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Le Pays N° 5619 du 5/6/2014

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Education au Burkina: « l’évaluation peut-elle être responsable des échecs scolaires? »
Publié le jeudi 5 juin 2014   |  Le Pays


Rentrée
© aOuaga.com par A.O
Rentrée scolaire : le maire de l`arrondissement 9 de Ouaga sur le terrain
Mardi 1er octobre 2013. Ouagadougou. Le maire de l`arrondissement 9, Constant Lamoussa Ouédraogo, a effectué une tournée dans les écoles de son ressort pour voir comment se déroule la rentrée des classes


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Les auteurs du point de vue ci-dessous font un diagnostic sans complaisance du système éducatif burkinabè. Au regard des échecs scolaires, ils se demandent si l’évaluation n’y est pas pour quelque chose. Lisez !

On constate des taux d’échec massifs et récurrents des élèves dans les examens nationaux organisés dans les pays d’Afrique et notamment au Burkina Faso. Comment peut-on expliquer ces échecs? Parmi les causes possibles, on peut s’interroger sur la part jouée par les modes d’évaluation des apprentissages. Les épreuves d’évaluation sont-elles valides? Sont-elles fidèles? En analysant les sujets du BEPC et du BAC, à travers des tableaux de spécification, cet article aboutit à la conclusion que les élèves sont livrés à la loterie au moment des examens, ce qui explique en partie leur échec.

Le stylo rouge de l’enseignant a la couleur du sang

On le sait, l’hôpital soigne ses faibles, l’école assassine les siens! En effet, les malades les plus atteints font l’objet de soins intensifs, et certains trouvent un soulagement ou même la guérison à l’hôpital. Les médecins les plus qualifiés s’occupent des malades les plus atteints. Quant à l’école, elle fonctionne dans l’autre sens : elle hait ses faibles, elle les tue. Le stylo rouge de l’enseignant n’a-t-il pas la couleur du sang? Dans bien des cas, il sert à tuer, physiquement, et le plus souvent socialement.

Les systèmes éducatifs hérités de la colonisation sont restés inégalitaires

L’échec individuel après formation n’est pas dans les traditions africaines, ces sociétés étant plutôt des sociétés solidaires, permettant à la veuve, à l’orphelin, au handicapé, au défavorisé de manière générale, de s’accrocher au tissu social suffisamment dense pour limiter les chutes individuelles. La réussite de tous était préférée à celle des individus. Certains de nos intellectuels ont pu d’ailleurs parler, à cet effet, de socialisme africain (Nyéréré, 1976 ; Senghor, etc.). Puis vint la colonisation et, avec elle, un système éducatif qui met l’accent sur la compétition individuelle, la valorisation outrancière du succès personnel. L’école que l’Afrique a reçue du colonisateur est arrivée en ayant déjà ses traditions de sélection et de rejet.

Dès ses débuts, cette école fut une école élitiste, participant de la politique coloniale avec ses inégalités, ses laissés-pour-compte, ses injustices; elle éleva volontairement les individus au détriment du groupe social. Au lendemain des indépendances, les pouvoirs africains n’ont pas pu ou su corriger le tir ; le système éducatif est resté inégalitaire, faisant de l’échec un principe de fonctionnement, malgré les politiques éducatives plus ou moins volontaristes des années 70 en faveur d’une école démocratique (Valléan, 1989).

Pour le monde, l’échec scolaire demeure à la fois un problème et un défi. Pour l’Afrique, surtout au Sud du Sahara, l’échec est même une honte ; les chiffres sont alarmants quand on considère les exemples du Burkina Faso.
L’année scolaire 2011-2012 aura enregistré le plus fort taux de réussite jamais atteint. Celle de 2013 s’est distinguée par un taux de succès bas (22,56) qui suscite quelques interrogations.
La lecture de ce tableau montre que, depuis environ 10 ans, les résultats au BAC n’ont jamais atteint 45% ; c’est donc plus de la moitié des candidats qui y échouent.
Comment peut-on expliquer de tels résultats qui, à l’évidence, sont peu honorables? Pourquoi la majorité des élèves échouent-ils aux examens nationaux? Parmi les explications possibles, le mode d’évaluation des apprentissages est responsable, dans une large mesure, des échecs constatés en partant de l’idée que les épreuves administrées ne respectent ni le principe de validité de contenu ni celui de la fidélité.

Des épreuves d’examens qui ne favorisent pas la réussite des candidats

On dit d’une épreuve d’examen qu’elle est valide quand elle mesure bien ce qu’elle prétend mesurer. Dans cette hypothèse, on pose qu’une évaluation peut se tromper de contenu et n’évaluer qu’une infime partie du contenu ou même autre chose que ce qui est enseigné.

On dira qu’une épreuve est fidèle quand celle-ci donne des résultats indépendants de l’évaluateur ou du moment de l’évaluation.

Pour les besoins de notre recherche, nous avons travaillé sur le BEPC et le BAC et notre analyse a porté essentiellement sur l’appréciation de la validité de certaines épreuves et de la fiabilité des items qui les composent. Les principaux enseignements que l’on peut tirer des différentes analyses peuvent se résumer en trois points :

1- Un comportement erratique des épreuves

On peut penser que le fait de proposer deux sujets au choix (comme c’est le cas en SVT et en Histoire-Géographie) relève d’une volonté de donner plus de chances aux candidats; un élève qui verrait que le premier sujet est moins accessible pourrait trouver son compte dans le second. Mais ce principe met à mal une des valeurs cardinales de l’évaluation qu’est l’égalité car aucun travail n’est fait pour proposer deux épreuves équivalentes à tout point de vue. En effet, l’on se rend compte à l’analyse que, bien des fois, les deux épreuves portent sur les mêmes parties du programme (épreuves de SVT du baccalauréat 2013, série D). Au total, on constate que des contenus sont surévalués, sous-évalués ou non évalués au cours de ces deux examens nationaux. Ce comportement erratique des épreuvesn’est pas sans conséquences sur les résultats comme en témoignent les écarts démesurés des taux de succès d’une année à une autre (30,6% en 2011, 52,3 % en 2012 et 22,6% en 2013 au BEPC). Entre deux sessions du BEPC, on a une même génération d’élèves, deux cohortes très voisines et on peut admettre que les conditions environnementales de tous ces élèves n’ont pas radicalement et brusquement changé en l’espace d’une année. On ne peut donc pas raisonnablement arguer que l’écart de près de 20 et 30 points de pourcentage entre les résultats de deux sessions est exclusivement dû à une différence de capacité intellectuelle des deux cohortes.

Il s’agit là d’épreuves qui souffrent visiblement d’une insuffisance marquée par un manque de validité de contenu; ce sont des épreuves régulièrement déséquilibrées relativement aux contenus des disciplines.

2- Des facteurs qui affectent la fiabilité des résultats

De nombreux facteurs se conjuguent pour affecter significativement la fiabilité des résultats à ces examens.

Un des facteurs est l’absence de transparence dans certaines épreuves. Par exemple, l’épreuve de Sciences physiques du baccalauréat série D de la session de 2013 avec deux exercices de Chimie et trois de Physique ne propose aucun barème aux candidats; l’apprenant doit traiter les questions sans savoir les cotes qui lui sont attribuées, donc sans aucun repère quant à l’importance relative (accordée par les auteurs) à accorder aux notions évoquées par l’épreuve afin de mieux répartir ses efforts. Il s’agit là de la violation d’une des valeurs instrumentales de l’évaluation qu’est la transparence dont doit faire preuve tout instrument de mesure.
Cette transparence reste également partielle en Mathématiques où seuls les exercices et le problème sont affectés de cotes globales sans aucun détail au niveau des questions (BAC D, sessions de 2012 et de 2013). Cette observation vaut également pour les épreuves d’Histoire-Géographie au BEPC (session de 2011, 2012 et 2013). Un deuxième facteur est le manque de précision des consignes et des énoncés. Une discipline en discordance avec la clarté des consignes est l’Histoire-Géographie ; cette épreuve comporte au BEPC deux parties distinctes, l’histoire et la géographie, d’égale importance au plan de la cotation. La constante des épreuves des trois dernières années reste l’absence d’indication sur la taille de la production des candidats, que ce soit des questions ouvertes à réponse courte ou à réponse très élaborée.

3- Des épreuves d’une fidélité fragile

Si dans certaines disciplines comme les Mathématiques, les SVT et les Sciences physiques, le nombre d’items dépasse souvent la vingtaine. En Histoire-Géographie, on retrouve six ou sept items par épreuve ; cela présente à l’évidence deux inconvénients, à savoir que, premièrement, un nombre réduit d’items contribue à accroître les risques de moins bien représenter l’univers des compétences visées par le programme, et deuxièmement, cela influence négativement la fidélité de l’épreuve. Lorsqu’il y a peu d’items dans une épreuve, le risque est grand que la fidélité en souffre et si certains items sont de mauvaise qualité, cela ne fait qu’affaiblir leur utilité et l’on peut douter de la pertinence des résultats qu’elle renvoie. Aucune disposition n’est prise par les structures qui organisent les examens, permettant de vérifier ou de s’assurer que les items des épreuves sont équitables et de difficulté comparable entre deux épreuves d’une même session ou d’une session à l’autre.

En guise de conclusion, nous dirons que l’échec scolaire dans les pays d’Afrique est massif. Mais est-ce une fatalité? Cet article veut montrer, à travers l’analyse des épreuves proposées au BEPC et au BAC, que les évaluations des apprentissages livrent les élèves à la loterie et à l’incertitude. En effet, les épreuves proposées évaluent mal ce qu’elles prétendent évaluer, dès lors que les sujets ne couvrent qu’une infime partie des contenus enseignés. Nous avons ainsi conclu que les sujets considérés ne sont pas valides. De même, les performances obtenues par les candidats sont loin d’être objectives ; celles-ci dépendent des correcteurs et les sujets des examens considérés ne sont pas fidèles. A tous points de vue, il y a un problème lié à l’élaboration des épreuves. Une formation des enseignants dans ce domaine doit permettre d’aller vers des résultats plus acceptables et éviterait au système éducatif de demeurer dans une culture de l’échec et de gaspillage des ressources pour des pays qui, justement, en possèdent peu. L’échec scolaire n’est-il pas un luxe pour des pays pauvres ?

Prof T. Félix VALEAN
Université de Koudougou
Prosper BAMBARA
Emmanuel SAWADOGO

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