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L`Observateur Paalga N° 8631 du 30/5/2014

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Article 37 : «On creuse les tranchées… l’affrontement sera terrible»
Publié le vendredi 30 mai 2014   |  L`Observateur Paalga


Infrastructures
© Présidence par DR
Infrastructures militaires : Blase Compaoré visite les camps Guillaume et Sangoulé
Mardi 20 mai 2014. Ouagadougou. Le président du Faso, Blaise Compaoré a visité des infrastructures des Forces armées nationales situées au Camp Guillaume Ouédraogo et au Camp Sangoulé Lamizana


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«Pourquoi ne relancerait-on pas le dialogue ? Appelons-le Dalaï Lama, le Pape François...» adjure l’auteur de l’écrit qui suit, car, pour lui, de part et d’autre de la ligne de front qui sépare les différents protagonistes de la crise au Burkina, «on creuse les tranchées» et «l’affrontement sera terrible : on ne prendra pas de prisonniers».

On tremble déjà.

Alea Jacta Est ! Le sort en est jeté. Blaise Compaoré vient de franchir le Rubicon ; le point de non-retour. Il lui faut désormais, comme César à la conquête de Rome, «gagner ou périr !». Habitué aux victoires faciles grâce à une nomenklatura politique qui ne reculait devant rien pour le faire gagner et à des moyens financiers énormes accumulés au fil des ans à travers des réseaux d’amitiés extérieures solides et une galaxie d’opérateurs économiques intérieurs obligés de verser l’écot pour service rendu, Blaise Compaoré semblait dormir sur ses lauriers ; tranquille, certain de pouvoir chasser du revers de la main toutes velléités d’opposition à ses plans de devenir président à vie du Burkina Faso quand le Tsunami de l’exode massif de ses compagnons de lutte de première heure le réveilla.

Comme pris au dépourvu par la tournure des évènements, il mit un peu de temps à réagir, parut hésiter, voire désarçonné. Flottement de courte durée, car il reprit tout de suite les choses en main, particulièrement l’initiative de sa stratégie politique qu’il semblait avoir laissée à son frère et à la FEDAP-BC, qui organisa la purge des trois caciques du CDP ainsi que de nombreux cadres du parti, députés, maires et élus locaux sous prétexte de rajeunissement du parti. Le voilà désormais lancé, plus déterminé que jamais à (re)conquerir le pouvoir afin d’atteindre l’objectif quintessentiel : pérenniser son règne au-delà de l’échéance de 2015.

Mon rêve le plus cher aurait été de voir le président Blaise Compaoré, à un an et demi de la fin de son mandat, se ranger derrière un(e) candidat(e) du CDP, une personne en laquelle il aurait pleinement confiance pour lui succéder et protéger ses arrières. Les hommes ou les femmes ne manquent pas : dans le désordre, Djibrill Bassolet, Appolinaire S. Ouattara, Gilbert Guinguéré, Luc A. Tiao, Odile Bonkoungou, Paramanga E. Yonly, Assimi Koanda ou, pourquoi pas, François Compaoré qui n’a jamais été condamné par aucun tribunal et jouit de tous ses droits citoyens, etc. On aurait été témoin d’une bataille homérique entre ce candidat de la majorité et un de l’opposition tels que Roch Marc Christian Kaboré, Zéphirin Diabré, Ablassé Ouédraogo, Gilbert Ouédraogo, etc. La démocratie aurait triomphé. Mais voilà, Blaise ne veut pas partir comme lui commande la Constitution.

L’opposition, quant à elle, ne veut rien attendre et surtout pas admettre que l’amendement de l’article 37 n’est pas anticonstitutionnel. Pour contrer les plans de Blaise, elle organise des meetings géants pour clamer et répéter à l’envi «non au référendum; non à l’amendement de l’article 37 ; non au Sénat !». Et si le Président, s’abritant derrière la lettre de la Constitution, imposait le référendum, que ferait-elle ? De quels moyens dispose-t-elle pour empêcher ce référendum ? Pense-t-elle le boycotter ? Pas de réponse, pas d’alternative envisagée ou envisageable. Elle s’arcboute sur sa position, prend le monde entier à témoin et affirme : il n’y aura pas de compromis. Comme Antigone de Jean Anouilh, elle «veut tout, tout de suite et que ce soit entier. Ou alors…». De part et d’autre, on creuse les tranchées. L’affrontement sera terrible : on ne fera pas de prisonniers !

Que faire ? Tout d’abord, je dénonce les plans de Blaise Compaoré. Ils ne sont pas dignes du chef d’Etat que beaucoup de nous admiraient et respectaient. Se cacher derrière les artifices du Titre XV de la Constitution pour rester indéfiniment au pouvoir est contraire à l’éthique de la démocratie. En effet, si la lettre de la Constitution autorise l’amendement de l’article 37, son esprit, qui vise à prévenir la confiscation du pouvoir par un individu ou un clan, par contre, s’y oppose. Cependant, si toute honte bue, Blaise persistait et signait, je dirais à l’opposition qu’elle n’aurait pas d’autre choix que de chercher à le battre sur son propre terrain. C’est pourquoi je dénonce aussi l’approche «tout-ou-rien» de l’opposition.

Je crois que, non seulement elle fait le jeu de Blaise, mais dénote d’un manque de vision et, peut-être, de leadership. Je suis étonné quand j’entends le chef de file de l’Opposition déclarer par exemple sur RFI que «[leur but] est de faire en sorte que le référendum ne puisse pas se tenir… et que l’idée même du référendum soit abandonnée». Comment une stratégie politique de conquête du pouvoir peut-elle se résumer à cela ? Est-ce là une position de leader dont le devoir est d’asseoir la stratégie, de la changer, la réorienter ou la réadapter au besoin? De faire avancer, temporiser ou reculer quand les circonstances le demandent ? S’il est du droit de l’opposition de combattre avec vigueur le projet d’amendement de l’article 37 de la Constitution, il n’est pas moins de son devoir, quand la Constitution autorise, même par défaut, un tel amendement, d’avoir un plan B.

Un plan B qui consisterait à préparer ses électeurs au cas où le président, comme il commence à en avoir l’habitude, passerait de force. A-t-elle d’ailleurs le choix ? Les «houlabouloulous» des meetings et des marches ne seront pas suffisants pour assurer l’alternance démocratique. Il serait donc temps pour l’opposition de se ressaisir; de réfléchir davantage et de mettre sur pied une stratégie prospective qui ne l’enferme pas dans le cul-de-sac politique dans lequel elle se dirige. On ne prend pas d’assaut la Bastille de Kosyam avec comme seule arme la volonté de Refusenik. Ensuite, je suggèrerai qu’elle compte ses troupes et mesure ses forces réelles. Le CFOP a déjà fait un gros travail d’élagage en refusant d’accepter en son sein 28 des 71 «partis et formations politiques» de l’opposition approuvés par le MATS.

D’autres, qui étaient là juste pour la photo d’opportunité, sont aussi partis. Les «mouches du coche», celles qui volent au secours de la victoire, sont par contre toujours là, mais ne résisteront pas longtemps à l’odeur des poubelles de Kosyam. Il reste surtout, comme le définit un romancier célèbre français, les partis «soutien-gorge». Ceux qui «soutiennent la droite, la gauche et empêche le ballotage»; des partis qui, dans un passé tout récent, usaient du raisonnement le plus contorsionniste pour nous convaincre que l’on pouvait appartenir à la fois et à la majorité et à l’opposition. J’appellerai enfin l’opposition à sortir de la sclérose de la pensée unique ; à vaincre la peur de l’arène électorale et à arrêter de penser que Blaise gagnera le référendum par le vol et la manipulation. Cette attitude est défaitiste, car elle a les moyens de contrecarrer les plans de Blaise. Pourquoi ? Parce que le régime est à bout de souffle. Usé, miné par les scandales, alourdi par les casseroles et incapable de retrouver son ardeur au travail, il a désormais ses années de productivité derrière lui. Que peut-il encore apporter au Burkina Faso?

Il est temps pour Blaise Compaoré qui, je le répète, a beaucoup fait pour le pays pendant presque trois décennies, de comprendre, pour paraphraser l’Ecclésiaste de la Bible, qu’il y a un temps pour régner et un temps pour partir. Aucun homme, si intelligent et si capable soit-il, ne peut prendre sur ses seules épaules la charge du développement et le destin d’un pays. Des projets qu’il voudrait terminer ? Il y en a certainement, mais la beauté de la démocratie, et même de la vie, est qu’elle permet de transmettre le témoin à d’autres, selon des règles propres et de manière apaisée, pour continuer ce qu’on n’a pu achever ou réaliser ce qu’on n’a pu entreprendre. Le problème de l’eau, celui de l’éducation et de la formation et la lutte contre la corruption font partie de ces projets que le Président Blaise Compaoré, malgré son désir, n’a pu, disons-le élégamment, mener à terme. C’était mon intention de lui demander de transmettre ces dossiers à son successeur pour son aimable attention. En synopsis :

L’eau. Une question de vie ou de mort. On aurait dû la considérer au Faso comme la priorité des priorités (une «sur-priorité» selon l’approche politique sénégalaise). Cependant, on l’a négligée ; traitée sans l’urgence et le sérieux que son importance aurait dû commander. On a manqué de vision et de cette ambition sans lesquelles aucune œuvre d’envergure ne saurait être réalisée. Alors, on s’est contenté de construire des retenues d’eau ; si petites qu’elles ne se sont avérées utiles que le temps d’un été. C’est pourquoi nous continuons de faire la queue à la fontaine à partir de 3h du matin et de ne compter que sur la clémence du ciel.

Dans cette lutte à mort où beaucoup de pays africains sont logés à la même enseigne que nous, il est un pays dont l’exemple aurait pu nous inspirer : le Botswana. En effet, dans ce pays sans littoral de l’Afrique Australe coincé entre l’Afrique du Sud, la Namibie, le Zimbabwe, l’Angola et la Zambie, tout tourne autour de l’eau. Tout est fait pour éveiller, sensibiliser et éduquer la population, les gouvernants, l’opinion et le monde entier au problème d’eau du pays, soumis aux affres du grand désert du Kalahari. Rien n’est épargné : la monnaie s’appelle le Pula, qui veut dire eau, la devise, le Pula… ou «Let There Be Rain» que l’on peut traduire par «pourvu qu’il pleuve!» On y a institué des journées de l’eau célébrées trois jours durant, etc. Et chez nous ? Soyons hérétiques, ce devrait être aussi «l’eau ou la mort» ! La Patrie ne survivra pas sans eau ; nous avec !

L’éducation et la formation. Je connais trois jeunes de mon voisinage. Tous sont titulaires d’une maîtrise. Tous les trois sont chômeurs. Tous les trois préparent des concours. En attendant, tous les trois enseignent (payés sous la table et non enregistrés à la Caisse de sécurité sociale) dans des établissements scolaires privés où ils aident à préparer des jeunes comme eux à les rejoindre dans les rangs des chômeurs. Des jeunes comme mes trois voisins de secteur, il y en a des milliers. Actuellement, au Burkina Faso, on compte au mètre carré plus de maîtrisards, de titulaires de doctorats et de PhD chômeurs que dans beaucoup de pays développés. Notre système éducatif se résume au cycle CEP-BEPC-Baccalauréat-Université-Concours-Chômage.

Les réformettes de ces dernières années n’ont rien changé au fond du problème. Les élèves décident de leur choix professionnel comme ils le peuvent et comme ils le veulent. C’est dommage car, bien pensées et basées sur un partenariat entre l’Etat, l’étudiant et les besoins du marché de l’emploi, les politiques d’orientation devraient aboutir au fait qu’à la fin de ses études, ce n’est pas l’étudiant qui devrait chercher du travail, mais le travail qui devrait chercher l’étudiant. Normalement ! Le jour où la poudrière de l’éducation explosera…

La corruption. A écouter le vulgum pecus de la rue et des marchés, des cabarets, des maquis et des buvettes, le Burkina Faso serait parmi les pays les plus corrompus de la planète. Je n’en suis pas totalement persuadé. Actuellement, selon le dernier rapport de «Transparency International», le Burkina Faso se situe à la 83e place sur 177 pays dans le classement selon l’indice de perception de la corruption (IPC). La première place (1er, le pays le moins corrompu) est occupée par le Danemark et la dernière, (177e, le pays le plus corrompu), par la Somalie. Pour la comparaison, signalons que parmi nos pays voisins, le Mali se trouve à la 127e place, la Côte d’Ivoire à la 136e et le Nigeria à la 144e.

Le Burkina Faso n’est donc pas aussi corrompu qu’on puisse le croire. Certainement pas autant que dans le Zaïre (RDC) des années 70 duquel on disait : «Au Zaïre, il n’y a que le fleuve qui réfléchit, la forêt qui est vierge, et Air Zaïre qui ne vole pas…». Il est vrai, des vierges, il n’y en a presque plus ; pas plus au Zaïre qu’ailleurs. Mais, à ce qu’affirme l’homme de la rue, dans le Burkina de Blaise Compaoré on réfléchit, mais surtout, tout le monde, du moins ceux qui ont une responsabilité quelconque dans l’Administration publique, vole.

Du «voleur de poules», petit agent de bureau-pousse-papier, aux tributaires de monopoles des produits de base et des marchés publics et aux nombreux milliardaires de la concussion et de l’enrichissement illicite, etc. tout le monde, dans l’appareil d’Etat, et leurs amis volent. Pour démontrer la monstruosité de l’affirmation, on vous jette à la face la vérité du chiffre : «A un ouvrier qui gagne 100 000 francs CFA par mois il faudrait 833 années pour avoir un milliard. Et pourtant, disent-ils, les milliardaires courent les rues» ! Ces rhétoriques creuses font monter l’adrénaline mais ne prouvent rien en réalité.

Elles dénotent seulement la perception qu’on a du phénomène. Il n’y a certainement pas de fumée sans feu : pendant ses longues années de pouvoir, Blaise Compaoré a permis l’instauration d’une culture d’impunité et de passe-droits dont profitent tous ceux qui sont dans les cercles du pouvoir pour s’enrichir. On susurre d’ailleurs que le président aime coopter dans son giron politique, pour mieux les tenir en laisse, tous ceux-là qui ont commis des indélicatesses (pour employer un euphémisme) dans la gestion des finances publiques.

Les thèmes ci-dessus auraient pu être exploités, parmi tant d’autres, par l’opposition dans sa campagne antiréférendum. Elle a choisi pour l’instant de se murer dans le refus. La majorité prend note, mais continue son chemin, persuadée que sans Blaise le déluge déferlera sur le Burkina. On croit dur comme fer au proverbe éthiopien qui dit : «Quel bien t’ai-je fait pour mériter d’être ton ennemi»? Pendant 27 ans, Blaise a apporté sa contribution au chantier du développement. Son bilan est apprécié différemment, mais il ne sera pas un ennemi; pas pour moi en tout cas! Il est cependant temps pour lui de partir. Son successeur, ou le successeur de ce successeur, continueront son œuvre qui comprend, entre autres, de faire entrer le Burkina Faso dans le groupe des pays émergents.

Cela prendra du temps, car, faire entrer notre pays, où pour l’instant vivre se résume à s’empêcher de mourir, dans le club des pays émergents (27) dont le Brésil, l’Inde, Israël, la Corée du Sud, l’Afrique du Sud ou encore Singapour, comme le président l’a promis pour bientôt, relève de l’utopie; de la poudre aux yeux de la même veine que celle du caractère de l’humoriste politique français qui promettait aux femmes au cours d’une campagne électorale s’il était élu, «d’abaisser la durée de la grossesse à 7 mois»! La mère Nestorine serait certainement très contente d’une telle promesse.

Rappelons que le Burkina Faso est classé à la 183e place sur 187 pays selon l’indice du développement humain (IDH) du PNUD. Pour intégrer le club de ces pays émergents, il nous faudrait faire un saut qualitatif de la 183e à la 60e place. Excusez du peu !

Le Burkina Faso est à la croisée des chemins.

La majorité comme l’opposition campent sur deux positions contradictoires, inconciliables et asymptotiques dans lesquelles personne n’a raison et tout le monde a tort. Face à une telle situation, il est désormais à craindre, comme le disait le journaliste français Robert Escarpit, «que le peuple [ou les gouvernants] devenus soudain daltoniens, ne viennent à confondre le rouge du sang avec le vert de l’espérance».

Nous ne voulons plus de régime d’exception. Ce serait un échec total de la démocratie. Faisons en sorte que cela n’arrive pas.

Pourquoi ne relancerait-on pas le dialogue ? Appelons au secours le Dalai Lama, le Pape François Bill Clinton, Aung San Suu Kyi, Kofi Annan, etc. ou tout simplement Jean-Baptiste Ouédraogo, les communautés religieuses et coutumières burkinabè avant qu’il ne soit trop tard. Que Dieu sauve le Burkina !

Par Kayaba Gomsé Roger



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