Telle une fiction à suspense, la crise au Nord-Mali, malheureusement n’en finit pas avec ses revirements. Alors que, l’expédition punitive contre les barbus qui écument le Nord malien se précisait de jour en jour, et que les réunions des chefs d’état-major militaire de la CEDEAO se succédaient, l’intervention militaire au Nord semble désormais être renvoyée aux calendes grecques si on en croit l’ex-président du Conseil italien et envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Sahel, Romano Prodi. S’appuyant sur l’avis d’experts, Romano Prodi a affirmé au cours d’une conférence de presse, le mardi 20 novembre dernier, à Rabat, « qu’une action militaire dans le Nord du Mali ne sera possible qu’en septembre 2013 ». Selon l’envoyé spécial de l’ONU au Sahel, c’est la négociation qui sera privilégiée. Comment peut-on interpréter ce nouveau rebondissement ? Pour sûr, ce n’est pas demain la veille pour une sortie de crise au Nord-Mali.
Si la CEDEAO qui avait déjà bandé les muscles et était prête à en découdre avec les groupes islamistes est désormais obligée de temporiser, de nombreuses interrogations subsistent quant à ce qui apparait comme un retour en arrière. Après maints et maints conciliabules et malgré la volonté manifeste de la CEDEAO de bannir les groupes islamistes, le dernier mot est revenu à la communauté internationale pour ne pas dire à l’ONU. Si la déclaration de l’envoyé spécial de l’ONU semble avoir refroidi les ardeurs des uns et des autres, le médiateur quant à lui ne manquera pas de se réjouir de la position de l’ONU. Donc, grand ouf de soulagement pour Ansar Dine, l’Algérie et surtout pour le médiateur qui a un sursis et un impératif à réussir cette médiation qui lui tient à cœur. A y voir de près, le souhait des Nations unies d’ouvrir les hostilités n’est pas fortuite et plusieurs facteurs doivent être pris en compte. Primo, malgré la volonté farouche de la CEDEAO d’intervenir militairement dans le septentrion malien et ce, avec un soutien logistique de la communauté internationale, il est opportun de s’interroger sur la puissance de frappe des Ouest-africains. Ont-ils réellement les moyens de déloger les islamistes de leur cocon sahélien ? Et cela même avec l’aide logistique que promet la communauté internationale.
Sont-ils en nombre ? Sont-ils assez entrainés ou ont-ils une certaine expérience pour ce type d’interventions qui, plus a pour théâtre, le désert saharien ? N’est-il pas aussi nécessaire qu’il y ait une coordination et une synergie d’action entre les troupes de la CEDEAO et les experts de la communauté internationale ? Autant de questions qui donnent matière à réfléchir. Le sursis concédé par l’ONU sans doute permettra de peaufiner la meilleure approche pour débusquer AQMI, le MUJAO et autres groupes salafistes. Décision sage et mûrie, quand on sait que pour toute intervention militaire, il faut une préparation minutieuse et une parfaite connaissance du terrain, chose que l’ONU visiblement ne veut pas négliger. S’il faut saluer cette clairvoyance de l’ONU, il faut également s’interroger sur l’opportunité d’une telle annonce qui ne fait que conforter et réjouir les groupes islamistes dans leur position. N’aurait-il pas été judicieux pour la communauté internationale de continuer à maintenir la pression et toujours brandir la menace d’intervention tout en peaufinant sa stratégie de reconquête tout en retardant l’échéance, car c’est un leurre de penser qu’une négociation pourrait débarrasser la bande sahélo-saharienne de ces fous d’Allah. A tout le moins, on pourrait arriver à convaincre une partie minoritaire de ces barbus, mais à croire que les salafistes jusqu’au « boutistes » vont abandonner le Sahara sans un dernier baroud d’honneur, c’est se mettre le doigt dans l’œil. Du reste de quelles garanties la communauté internationale dispose-t-elle qu’Ansar Dine respecterait la parole donnée. Cette échéance calendaire que propose l’ONU ne donnera-t-elle pas l’opportunité aux islamistes de recevoir du renfort ? Chose qui rendra la tâche plus ardue