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Le Quotidien N° 1089 du 16/6/2014

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Résultat de l’autopsie du corps du juge Nébié : le procureur général et le médecin légiste sur des lignes différentes
Publié le lundi 16 juin 2014   |  Le Quotidien


Salifou
© Autre presse par DR
Salifou Nébié, magistrat, membre du Conseil constitutionnel


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Ainsi donc, le juge constitutionnel, Salifou Nébié, retrouvé mort dans la nuit du 24 mai dernier, serait « mort des suites d’un accident ». C’est la conclusion à laquelle est parvenu le médecin légiste français, après ses expertises. L’information a été rendue publique par notre confrère Jeune Afrique pour qui, « le médecin légiste français, Stéphane Chochois, a conclu que le juge constitutionnel est décédé des suites d’un accident de la circulation, avec percussion violente par un engin indéterminé ». Selon donc le rapport d’autopsie dont Jeune Afrique a eu copie, le médecin légiste « affirme que des traces d’impact d’un quelconque objet contondant sur la tête, des signes d’empoignade ou de défense sur les zones classiques anatomiques où elles sont recherchées ou encore d’utilisation d’arme blanche n’ont pas été retrouvés sur la dépouille mortelle de Salifou Nébié ».

Dans ce contexte, poursuit le médecin légiste, « l’intervention directe d’un tiers dans le déterminisme des causes de la mort peut être définitivement éliminée (...) Les lésions que présente le corps de Salifou Nébié sont, par contre, compatibles avec un accident routier (piéton renversé) par un engin de forte inertie (type camion ou gros véhicule) ». Enfin, le médecin légiste précise que des traces « d’alcoolisation aigüe » ont été relevées sur le cadavre. N’est-ce pas là donc une conclusion d’une expertise fort de café aux yeux d’une certaine opinion qui, sans doute, n’entendrait pas cela de cette oreille ? Comme par effraction, ou en tout cas pour le moins en catimini, alors que les esprits sont tournés vers la coupe du monde au Brésil, voilà qu’on dit que le juge aurait été tué lors « d’un accident et dans un état d’ébriété ». Manifestement, l’expert vient de nous remettre à une situation que même le parquet ouagalais avait franchie. Le procureur, après ses constats, avait avancé la thèse de « l’homicide volontaire ». Il semble que nous en sommes à présent loin! En effet, le procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou, Wenceslas Ilboudo, au cours de sa deuxième sortie publique sur cette affaire, avait indiqué que les premiers pas de l’enquête ont amené les enquêteurs à conclure qu’il s’agit d’un « homicide volontaire ». « Quand on parcourt ce rapport (Ndlr : celui des premières enquêtes), on peut se dire qu’on est en présence d’indices précis et concordants d’homicide volontaire », foi du procureur. Sans donc être des spécialistes en la matière, il sied de noter qu’entre « homicide volontaire » et « accident routier », il y a quand même un fossé. En pesant nos mots, nous osons croire qu’il y a quelqu’un qui ne dit pas la vérité. Et ces contradictions dans l’évolution de l’enquête risquent de déchainer les passions, dans un contexte politique très délétère. C’est vrai que les expertises devant les juridictions n’ont pas force de loi et qu’en l’occurrence le parquet peut faire fi des conclusions du médecin blanc, mais des questions méritent d’être posées.

Car, l’impression qui se dégage, c’est comme par hasard, il y a beaucoup d’événements assimilables à de la provocation, comme si quelque part, c’est le pouvoir qui serait lui-même, en quête de la chienlit, pour des raisons dont lui seul sait. Au demeurant, il faut rappeler qu’avant même les résultats, le doute avait déjà gagné du terrain sur ce qui nous sera fourni depuis l’hexagone. Pire, les révélations du syndicat des médecins sur les tenants et les aboutissants de la présence du médecin légiste français à Ouagadougou en disent long sur un nombre de non-dits sur cette intervention. Sans donc être des oiseaux des mauvais augure, l’on peut s’attendre à une réaction de désapprobation à l’issue incertaine dans les prochains jours. Car, les conditions dans lesquelles le corps du juge a été retrouvé, semblent être loin d’un accident.
En effet, il a été atrocement assassiné. Les premières constatations sur son corps en attestent : orteil presque décollée, lunettes retrouvées non loin du corps, gondolées avec une lentille sortie de son cadre, le bracelet argent qu’il portait au poignet était aussi tordu, des blessures au niveau des bras et des coudes, présence de saignées par les oreilles et les yeux. On n’a retrouvé aucune trace de sang dans son véhicule. Une description qui fait croire à une lutte âpre entre la victime et ses bourreaux. Ce genre de circonstances de mort, indiquent certains spécialistes, est soit politique, soit mafieux. Et si on se fie aux thèses selon lesquelles le juge avait une vie rangée, donc pas d’ennemis sérieux et que ses bourreaux n’auraient rien emporté après leur forfait, on pourrait alors conclure à un assassinat politique. Faut-il alors une contre-expertise comme l’avait déjà annoncé certains au cas où les résultats du Français seraient contestés ? Autopsie ou pas, la justice est beaucoup attendue sur ce dossier. Il faut trouver les auteurs de ce crime le plus rapidement possible au risque de voir les vannes d’une fronde sociale d’une grande envergure s’ouvrir. Pour cela, la justice doit se hâter. Certes, elle a besoin de temps pour élucider ce meurtre, mais l’expérience a montré que le temps a toujours joué en défaveur de la vérité en ce qui concerne les crimes politiques et économiques .

La Rédaction

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