Dans une lettre ouverte parvenue à notre rédaction, des ONG félicitent le Burkina Faso pour les efforts a en matière d’investissement public dans l’agriculture et invitent son président, Blaise Compaoré, à être le porte-voix du monde paysan auprès de ses pairs de l’Union africaine.
Excellence Monsieur le Président
Dans quelques jours, vous allez prendre part au 23ème Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA) qui se déroulera les 26 et 27 juin 2014, à Malabo, en Guinée-Equatoriale. Nous, organisations paysannes et de la société civile engagées dans la campagne "Cultivons au Burkina", saisissons cette occasion pour vous dire que plusieurs milliers d’agriculteurs, d’agricultrices, d’éleveurs en Afrique (62% des habitants de l'Afrique subsaharienne sont des agriculteurs) comptent sur vous, pour transformer leurs vies. Au Burkina Faso, ils sont plus de 5 000 000 d’agriculteurs et d’agricultrices, répartis entre 900 000 l'exploitations familiales.
Vous avez signé la pétition «Investir plus et mieux dans l’agriculture», le 11 avril 2014, à Fada N’Gourma, lors de la 17e édition de la Journée nationale du paysan. Par ce geste, vous avez rappelé votre engagement à défendre la cause de ces millions de personnes qui vivent de l’agriculture et qui nous nourrissent à travers le continent et particulièrement au Burkina Faso. Cette pétition a été signée par plus de deux millions d’Africains . Les membres de la campagne "Cultivons au Burkina", en l’occurrence la Confédération paysanne du Faso, le Secrétariat permanent des ONG, INADES formation Burkina, le Comité national de l’année internationale de l’agriculture familiale, le Conseil national de la jeunesse du Burkina, le Club des étudiants en économie agricole et environnement, Christian Aid au Burkina, le Centre d'information, de formation et d'études sur le budget et Oxfam Burkina vous remercient pour cet engagement historique. Comme vous, déjà plus de deux millions de citoyens et citoyennes ont signé la pétition pour demander un meilleur investissement dans l’Agriculture.
Notre pays le Burkina Faso a consenti au cours des dernières années, des efforts louables et appréciables en matière d’investissement public dans l’agriculture. Ces efforts l’ont placé parmi les huit (8) Etats africains qui se sont évertués à respecter les engagements de Maputo d’allouer au moins 10% de leur budget à l’agriculture.
Si ces faits constituent des motifs de fierté, il reste cependant des défis majeurs à relever pour une politique agricole efficiente particulièrement en direction des exploitations familiales.
Le financement du secteur agricole dépend de l’aide extérieure. Sur la période 2006-2010, la part du financement extérieur a représenté en moyenne 73% des dépenses publiques totales en faveur de l’agriculture. Cette situation de dépendance rend l’élaboration de toute stratégie soutenue de croissance de l’agriculture presque hasardeuse en raison de la non-maîtrise et de la prévisibilité des aides extérieures.
L’insécurité alimentaire chronique touche en moyenne 35,4% des ménages. Pour les ménages agricoles qui représentent 80% de la population, la situation est encore plus alarmante. Cette année, 54% des ménages agricoles burkinabè n’arriveront pas à couvrir leurs besoins. C’est une situation difficilement acceptable pour nos braves paysans mais aussi, sans doute, pour vous qui êtes si sensible à la cause du monde paysan.
Il est indéniable que le combat contre la pauvreté ne saurait être gagné sans un secteur agricole viable, ce qui passe nécessairement par des politiques agricoles de qualité. C’est pourquoi, Excellence Monsieur le président, nous souhaitons, au moment où vous vous apprêtez à participer à la rencontre des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union africaine à Malabo, vous rappeler la nécessité d’améliorer en qualité et en quantité les investissements destinés à la promotion de l’agriculture familiale dans notre pays.
En cette année internationale de l’agriculture familiale pour les Nations unies mais aussi celle de l'agriculture, de la sécurité alimentaire et de la nutrition pour l’Union africaine, les paysans du Burkina Faso et ceux du continent attendent de vous et de vos pairs, des actes plus forts et plus concrets pour sortir définitivement du cycle de la faim et construire les chemins d’une agriculture durable porteuse d’une croissance économique.
Nous espérons que vous serez le porte-voix de tous les paysans africains lors de la rencontre des chefs d’Etats et de gouvernements à Malabo pour plaider en faveur d’une amélioration conséquente des politiques agricoles et une mise en œuvre diligente des engagements.
C’est le sens des recommandations conjointes de 120 organisations paysannes et de la société civile africaines, pour "passer de la rhétorique à l’action" et qui synthétisent nos attentes vis-à-vis des chefs d’Etats et de gouvernements :
-une augmentation du volume des dépenses dans l’agriculture et des investissements dans la recherche agricole inclusive et les services de vulgarisation et d’appui- conseils;
-une amélioration de la qualité et de la transparence des dépenses dans l’agriculture;
-des politiques agricoles plus efficaces, mutuellement redevables et participatives;
-une élimination des disparités entre les sexes et une promotion des jeunes et des femmes dans le secteur agricole;
-un renforcement des droits fonciers des producteurs familiaux agricoles;
-un meilleur accès aux marchés pour les producteurs familiaux agricoles, des investissements dans l’agriculture familiale et des investissements responsables de la part du secteur privé ;
-une intégration de la durabilité et de la résilience climatique dans les plans agricoles nationaux ;
-la mise en place de mécanismes de prévention et de gestion des crises alimentaires et nutritionnelles récurrentes.
Nous comptons sur votre engagement et votre leadership pour obtenir des chefs d’Etats africains un «nouveau Maputo» sensible aux exploitations familiales pour une transformation qualitative du secteur de l'agriculture.
Ouagadougou, le 16 juin 2014
Signataires : membres et partenaires de la Campagne
-Confédération paysanne du Faso (CPF)
-Collège des femmes de la CPF
-Secrétariat permanent des ONG (SPONG)
-Club des étudiants en économie agricole et environnement (CEAE)
-Centre d'information, de formation et d'études sur le budget (CIFOEB)
-Le Comité national de pilotage de la célébration de l’année internationale de l’agriculture familiale au Burkina Faso
-INADES-Formation/Burkina
-Christian Aid au Burkina Faso
-OXFAM au Burkina Faso
-ONE