012 doit s’attendre à ce que la foule qu’il a contribué à mobiliser contre l’ex-raïs égyptien se mobilise à nouveau contre lui. Il aura alors beau adopter la ruse du reptile venimeux, il finira un jour par être dépassé par les événements, comme l’a été son prédécesseur. Les manifestants ont opté pour la même fermeté qu’en 2011, en refusant d’office tout dialogue avec le pouvoir hégémonique avant l’abrogation du décret constitutionnel accordant de larges pouvoirs au président. La pression évoluera probablement en fonction du traitement qui sera réservé aux doléances des occupants de la place Tahrir et les dirigeants égyptiens ont intérêt à anticiper pour éviter tout pourrissement de la situation. Cela passe nécessairement par la suspension, voire l’annulation des mesures impopulaires qui ont du reste également été condamnées par la communauté internationale. S’il persiste dans ses aberrantes turpitudes, le serpent Morsi court le grand risque d’être victime de ses propres morsures.