L’Egypte a un nouveau président « démocratiquement» élu. Le général Abdel Fattah al-Sissi peut légitimement et légalement troquer son uniforme contre un costume.
Le processus de recyclage d’un militaire putschiste en un président démocratiquement élu est à son terme avec l’élection présidentielle des 26, 27 et 28 mai derniers.
Une fois de plus, l’Afrique est confrontée à un pouvoir dit démocratique, mais dont les fondements sont autocratiques. Cette technique de prise de pouvoir par l’armée est en effet très rodée sur le continent.
Et ils sont nombreux, les dirigeants arrivés aux affaires par un coup d’Etat, parfois sanglant, à se présenter en chefs d’Etat, tirant leur légitimité du peuple. Après plusieurs élections qu’ils ne perdent du reste jamais, ils essaient par tous les moyens de faire oublier leur origine militaire.
Mais le passé les rattrape très vite car ils se montrent réticents à toute idée d’alternance.
Rares sont les putschistes devenus présidents, qui ont accepté de leur gré de quitter le pouvoir. L’Union africaine et la communauté internationale qui brandissent toutes sortes de menaces lors des coups d’Etat, finissent par accepter le fait accompli. Les pays occidentaux, en particulier, ne se gênent pas pour ranger au placard leurs récriminations, si le nouveau venu fait leur affaire. Il en est ainsi de Sissi, il en fut ainsi pour ses devanciers, il en sera ainsi pour les autres à l’avenir.
L’impuissance de l’Union africaine à faire respecter l’Etat de droit dans les pays membres encourage les coups d’Etat et d’autres formes d’interruption des ordres constitutionnels. Ce ne sont pas les cris d’orfraie qui arrêteront les aventuriers de tout acabit assoiffés de pouvoir. Les deux récents succès, mais à mettre à l’actif de la CEDEAO, concerne la Guinée et le Mali.
Une diplomatie musclée de la CEDAEO a ainsi permis de rétablir l’ordre constitutionnel dans ces deux pays après la mise à l’écart des putschistes Moussa Dadis Camara et Amadou Haya Sanogo. Cela, non sans dégâts. Pour le cas du Mali par exemple, l’expérience démocratique assez acceptable qui avait cours a été interrompue net. Et voilà le pays reparti pour un nouvel apprentissage, perdant ainsi un temps précieux qui aurait pu servi à son développement.
Le seul motif de satisfaction réside dans l’éviction des putschistes et la remise en selle du processus démocratique. Mais cela signifie-t-il que l’Afrique de l’Ouest est désormais à l’abri des coups de force militaires ? Pas si sûr. Car les ingrédients commencent à se réunir dans certains pays, pour favoriser des perturbations des processus démocratiques. En Afrique centrale, le même scénario du pire est en train de s’écrire dans certains pays.
Il en sera ainsi, tant que les dirigeants au pouvoir se croient tout permis. Car dans la majorité des cas où un coup d’Etat est survenu, la faute est imputable aux dirigeants. Al-Sissi n’aurait pas eu de prétexte pour perpétrer son putsch sanglant si les Frères musulmans n’avaient pas prêté le flanc. Ils ont commis de graves erreurs de gestion du pouvoir dans un pays en pleine transition démocratique.
L’Egypte n’est qu’une étape des avènements de rupture des Constitutions. Quand les systèmes démocratiques servent d’alibis pour des règnes à vie ou des pratiques peu orthodoxes, les militaires ne peuvent que faire irruption sur la scène politique.
Certes, l’armée doit rester dans les casernes et s’occuper de ses missions régaliennes. Des pays africains sont arrivés au stade où cette règle est respectée, au grand bonheur de leur vie démocratique.
Tel est le cas du Sénégal où malgré les turbulences de ces dernières années, l’armée est restée dans son rôle. Voilà ce qu’on attend d’elle. Mais encore faut-il que les civils démocratiquement élus aient une haute idée de leur mandat .