L’autopsie du juge Salifou Nébié aurait été impossible à réaliser sans l’arrivée d’un médecin légiste français. C’est le triste constat que l’on doit malheureusement faire: le Burkina ne dispose pas des moyens techniques et humains pour poser un acte médical capital, voire indispensable à la justice. C’est vrai qu’au regard de son caractère délicat, l’autopsie ne doit pas attirer beaucoup d’étudiants en médecine. Car il s’agit de l’examen médical d’un cadavre. Et en Afrique, même les scientifiques sont rattrapés par leur culture qui les amène à avoir un rapport particulier avec le mort. Par ailleurs, et selon les statistiques, la pratique de l’autopsie serait en diminution dans nombre de pays développés. Des raisons qui font que, sans doute, le Burkina n’accorde pas le plus grand intérêt à cette science médicale. N’empêche, qu’il est du devoir de l’Etat d’avoir une politique incitative envers ces métiers apparemment peu attrayants, peu développés mais très cruciaux. L’importance d’un acte comme l’autopsie dans une enquête judiciaire est donnée par le site Wikipédia, par cette définition : L’autopsie médico-légale est un examen obligatoire mis en œuvre dans un cadre judiciaire à la demande d’un juge d’instruction ou du procureur de la République qui commet un ou plusieurs spécialistes de médecine légale pour une série d’examens, recherchant la cause d’une mort a priori considérée comme suspecte.» Tout est dit. Il s’agit donc d’une opération essentielle qui ne peut être confiée au premier venu. Certes, elle ne se fait pas tous les jours. Mais quand la nécessité se pose de la pratiquer, on n’a pas le choix. Surtout que pour l’opinion (et parfois la famille de la victime), il s’agit d’un passage obligé vers la vérité et la justice. Une raison de plus pour que le Burkina dispose d’une expertise en la matière, avec des médecins à la probité irréprochable. Le Burkina a eu de par le passé une mauvaise expérience avec l’affaire Thomas Sankara, qu’il ne faut plus répéter. Le peuple n’est pas prêt à l’accepter. Dans un contexte sociopolitique tendu comme le nôtre, tout faux pas et tout manquement dans la procédure judiciaire peuvent être lourdes de conséquences. Les regards sont donc tournés vers le médecin légiste français et vers les autorités judiciaires à qui son rapport sera mis.
Au-delà du problème que pose la pratique de l’autopsie (un policier assassiné par un fou dit-on, n’a pas pu être autopsié), le Burkina a des déficiences graves en matière de santé publique. Les autorités mettent la priorité sur d’autres choses alors que l’essentiel est abandonné. Ce qui est valable pour les actes pointus comme l’autopsie, l’est aussi pour d’autres types d’interventions, parfois moins spécialisées. Cela pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi les évacuations médicales vers des pays étrangers continuent d’être systématiques pour certaines pathologies. En tout cas, si la santé est un critère de développement, le Burkina est encore très loin du compte. Cette situation de dépendance médicale encore trop grande, plus de 50 ans après notre accès à la souveraineté internationale, est inacceptable. Même si des avancées ont été constatées, les insuffisances sont encore trop criardes. On voit que même la santé de base n’est pas encore à un niveau satisfaisant. Beaucoup de Burkinabè se soignent mal, sinon pas du tout, soit par manque d’infrastructures sanitaires adéquates, soit par pauvreté. Le mouvement le Balai citoyen, en organisant un sit-in devant l’hôpital de Bobo-Dioulasso qui agonise, a rappelé comment notre de système de santé était défaillant.
En attendant que ces difficultés soient aplanies, il y a une urgence, l’autopsie du juge Salifou Nébié. C’est une étape cruciale dans la recherche de la vérité, mais aussi un élément vital du baromètre social .