La mort dans des circonstances non encore élucidées du juge Salifou Nébié n'a pas laissé indifférent l'universitaire et homme politique Etienne Traoré. Il livre son indignation dans le texte ci-dessous.
A lire les propos d'un syndicat de magistrats (SAMAB ) après ceux de Nama Germain (directeur de publication du bimensuel l'Evènement), tout honnête homme est naturellement ulcéré et révolté, au moins par deux faits : la barbarie du mode d'assassinat qui rappelle celui du journaliste patriote et martyr Norbert Zongo; l'incroyable négligence dans le traitement de cette affaire criminelle de la part des autorités judiciaires et politiques compétentes, négligence coupable qui ne peut que faire penser à un autre " crime d'Etat".
Toutes mes condoléances attristées et révoltées à sa famille, ses parents et ses amis. Toutes mes condoléances et mon soutien à sa famille de la magistrature. La magistrature et la presse constituent classiquement les deux sentinelles vigilantes (y joindre plus récemment les organisations de défense des droits humains comme le MBDHP au Burkina) en démocratie, contre les abus attentatoires aux droits et libertés fondamentaux. S’en prendre à elles, c'est tout simplement attenter à la vie de notre processus démocratique.
Cet acte inhumain est un terrible avertissement par la mort, adressé aux magistrats libres, c'est-à-dire non "acquis". Mais tout également à tous ceux qui, comme le juge constitutionnel Nébié, contestent la révision de l'article 37: le CFOP (surtout ses premiers responsables), la société civile (surtout les artistes) et pourquoi pas des autorités catholiques ou coutumières ? Je sais aussi depuis six mois que le juge Nébié avait refusé de valider la candidature contestée de Badini Boureima aux législatives 2012 à Ouahigouya !!!
Alors la seule façon d'arrêter la main du monstre-bourreau Monsieur "s'en fout la mort des autres" et sauver notre processus démocratique, c'est de renforcer la lutte unitaire, démocratique et patriotique contre les tentatives (référendum-plébiscite acheté, Sénat aux ordres…) de dévoyer ledit processus vers une gouvernance patrimoniale à vie, défendue par quelques courtisans et profiteurs plus proches de leurs ventres (et même bas ventres) que des intérêts de notre pays.
Encore une fois, seules la détermination et la persévérance dans la lutte unitaire viendront à bout de ceux qui ont plutôt peur de quitter le pouvoir (pour des raisons familiales) conformément à la Constitution actuelle que Blaise Compaoré lui même dans son serment d'investiture (et donc de légitimation) a pourtant juré de défendre dans son esprit (limitation des mandats présidentiels) et dans sa lettre. N'est-il pas aujourd'hui en PARJURE en voulant utiliser ainsi la lettre contre l'esprit de l'article 37, au risque de mettre le feu au pays ? Les latins nous ont pourtant avertis : " La lettre tue. Seul l'esprit vivifie!" À méditer sans cesse!
Il convient alors de joindre les luttes aux prières dans toutes les confessions et ce plan funeste échouera pour préserver la paix au Burkina Faso, fruit essentiel de la patience et de la tolérance qui caractérisent, entre autres, le peuple burkinabè. Juge Nébié, repose en paix. Les Burkinabè libres te rendront justice comme à bien d'autres !
Étienne Traoré
Université de Ouagadougou
29 mai 2014