Le Certificat d’études primaires (CEP), session 2014, est terminé mais son organisation dans la région du Centre-Nord continue de faire de gorges chaudes. Dans la Circonscription d’éducation de base (CEB) de Boulsa III, dans la province du Namentenga, le Chef de circonscription d’éducation de base (CCEB), Yembi Aristide Nayaga, a changé des noms sur l’arrêté signé du gouverneur portant organisation des jurys. Comment cela s’est-il passé ? Pourquoi cette pratique ?
Un chef de circonscription d’éducation de base modifie les données d’un arrêté signé par un gouverneur sans que celui-ci en soit informé. Cela se passe à Boulsa, chef-lieu de la province du Namentenga (région du Centre-Nord). Les faits remontent à l’organisation de l’examen du Certificat d’études primaires (CEP) et du concours d’entrée en classe de sixième dans la Circonscription d’éducation de base (CEB) de Boulsa III, session 2014. Lors de la mise en place des jurys et des membres de la commission chargée de la préparation des centres d’examen et de la surveillance, le directeur de l’école primaire de Zambanga, Frédéric Kafando, instituteur certifié, a été retenu comme président du centre de Belga. L’arrêté pris à cet effet a été signé par le gouverneur de la région du Centre-Nord, Mariam Diallo/Zoromé. Cette liste a été dispatchée aux différents Chefs de circonscription d’éducation de base (CCEB).
L’origine du conflit
Si tout s’est bien passé dans les autres CEB, cela n’a pas été le cas dans celui de Boulsa III, où le CCEB Yembi Aristide Nayaga, conseiller pédagogique itinérant a, en lieu et place de la liste officielle qu’il avait l’obligation de transmettre aux présidents des trois centres de composition, transmis une autre liste. Sur cette dernière, qui se trouvait en page 2 de l’arrêté 2014…40 /MATS/RCNR/GKYA/CAB, portant composition, attribution, organisation et fonctionnement du jury de l’examen du Certificat d’études primaires (CEP), et du concours d’entrée en classe de sixième de la CEB de Boulsa III, signé du gouverneur de la région du Centre-Nord, Mariam Diallo/ Zoromé, le président du centre de composition de Belga, Frédéric Kafando, a été remplacé par le directeur de l’école de Poli-Mossi, Saïdou Kafando, lui aussi instituteur certifié.
En parcourant les deux documents, à savoir la liste officielle et celle transmise par M. Nayaga, plusieurs anomalies sautent à l’œil : en plus de M. Fréderic Kafando, deux autres noms (Nikièma Martine et Nikièma Martin) ont été remplacés. En outre, la police, la justification, la pagination sont différentes. On constate également des erreurs sur un numéro matricule (Mle 525584 Z de Koudougou Rasmané Zongo est devenu Mle 52 484 Z) et un nom de famille (Ouédraogo Zakaria est devenu Ouédraoga Zakaria…). Toute chose qui laisse transparaître que le document a été ressaisi. Mais comme la signature du contrôleur financier et celle de la gouverneure étaient à la première et à la dernière page, ces deux nouvelles pages ont juste été agrafées au document administratif.
Pourquoi ce changement de noms ?
Yembi Aristide Nayaga soutient avoir agi ainsi contre Frédéric Kafando, car celui-ci a eu des altercations avec ses collègues. La première altercation remonte, selon M. Nayaga, à la conférence pédagogique où Frédéric Kafando avait été responsabilisé comme formateur. « Le directeur s’est livré à des agissements préjudiciables au bon déroulement des activités à travers des menaces, des intimidations, des banalisations de certaines questions et même de leurs auteurs », a relaté le CCEB dans un rapport daté du 30 mai 2014 et adressé au Directeur provincial de l’éducation nationale et de l’alphabétisation (DPENA) du Namentenga.
Il précise dans ledit rapport, que le directeur Kafando a « dénigré, non seulement ses collègues lors de l’examen blanc, mais aussi ses encadreurs qui ont apprécié les efforts de ces enseignants ». Toujours, selon M. Nayaga, lors de la clôture de l’Organisation du sport à l’école primaire (OSEP), dans la nuit du 24 mai 2014 au bar Namendé de Boulsa, le mis-en-cause a "encore" fait parler de lui. « Frédéric Kafando, bien que ne faisant pas partie d’aucune commission, a donné des ordres à une enseignante qui assurait le service selon les instructions de son responsable. Celle-ci n’a pas obtempéré et a été injuriée par le directeur. A la réplique de la dame, celui-ci s’est engagé à la molester. Nous avons essayé de le calmer en vain et j’ai dû faire appel à la police qui est venue extirper la dame », a affirmé le CCEB de Boulsa III. "Le lundi 2 juin, j’ai reçu le secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’éducation de base (SYNATEB) de ma CEB. Celui-ci soutenait que ses camarades n’entendent pas être sous la coupe de Fréderic Kafando au cas où il serait pris comme président de Centre", a-t-il ajouté. Nous avons pu vérifier cette information en joignant par téléphone le SG du SYNATEB, Sibiri Ouédraogo qui l’a confirmée.
Il dit se baser sur l’ensemble des agissements reprochés au directeur pour en déduire que M. Kafando pourrait perturber l’oragnisation du CEP, étant président de centre. « C’est ainsi que j’ai introduit un rapport à la Direction provinciale de l’éducation nationale et de l’alphabétisation (DPENA) qui a donné son accord, de façon verbale, pour que je l’écarte », a-t-il poursuivi.
Frédéric Kafando, l’incriminé, a reconnu l’altercation qu’il y a eu le 24 mai dernier entre une collègue et lui. Il soutient qu’une note d’explication lui avait été exigée par son CCEB, à l’époque et qu’il s’était exécuté. Vérification a été faite auprès du CCEB avec preuve à l’appui.
Frédéric Kafando explique son courroux par le fait que son remplaçant, Saïdou Kafando, se trouve être le directeur de Mamou Fofana, maîtresse nouvellement affectée avec laquelle l’incident s’est produit le 24 mai. « J’ai 11 ans de service et je dirige la plus grande école de la région (9 classes). Je ne peux pas comprendre qu’un problème qui s’est déroulé dans un bar puisse avoir des répercussions au plan professionnel. Il m’a demandé de me justifier après l’incident, je l’ai tout suite fait. Qu’est-ce qu’il me reproche d’autre ? Pourquoi il falsifie le document signé du gouverneur ?», s’est interrogé M. Kafando, tout frustré. Pour le cas de Martin Nikiema dont le nom a été également remplacé, le CCEB a laissé entendre que ce dernier souffre de troubles mentaux.
La procédure biaisée ?
Le chef de la circonscription, Yembi Aristide Nayaga, a indiqué que le temps ne lui a pas permis de suivre la procédure normale pour écarter le directeur incriminé. « L’examen a débuté le 10 juin alors que le problème s’est produit le 24 mai. Pour m’assurer que l’examen se déroulera bien, j’ai juste informé le DPENA, le maire et le préfet», a dit Yembi Aristide Nayaga. Il faut noter que Frédéric Kafando n’a pas reçu l’ampliation de son CCEB l’écartant de l’organisation de l’examen. Joint par téléphone, le Directeur provincial de l’éducation nationale et de l’alphabétisation (DPENA) du Namentenga, Ludovic Kafando, a confirmé avoir été mis au courant et a reconnu avoir donné son aval, mais qu’il ne savait pas que le CCEB avait "touché" à l’arrêté signé de la gouverneure. « J’ai donné mon aval parce que le CCEB est venu me faire le point de ce qui était arrivé. Mais il ne m’a pas dit qu’il avait modifié l’arrêté », a-t-il souligné.
Même son de cloche à la Direction régionale de l’éducation nationale et de l’alphabétisation (DRENA) où la première responsable, Sanata Sawadogo/Congo, a parlé de « faux et usage de faux» après avoir confronté les deux listes. « Nous ne sommes pas informés de cette modification. Il n’a pas le droit de falsifier un document sans l’aval de la hiérarchie. Ce sont des listes confidentielles. Le CCEB fait des propositions d’agents, parce qu’il est souverain et il connaît ses agents et nous validons en fonction d’un certain nombre de critères », a soutenu Mme Sawadogo. Avant de préciser que c’est l’inspection générale des services qui décidera de la suite à donner à cette affaire.
Elle a indiqué que la procédure n’a pas été respectée. « Le DPENA devrait nous transmettre le rapport du CCEB, que nous transmettons ensuite au gouverneur afin de modifier l’arrêté. Sinon, fait ainsi, c’est du faux et c’est une faute lourde », a fait savoir la directrice régionale de l’éducation nationale et d’alphabétisation, Sanata Sawadogo/Congo.
Embouchant la même trompette, la gouverneure du Centre-Nord, Mariam Diallo/Zoromé, dit n’avoir été informée d’aucun incident ni de la modification d’un arrêté, après avoir vérifié dans les archives le numéro de l’arrêté original (40) qui n’a pas changé : « C’est vous qui nous l’apprenez. C’est dangereux ce qui s’est passé et nous allons entamer une procédure administrative. Le CCEB devrait suivre la procédure, en informant la hiérarchie ».