On ne cessera jamais d’alerter les populations quant au respect des règles régissant la construction. En dépit de cela, des gens véreux, hors la loi, continuent d’en faire à leur tête. Cet entêtement a conduit le samedi 14 juin 2014, dans le quartier Samandin, en face du terrain du Moogho Naaba, l’effondrement d’un immeuble R+4, en construction, appartenant à Abdoul Ouédraogo, PDG de Abdoul services. Heureusement, on ne déplore pas de perte en vie humaine, mais d’énormes dégâts matériels.
« Le sable n’est pas de bonne qualité. Regardez comme il est blanc, regardez aussi les briques ». « Pour un immeuble d’une telle hauteur, ce genre de fer n’est pas adapté ». « Si seulement on nous avait écoutés quand on les a alertés ! Voilà le résultat. Quelle perte ! ». « Il ne fallait pas voir la poussière. On ne se voyait même pas, même au niveau de chez le Moogho Naaba. L’odeur du ciment s’est répandue partout. Il faut qu’on vérifie chez les voisins s’il n’y avait pas quelqu’un à l’intérieur des maisons à l’insu de tous ». « N’eût été par grâce divine, combien de personnes auraient ainsi péri ? Il faut que les entrepreneurs soient diligents». Ce sont là, entre autres, les propos des riverains consternés, à l’arrivée de notre équipe de rédaction le samedi 14 juin 2014 sur les lieux du sinistre, vers 9h 30, informée de l’effondrement d’un immeuble R+4, dans l’ex-secteur 2 de Ouagadougou, à Samandin, face au terrain du Moogho Naaba. Consterné, dit-il par ce qui s’est passé, Ali Ouédraogo, un commerçant dont le magasin côtoyait cet immeuble, a accepté nous relater cet évènement qui n’est cependant pas une première du genre au Burkina Faso. Selon lui : « Depuis le début de la construction de l’immeuble, nous avons constaté que la qualité de celle-ci ne répondait pas aux normes techniques requises pour un bon immeuble. Les poteaux étaient trop minces. Comme nous sommes ses voisins immédiats et qu’on a un grand magasin contenant du matériel de grandes valeurs, nous avons donc signalé les anomalies du chantier à la Direction générale de contrôles des opérations d’aménagement et des constructions (DGCOAC). Nous y sommes allés trois fois à cette fin. Le propriétaire n’a répondu à aucune des trois convocations à lui adressées par la DGCOAC pour affaire concernant son chantier.
Entre arrêt et réouverture immédiate du chantier, qui de la DGCOAC ou du propriétaire a violé les normes ?
« A la quatrième plainte de ma part et à la 4e convocation donc, rien n’y fit. Je suis allé me plaindre de nouveau au sein de ce service. C’est suite à cette plainte que les agents de cette direction sont venus mettre le chantier à l’arrêt. Le jour où ils sont venus mettre ce panneau de suspension du chantier, c’est ce jour que le propriétaire a répondu à la convocation. Je ne sais pas comment cela s’est passé, parce que deux jours après, les travaux ont repris. Et vous avez devant vous le résultat. Ce matin, quand on arrivé, j’ai eu écho qu’il y avait des fissures dans l’immeuble. Qu’il y a eu des craquements et que le poteau central était en train de se plier peu à peu. Après renseignements, il m’a été rapporté que l’immeuble donnait des signes d’écroulement. On a eu le temps d’alerter tous ceux qui sont venus travailler dans notre maison. C’est ainsi que les gens sont sortis. On a tous averti les voisins. Tout le monde a pris ces précautions et nous avons quitté l’endroit. Quelques minutes après notre éloignement, l’immeuble s’est effondré sous nos yeux », a exposé Ali Ouédraogo. A ses dires, cet immeuble qui appartient à Abdoul Ouédraogo, qu’il dit ne peut pas connaître personnellement, et qui était en phase de finition, a causé d’énormes dégâts matériels à son magasin, car une partie de celui-ci a été touchée lors de la chute.
Le R+ 4 « tremblant » construit par un entrepreneur « hors-paire »
Un autre voisin, qui a préféré garder l’anonymat, a laissé entendre que, trois jours avant, ils étaient en train de parler de cet immeuble à menace. Parfois, a-t-il dit, « on avait l’impression que l’immeuble tremblait. Rien qu’avant-hier, je parlais de cela à un mécanicien, et il a conseillé qu’on soit prudent ». A l’en croire, le jour même de l’effondrement, quand les fissures ont commencé, les ouvriers sont tous sortis. « Ils n’ignoraient pas ce qui allait se passer. Dès qu’ils sont sortis, la maison est tombée. Nous savons que ce n’est pas la faute au propriétaire. Elle est due à l’entrepreneur. Quand on regarde le sable, on voit que c’est du sable blanc, de mauvaise qualité. Il n’y a pas eu de dosage. On demande à Dieu de donner la santé à la dame qui est blessée et si on pouvait amener une machine pour vérifier s’il n’y a pas quelqu’un dedans, ce serait bien», a-t-il affirmé.
Attirer l’attention du promoteur sur les normes, seulement attirer son attention, quitte à ce que des innocents soient tués
Venu sur les lieux quelque temps après le drame, le directeur général de contrôles des opérations d’aménagements et de construction, Karim Ilboudo, a laissé entendre que le promoteur a été interpellé près de deux fois au niveau de son service. Et que c’est suite à la deuxième interpellation qu’il a répondu à la convocation. « Nous avons attiré son attention sur les normes en matière de construction qui n’ont pas été respectées et il nous avait rassurés qu’il avait pris des dispositions pour y pallier. Mais nous lui avons dit d’arrêter les travaux. C’est suite à la deuxième convocation que nous avons porté la mention « Arrêt des travaux sur le chantier ».
Un citoyen défie l’autorité, mais « l’Etat a fait son devoir »
« Malheureusement, nous avons constaté que cette mention a été effacée et que les travaux se sont poursuivis sur le terrain », a ajouté le DGCOAC. A l’en croire, leur part du devoir a été accompli, donc il appartenait à l’intéressé de suivre leurs recommandations, car « nous avons une mission sur toute l’étendue du territoire national et nous n’avons pas la certitude de suivre tous les travaux au quotidien ». Et de poursuivre en ces termes « je ne pense pas qu’on puisse accuser l’Etat parce qu’il a fait son devoir ». Ce fut le lieu pour lui d’interpeller tous les promoteurs afin qu’ils se conforment aux dispositions règlementaires en matière de construction avant d’entamer des travaux. A partir de maintenant, a-t-il averti, « nous allons passer de la phase de sensibilisation à la phase répressive, parce que chaque fois, c’est nous qui sommes interpellés, or nous avons fait notre devoir. Il faut que les gens sachent que nous voulons leur bien. Heureusement qu’il n’y a pas eu mort d’hommes comme lors de l’effondrement de Ouaga 2 000 », foi de Karim Ilboudo. Selon lui, une commission technique a été mise en place pour situer sur les responsabilités.
2 blessés sauvés par les vaillants
soldats du fou
Le commandant de la brigade nationale des sapeurs-pompiers, le lieutenant-colonel Ibrahim Compaoré, a, quant à lui, affirmé que c’est aux environs de 9h 30 qu’ils ont été interpellés sur le fait qu’un immeuble R+4 s’était effondré. A leur arrivée, a-t-il dit, ils ont fait le constat et ils ont évacué deux victimes à l’hôpital, dont l’une était consciente et l’autre inconsciente. La première victime est, selon ses dires, une habitante voisine de l’immeuble et l’autre un ouvrier, mais qui ne travaillait pas sur le chantier ce jour-là. Ils ont également vérifié le nombre des ouvriers qui étaient sur le chantier, de même que dans le voisinage. Ils ont demandé au propriétaire d’enlever les tôles qui peuvent constituer des risques pour les voisins. Avec l’attroupement des citadins sur la voie pour constater les faits, il a affirmé qu’ils ont fait appel au génie militaire afin qu’il dégage la voie pour rendre la circulation fluide. Au regard de l’ampleur du drame, l’ensemble des quatre centres de secours a été mobilisé.
La promptitude des autorités pour dire : « Ce n’est pas beau, ce n’est pas bien »
Le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Yacouba Barry, venu sitôt après le drame, a déploré ce qui s’est passé, bien qu’il pense qu’il est prématuré de se prononcer sans que tous les éléments ne soient réunis. « Je ne peux pas, à cette étape, m’exprimer. Mais, je déplore ce qui est arrivé. Heureusement qu’il n’y a pas eu de décès. Ce n’est pas beau, ce n’est pas bien. C’est ce qu’on s’évertue à dire aux gens, quand on construit un bâtiment, cela peut être aussi dangereux, donc il faut respecter toute la réglementation, a-t-il dit. A ses dires, une enquête sera menée d’ici peu. Idem pour le maire de Ouagadougou, Marin Casimir Ilboudo, qui était également présent sur les lieux. Quand notre équipe de rédaction quittait les lieux aux alentours de 13h, les sapeurs-pompiers étaient à l’ouvre .