Les Eléphants de la Côte d’Ivoire jouent leur va-tout ce mardi soir dans le groupe C à 20h face à la Grèce. Si les Ivoiriens ont la possibilité d’engranger le gain de la partie, synonyme de qualification pour le second tour, le coach de l’ASFA-Yennenga, Lago Bailly, lui-même Ivoirien, suggère deux choses : que les Eléphants évoluent avec deux attaquants de pointe (Drogba et Bonny) et que Yaya Touré se donne à 100% comme il le fait à Manchester City.
Comment avez-vous trouvé les Eléphants lors de leurs premières sorties face au Japon et face à la Colombie ?
• Pour ce qui était de la première sortie face au Japon, elle n’était pas mal. J’ai surtout remarqué que le coach a utilisé Didier Drogba comme un jockey, ce qui n’était pas mal. Et c’est même bien pour lui-même. Mais après, ça dépend de ce qu’on fait derrière. Les Eléphants ont fait un bon match. Ils ont été menés au score et ont bien réagi pour égaliser et s’imposer.
Au 2e match (contre la Colombie), ce n’est pas la même chose qu’ils ont fait. Il fallait avoir à l’esprit que les Colombiens ont gagné leur premier match par 3 à 0 contre la Grèce. Ça veut dire que c’est une équipe à vocation offensive, et ils ont des attaquants qui marquent beaucoup de buts. Quand tu joues contre une équipe comme ça, si tu as des joueurs qui peuvent mener des contre-attaques, pourquoi prendre l’initiative de faire le jeu ? C’est ce qui a été notre problème. On n’a pas calculé. On a voulu gagner pour être qualifier le plus tôt possible. On était obsédé par la qualif en 8es de finale. Avec la qualité des joueurs qu’on a, on pouvait même ralentir le jeu, jouer regroupé et puis procéder par des contres.
Mais coach, dans une telle situation, vous estimez qu’il ne faut pas aller à l’offensive pour vite arracher le ticket du second tour ?
• Mais excusez-moi, le premier match de l’Italie, elle a joué derrière avec une pointe à l’attaque, mais elle a gagné le match (contre l’Angleterre). Balloteli était seul à l’attaque mais il a marqué. Les Italiens ont joué tranquille et ils ont gagné…
Mais dans ce cas, coach, la Côte d’Ivoire ressemble à l’Italie, puisque les deux pays ont remporté leur premier match et ont perdu le deuxième !
• Le piège, c’était de vouloir trop gagner. Quand vous regardez les buts qu’on a pris, vous remarquerez que notre défense est très écartée parce qu’on est haut. Tout le monde veut participer aux actions offensives.
C’est ce qu’a voulu faire Serey Dié sur le 2e but de la Colombie ?
• Oui, c’est l’inexpérience du garçon. Il était dans le match, mais il est très jeune. Il joue au haut niveau depuis combien d’année ? Le match était au-dessus de lui. L’évènement est trop grand pour lui.
Il reste le dernier match pour les Eléphants contre la Grèce, où ils devront jouer leur va-tout…
• Moi j’y crois. Chez nous au pays, il y a des choses qu’on ne peut pas dire. S’il y a la sincérité, on peut y arriver. La Grèce est une équipe prenable. Il ne s’agit pas de la même Grèce qui a remporté la coupe d’Europe en 2004. Il y a longtemps et l’équipe a changé. Et nous, on a les éléments pour faire la différence. Quand vous prenez un joueur comme Gervinho, il a la classe de Christiano Ronaldo, il a la classe de Messie, parce que le but qu’il a marqué contre la Colombie, c’est 10 fois plus de talent que celui de Messie contre l’Iran.
Donc on a des joueurs de classe comme ça, mais il y a des problèmes de choix.
Ce problème de choix se pose à quel niveau ?
• Vous savez, dans notre pays, il y a trop de choses. En Afrique, c’est le Cameroun qui a exposé ses problèmes dans la rue. C’est la raison pour laquelle tout le monde parle des Lions Indomptables. Dans les autres pays africains, Dieu seul sait.
Mais la Côte d’Ivoire est bien disciplinée pour ne pas avoir ce genre de situation-là …
• Il y a certains aspects comme les problèmes de primes de match qui sont bien harmonisés, mais aujourd’hui les équipes qu’on a, ce sont des professionnels qui viennent, chacun a son moi, chacun a sa personnalité. Donc cela amène forcément des divisions.
Coach Lago, si un joueur comme Didier Drogba accepte de s’asseoir sur le banc, est-ce qu’on peut dire qu’il y a encore des problèmes ?
• Comme je suis loin de l’équipe actuellement, je ne peux rien dire à ce niveau. Mais vous savez, Drogba est humble, c’est la raison pour laquelle il s’est mis assez bas jusqu’à ce niveau. Cependant, il y en a qui ne sont pas humbles, notamment les plus jeunes.
On reproche surtout à Yaya Touré de ne pas donner le même rendement qu’il a à Manchester City ; est-ce qu’on doit raisonner de la sorte ?
• Mais si. Regardez les Karim Benzema, les Valbuena, ils jouent à 100%. Qu’est-ce qu’ils n’ont pas donné au Real de Madrid, qu’est-ce qu’ils n’ont pas donné à Marseille ?
Peut-être qu’ils n’ont pas connu la même intensité dans le championnat, surtout que Yaya a plus de 63 matches dans les jambes…
• Ah non ! Vous ne pouvez pas me dire que Benzema n’a pas joué avec la même intensité que Yaya Touré. Les Matuidi là, ils ont tout donné. Le truc, ce que les gens reprochent à Yaya au pays, c’est qu’il joue à 100% offensivement avec Man City, mais en Côte d’Ivoire, il ne joue pas à 100% offensivement.
N’y a-t-il pas un problème de placement à ce niveau ?
• Il joue bien sûr à son poste. Avec les Eléphants, il a la liberté d’aller devant, de jouer derrière l’attaquant, il peut aussi venir devant la défense pour jouer les ballons sur les premières relances. Notre problème est tactique, car l’adversaire sait que c’est Yaya qui sait donner les passes. Donc on le coince bien, et le tour est joué. Pendant ce temps, toi, l’entraîneur, tu fais quoi ? il faut trouver un palliatif à cela.
Ce que je proposerais contre la Grèce ce mardi ( NDLR : l’entretien a été réalisé le dimanche), c’est de jouer avec 2 attaquants de pointe, à savoir Wilfried Bonny et Didier Drogba comme contre le Japon. Dans une situation difficile, on a joué avec les 2, et on a marqué 2 buts en peu de temps.
Doit-on donc jeter toutes les cartes offensives dès le début de la partie ?
• Tactiquement, cela va permettre au coach, Sabri Lamouchi, de résoudre son problème Yaya Touré. J’estime que le capitaine actuel n’anime pas suffisamment le jeu au niveau de l’attaque. Vous prenez un joueur comme Lionel Messi, les Iraniens l’ont fermé, mais en un coup de patte, il a débloqué la situation.
Aujourd’hui, on parle de la fin de Drogba, mais il faut que Yaya prenne le flambeau. C’est ce que les Ivoiriens veulent. On l’aime bien, malheureusement, on ne le voit pas à 100%. Il a eu tout le repos qu’il faut.
Maintenant qu’il a perdu son jeune frère Ibrahim Oyala Touré, décédé le jeudi passé à Manchester, il sera mentalement diminué…
• Vous avez vu ? Il y aura encore d’autres difficultés. Donc il faudra aligner des joueurs volontaires, des jeunes qui sont prêts à prouver pour signer des contrats dans de grands clubs. Cela peut nous rendre service aussi.