Le Syndicat burkinabè des magistrats (SBM) se prononce dans cette déclaration, sur la mort atroce et suspecte du juge Salifou Nébié et appelle le gouvernement à tout mettre en œuvre pour élucider cette affaire.
Le dimanche 25 mai 2014, nous apprenions, avec consternation, la mort de monsieur NEBIE Salifou, magistrat, membre du Conseil constitutionnel. Le même jour, au journal de 13 heures 15 minutes de la RTB télé, le Procureur Général près la Cour d’appel de Ouagadougou confirmait l’information. Du communiqué publié aussi le même jour il ressort que le samedi 24 mai 2014 aux environs de 20 heures 19 minutes, la Brigade Territoriale de Gendarmerie de Saponé a été informée qu’une personne se trouvait allongée sur la bretelle de la route Départementale n° 39 (la bretelle qui donne accès au centre-ville de Saponé).
S’étant transportés immédiatement sur les lieux, situés à environ 500 mètres du carrefour, les gendarmes ont constaté effectivement la présence d’une personne au milieu de la chaussée et d’un véhicule de type tout terrain 4x4 immobilisé à environ 100 mètres plus loin. Après vérification et suite aux premières constatations, il s’est avéré que le corps était celui de monsieur Salifou NEBIE, membre du Conseil constitutionnel, et que la mort était suspecte.
Il ressort du même communiqué qu’une enquête devrait permettre de déterminer les circonstances précises de cette mort et, éventuellement, d’en rechercher le ou les auteur (s) en cas de crime. Si pour l’heure, les circonstances exactes du décès ne sont pas connues, il semble que le corps présentait des blessures, qui ont laissé penser, dans certains milieux, que le regretté aurait été battu à mort et, dans d'autres, qu’il serait tombé dans un guet-apens. Homicide ? assassinat ? crime d’Etat ? accident ? agression ? etc. ? Les interrogations sont multiples et attendent toutes des réponses appropriées et crédibles.
Face à ces interrogations, l’opinion publique relayée par les médias semble accréditer la thèse de l’assassinat ayant des mobiles divers tels que la probable opposition du regretté à la modification de l’article 37 de la Constitution, sa proximité avec les dirigeants d’un parti d’opposition, etc.
Les circonstances de la mort de NEBIE Salifou et les supputations qui entourent ce drame commandent qu’aucune piste ne soit écartée et qu’aucune mesure d’instruction ne soit négligée. Ainsi, il s’avère impérieux de procéder rapidement à l’autopsie du corps, ce qui pourra expliquer les causes des blessures, à des auditions de personnes-clés mais aussi à la réalisation d’actes de la police scientifique et technique et d’experts en sécurité informatique et autres.
Au lieu de cela, nous apprenons par voie de presse et constatons qu’il existe des difficultés ou entraves quant à la réalisation de l’autopsie, dues notamment à l’état obsolète du matériel. A ce jour, aucune perspective sérieuse dans le sens de l’accomplissement diligent et utile de la mesure n’a été envisagée. S’agissant du concours des experts en sécurité informatique, les initiatives dans ce sens se sont butées à des refus implicites. Cette situation est inquiétante dans la mesure où l’autopsie est une mesure qui permet d’expliquer les causes des blessures, les indices pouvant disparaitre avec le temps, rendant ladite autopsie inutile.
Une semaine après les faits, après une analyse froide et avec le recul, le SBM note que la situation inquiète, et il n’est pas inutile de rappeler que des indices peuvent disparaître avec le temps, rendant par après les mesures d’instruction inefficaces. Elle interpelle, si besoin était, sur les conditions de travail du secteur de la justice.
Le SBM attache un intérêt particulier à l’élucidation de cette affaire. En effet, l’absence d’élucidation des circonstances et mobiles de l’acte perpétré contre le juge constitutionnel NEBIE Salifou jettera, à coup sûr, le doute, la crainte et la peur sur la magistrature, chose qui contribuera à alourdir le climat de travail dans les juridictions et portera un coup certain à l’indépendance de la magistrature.
C’est pourquoi, à l’étape actuelle du dossier, le SBM, très attaché à l’indépendance de la justice et soucieux de son crédit, tout en faisant preuve de discernement et de clairvoyance, espère que l’enquête sera conduite à terme pour permettre de fixer les acteurs de la justice et le peuple burkinabè et de rendre justice à la famille du disparu.
Il invite le Gouvernement à mobiliser tous les moyens nécessaires pour permettre l’élucidation, dans un bref délai, de la mort de monsieur NEBIE Salifou.
De façon spécifique, le SBM:
- présente ses sincères condoléances les plus attristées à la famille NEBIE, à la grande famille judiciaire et à tous ceux et toutes celles qui souffrent de cette disparition;
- dénonce et condamne la mort suspecte de Salifou NEBIE ;
- appelle les autorités politiques et administratives, particulièrement le ministre de la Justice, à mettre tous les moyens financiers, humains et matériels à la disposition des juridictions et autres acteurs pour assurer une enquête approfondie, indépendante, transparente et efficace dans le sens de l’élucidation des circonstances de la mort ;
- appelle les magistrats et tous les acteurs impliqués dans le traitement de cette affaire à faire preuve de professionnalisme, de créativité et de perspicacité dans le sens de la manifestation de la vérité.
Ouagadougou, le 30 mai 2014
Pour Le Conseil syndical
Le Secrétaire Général
Karfa GNANOU