La ville de Gourcy, chef-lieu de la province du Zondoma, est particulièrement en mouvement ces dernières semaines. La raison est que de l’or y serait apparu au secteur n°2 de cette ville de la région du Nord, entraînant une ruée vers le métal jaune. Retour sur un phénomène, du reste inquiétant du point de vue environnemental, social et sanitaire sur la population de cette municipalité de 101 430 habitants.
La nouvelle selon laquelle l’or est apparu dans la ville de Gourcy s’est propagée dans la nuit du mardi 3 juin 2014, suite à la découverte par une potière du village de Rogo (secteur n°2) d’une roche argileuse qui contiendrait de l’or. Dès le lendemain, une marée humaine s’est déportée sur ledit site situé à proximité du bois sacré de Tanssablogo, à environ un kilomètre à droite de la RN2, juste avant la colline de Gourcy en partance pour Ouahigouya. Des orpailleurs venus de Titao, Rambo, Lankoé mais aussi de Gourcy ont pris d’assaut les lieux afin d’occuper des positions stratégiques pour l’exploitation. Femmes, jeunes, élèves, acteurs du secteur informel se sont rués dans cet espace dans l’espoir de profiter des retombées de l’activité aurifère. Deux semaines après notre premier passage, le constat est que le désespoir semble gagner du terrain après une dense activité. Il est à peine 9h en cette matinée du vendredi 20 juin. Nous sommes sur le site. Le soleil amorce sa trajectoire avec déjà une température qui avoisine les 30°. Un regard furtif nous laisse estimer l’espace occupé à un hectare. Un calme apparent y règne du fait, probablement, des quelques millimètres d’eau tombés la veille, détournant du site, les autochtones de Gourcy et environnants pour les travaux champêtres en ce début d’hivernage. Au fur et à mesure que nous avançons à l’intérieur du site, des odeurs d’excréments d’animaux, de feuillage d’arbustes et de terres argileuses mouillées par les eaux de la dernière pluie nous envahi. Des centaines de trous creusés ça et là à des profondeurs diverses sont perceptibles, certains sont apparemment abandonnés. Mais quelques intrépides orpailleurs sont restés sur le site. « Nous sommes venus de Lankoé dans le Sourou dès que nous avons appris la bonne nouvelle et nous nous sommes mis à l’œuvre. Le travail est ralenti à cause de la pluie dont les eaux ont envahi beaucoup de trous, malgré tout nous avons pu atteindre une profondeur d’environ 30m », nous confie un orpailleur qui a refusé de décliner son identité. Hamadé, la quarantaine bien sonné, dit être venu du Loroum avec son équipe à la recherche de l’or, car c’est leur activité de tous les jours. « Le sol n’est pas bon, mais il semble qu’à une profondeur de 40m de creusage l’on trouvera le filon », soutient-il, envahi d’optimisme. L’affluence des premiers jours s’est estompée mais le fait insolite est que la nuit tombée, les natifs de Gourcy viennent creuser, nous soufflent quelques orpailleurs du site.
Une occupation inquiétante
Pour l’instant, le site aurifère est circonscrit sur une clairière mais le risque qu’il s’étende sur les zones d’exploitations agricoles et même sur les parcelles (nouveau lotissement) à usage d’habitation est très grand, s’inquiète Abdoulaye Gouem, directeur provincial de l’environnement et du développement durable du Zondoma. M. Gouem estime que la situation va entraîner la dévastation des espèces forestières qui subissent déjà une coupe sauvage pour la confection des hangars. « Le bois sacré (50 ha) se trouvant à proximité et qui abonde d’une diversité de la flore avec environ 200 espèces et des animaux et reptiles en voie de disparition est menacé », déclare avec regret le premier responsable provincial de l’environnement. Pour ce dernier, si toutefois la présence de l’or est confirmée, il faut s’attendre à une extension du site et à l’utilisation du cyanure qui va influencer négativement sur l’élevage, l’agriculture, sans compter la pollution des eaux souterraines. Du point de vue sanitaire, Dieudonné Soma, médecin-chef du district sanitaire de Gourcy ne cache pas ses inquiétudes de voir s’accroître les infections respiratoires aigues dans la ville, naturellement les maladies sexuellement transmissibles et surtout les accidents dus aux éboulements et à la mauvaise circulation routière des orpailleurs.
Une réponse immédiate s’impose
En attendant que le maire de la commune et son conseil municipal sortent de leur mutisme, l’autorité de tutelle pourrait prendre des mesures appropriées afin de préserver Gourcy du désordre qui se profile si l’existence de l’or est confirmée. Il convient de signaler en rappel qu’en la matière, au regard des textes existants, l’orpaillage, de surcroit en zone urbaine, est formellement interdit. L’application stricte des textes sera le seul salut afin d’éviter une propagation du phénomène dans les centres urbains. En tous les cas, le problème est posé même si l’arrêt de l’exploitation est prononcé, il va falloir procéder au rebouchage des centaines de trous creusés anarchiquement, ce qui va nécessiter beaucoup de moyens financiers à la commune pour sécuriser le secteur par rapport à la circulation des personnes et des animaux. Il y va de la santé des populations, de la préservation de l’environnement et de la proscription des autres problèmes liés à ce phénomène de l’orpaillage.