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Sidwaya N° 7301 du 22/11/2012

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Orpaillage à Legmoin : Les habitants d’Opor-Badouor réclament 15 millions FCFA à la mairie
Publié le jeudi 22 novembre 2012   |  Sidwaya




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Opor-Badouor, un village situé à 4 km de la commune rurale de Legmoin dans la province du Noumbiel n’a pas été exempté de l’exploitation anarchique de l’or. Objet de convoitise, la commune de Legmoin a accueilli en mars 2011, un nombre impressionnant d’individus venus à la recherche du précieux métal « jaune ». Du coup, un certain nombre de problèmes sociaux s’est posé avec acuité dans la commune. Parmi lesquels, la confiscation de terrains qui servaient de champs, la déforestation, la pollution des eaux, la dégradation de l’environnement. A cela s’ajoutent les échauffourées avec comme point d’achoppement une affaire de « quinze millions FCFA » qui oppose la mairie et les propriétaires terriens.

Un pan de forêt défriché sur plusieurs mètres, des trous abandonnés à multiples endroits, des dépôts de terre, tel est le spectacle que laisse voir le site d’orpaillage d’Opor-Badouor, jadis érigé en forêt classée en 2000. Ce constat vient rappeler que le lieu a connu une forte activité humaine à une certaine période. Après le passage des chercheurs d’or, le paysage a été laissé à lui-même. Comment est-on arrivé à cette situation de désolation ? L’orpaillage traditionnel certainement. Sur le site, on rencontre quelques orpailleurs (très jeune à vu d’œil), venus eux-aussi à la recherche du précieux métal. Mais, ils n’y trouveront que des trous béants ne contenant plus grand-chose, les premiers occupants ayant tout « récolté ».

Selon notre guide, Maxime Tibo Da, après avoir exploité le site, les orpailleurs ont convergé vers d’autres lieux où ils espèrent trouver beaucoup plus d’or. Où pense-t-il qu’ils sont allés ? « Certains sont partis à Koulé sur la route de Batié ou à Gbonblora sur l’axe Gaoua-Legmoin et d’autres sont retournés sur le site de Opor-Kakalpouor », confie-t-il. En effet, sur le site d’Opor-Kakalpouor (situé à environ 2km du site d’Opor-Tankoli), c’est une communauté d’individus qu’on y rencontre, tel un camp de refugiés. C’est de ce lieu que certains orpailleurs ont convergé vers le site d’Opor-Badouor. A Opor-Badouor, localité située à quelques encablures de la commune rurale de Legmoin dans la province du Noumbiel, lorsque le visiteur arrive, le village est très calme. Mais derrière cette tranquillité apparente, se cachent des populations amères, ne sachant plus à qui s’adresser pour trouver une issue à leur problème. A entendre le chef du village, Dabouo Somé, il semble résigné, préférant se confier à Dieu afin qu’il leur vienne en aide. Pourquoi cette amertume ? Une histoire de terres et de « sous » qui a créé la tension entre d’une part les “Oporiens” (les habitants d’Opor-Badouor) et les orpailleurs et d’autre part, entre les oporiens et les autorités communales. Que s’est-il passé ? Selon Augustin Somé, natif d’Opor-Badouor, les populations de la localité avaient réalisé un bosquet. Elles l’ont entretenu et en a fait en 2000, une forêt classée avec l’appui de la mairie. Mais en mars 2011, des orpailleurs qui exploitaient l’or à Opor-Kakalpouor ont investi le site d’Opor-Tankoli (le site de la forêt) sans autorisation préalable des villageois. Face à cet afflux, les Oporiens ont opposé un refus catégorique arguant le fait que le lieu était une forêt classée. « C’était légitime car les orpailleurs avaient investi une zone protégée et classée… », confie Jules Omer Da, proviseur du Lycée départemental de Legmoin. Il ajoute que le déferlement d’orpailleurs dans la forêt classée a entrainé des échauffourées entre ceux-ci et les villageois en mai 2011. « Il a fallu faire venir des CRS pour éviter des affrontements », dixit M. Somé

Où est passé « Le mandat de Sembène Ousmane » ?

Selon Augustin Somé, au début, les orpailleurs étaient estimés à 17 000 personnes, dépassant du coup, les habitants de Legmoin. « Je suis allé à Opor et j’ai constaté que le nombre des orpailleurs était supérieur à la population autochtone », raconte Dieudonné Somé, agriculteur à Legmoin. De l’avis de Augustin Somé, la mairie de Legmoin aurait soutenu les Oporiens au début en affirmant qu’il fallait empêcher les orpailleurs de s’installer. Avant de souligner qu’après celle-ci est venue leur dire qu’il y a eu une entente et que les orpailleurs devaient s’installer moyennant 15 millions FCFA. « Les populations ont fait savoir à la mairie qu’elle ne pouvait pas vendre leur terre sans leur avis. Et que si tel était le cas, les 15 millions devraient leur revenir », rapporte Augustin Somé. Approché, le chef du village de Opor-Badouor, Dabouo Somé a dans ses explications affirmé que la vente de la forêt classée (4ha sur un total de 20ha) a eu lieu au moment où il était en déplacement. Il signale qu’il n’aurait jamais accepté la vente des terres s’il avait été présent.

Où sont passés les 15 millions FCFA promis par les orpailleurs aux populations d’Opor-Badouor ? Après les mésententes sur la vente, l’autre pomme de discorde sera la question des « sous » que les orpailleurs auraient remis au maire de Legmoin, Dari Somé et qui étaient destinés aux Oporiens. « Après la vente, il y a eu l’histoire des 15 millions FCFA que moi j’appelle le mandat de Sembène Ousmane : tout le monde en a entendu parler mais on ne s’est pas où s’est passé », indique l’agriculteur, Dieudonné Somé. Pour Augustin Somé, les populations ne voyant pas leur « fric », avaient décidé d’aller s’attaquer à la mairie. Une option qui, finalement, est abandonnée. Par ailleurs, au mois de juillet 2012, les chefs de terre d’Opor auraient tenté de rencontrer le maire en vain. Les orpailleurs ont-ils vraiment remis de l’argent à la mairie ? Si oui combien ? Abdou-Matinoa Guiro, représentant le « permis d’exploitation Salma », dit n’avoir pas été présent au moment de l’affaire d’Opor.

Celui-ci préfère donc ne pas s’exprimer sur la situation. En outre, selon une source très proche de la mairie de Legmoin, les propos faisant état de la vente des 4 ha de forêt à 15 millions FCFA n’est tout autre que de la poudre aux yeux. « La forêt classée a été vendu par la mairie aux orpailleurs à cent millions FCFA. 15 millions FCFA devant être remis aux populations d’Opor-Badouor à titre de compensation », affirme notre source qui a requis l’anonymat. Et d’ajouter qu’à l’heure actuelle, personne ne connait la destination des 75 millions FCFA restants. Selon la même source, les 15 millions des Oporiens auraient été déposés au trésor à Batié par la mairie de Legmoin. La forêt classée a-t-elle été vendue à cent millions FCFA ? Pourquoi la mairie n’a pas remis la part des Oporiens ? Toutes les tentatives pour rencontrer le maire, Dari Somé afin d’entendre sa version sur toute cette histoire ont échoué. Celui-ci arguant que la période était mal choisie pour qu’il s’exprime sur cette affaire.

Déforestation et dégradation de l’environnement

Au-delà de cette affaire de « sous », l’orpaillage a entrainé la dégradation de l’environnement à Opor. De l’avis de Dieudonné Somé, en plus du fait que la route d’Opor est complètement dégradée alors qu’elle ne date pas de 5 ans, le village a changé en mal. « Quelque chose de palpable que cet afflux aurait laissé, je n’ai pas vu. Les forages sont surexploités, l’environnement dégradé et les petites rivières sont ensablées. Et les gens utilisent des produits très toxiques (cyanure, mercure) », a-t-il fait savoir. Il ajoute que si les orpailleurs brassent autant d’argent, le minimum aurait été de construire une infrastructure telle une maternité ou un hôpital. A cet effet, selon notre guide Maxime Somé, la mairie après avoir réceptionné l’argent versé par les orpailleurs, avait promis aux Oporiens de leur construire une maison des jeunes mais rien n’a été fait. Des élèves de la localité, confie-t-il, sont en train d’abandonner l’école pour les sites d’orpaillage. A Koulé (sur la route de Batié), Dieudonné Somé affirme y avoir retrouvé pendant les grandes vacances, près de 40% des élèves du lycée de Legmoin et déclare craindre que ces derniers ne reprennent pas le chemin de l’école à la rentrée 2012-2013. « Des enfants de moins de 15 ans qui se retrouvent avec une brindille d’or qu’ils revendent à 1500 ou 2000 FCFA, comment voulez-vous qu’ils retournent à l’école ? », se demande-t-il. Amagnan Robert Somé, instituteur à l’école primaire de Legmoin soutient qu’à Koulé, avant les vacances, des élèves étaient allés sur le site. Selon lui, l’orpaillage n’est pas bénéfique car il n’a rien vu de concret, pis le coût de la vie a « grimpé ». Il renchérit en affirmant qu’à Legmoin, on a déversé des produits toxiques dans le marigot qui traverse les six villages de la commune, à tel enseigne que l’eau est devenue rougeâtre. « A un moment, on nous a dit que des singes mourraient dans un village : Boyancho », confie Robert Somé. Ont-ils saisi la mairie face à cette pollution des eaux ? Il soutient que c’est difficile vu que la mairie ne communique pas assez. Avec l’arrivée de l’orpaillage à Legmoin et ses environs, la famille dans cette localité a pris un coup. Selon Olivier Da, aucun chef de famille n’a aujourd’hui de l’autorité sur sa femme ni sur ses enfants. A ce sujet, notre guide confie que de retour de Dano où il a suivi une formation, il a constaté que son épouse avait quitté le domicile conjugal pour un site d’orpaillage. « Jusqu’à l’heure où je vous parle, elle n’est pas rentrée et je ne sais même pas dans quel site elle se trouve », affirme-t-il.

Organiser l’orpaillage traditionnel

Jules Omer Da, proviseur du Lycée départemental de Legmoin estime que l’orpaillage traditionnel pose pas mal de problèmes car les gens débarquent de partout, « même si on est tous Burkinabè, cela pose un problème ». Et d’ajouter que le contrôle est difficile sur les sites car c’est une activité informelle. « Il faut songer à une exploitation semi-mécanisée pour éviter les déperditions scolaires », suggère-t-il. Dans le même ordre d’idées, Augustin Somé estime que le problème d’orpaillage est délicat et « il revient au gouvernement de réglementer le secteur au même titre que l’agriculture ou bien d’autres secteurs car il nourrit des populations entières ». A ce propos, le Haut-commissaire du Noumbiel, Raphael Kaboré, reconnait que l’orpaillage est devenu une histoire de recherche de gain car les populations se disent qu’à travers l’or elles peuvent lutter contre la pauvreté. « Nous sommes conscients du problème de l’orpaillage traditionnel mais nous restons désarmé car il se pose la problématique de l’emploi », reconnait le haut commissaire. Il explique que les conséquences de l’orpaillage dans le Sud-Ouest a fait l’objet d’une réflexion les 26 et 27 avril 2012. « A l’issue de la rencontre, des recommandations ont été formulées et transmises au ministère en charge des Mines. On espère qu’elles seront prises en compte dans une éventuelle relecture du code minier », affirme-t-il. Par ailleurs, M. Kaboré souligne que des mesures sont prises pour minimiser les risques sur les sites pour ce qui est du Sud-Ouest. A l’approche de l’hivernage, le ministère en charge des mines fait sortir un arrêté pour la suspension des activités d’orpaillage (1er juin au 31 octobre) afin d’éviter que les gens ne se retrouvent dans les puits aurifères et qu’il y ait des éboulements avec des morts de personnes, indique M. Kaboré. Il signale que les différents responsables de site officiels ou clandestins sont sensibilisés sur la question. Cette mesure est-elle respectée par les responsables de sites ? Si pour le haut commissaire du Noumbiel, elle est respectée, l’équipe de reportage au cours de son passage sur les sites de Opor-Kakalpouor, Koulé et à Konkéra (situé à 15 km de Batié) a constaté que cette mesure est violée. Interrogés, certains orpailleurs disent être au courant de la mesure mais d’autres affirment le contraire.

Savent-ils qu’il y a des risques d’éboulement en saison hivernale ? La majorité des orpailleurs dit le savoir et elle évite d’entrer dans les trous mais bon nombre estime qu’il n’y a pas de mauvais moment, toutes les périodes étant propices à la recherche de l’or. Mais en attendant à Opor, les populations ne sachant que faire pour entrer en possession de leur dû, ruminent leur colère en silence en espérant que le ciel leur viendra en aide.

Souleymane KANAZOE
Kanazoe.souleymane@yahoo.fr

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