Le Conseil des ministres, en sa séance du mercredi 24 octobre 2012, a adopté le décret portant statut de l’artiste au Burkina Faso. L’adoption de ce décret vise à créer un cadre juridique qui consacre la reconnaissance de l’artiste et offre les conditions de protection et de promotion de ses ambitions créatrices. Le statut de l’artiste est l’ensemble des droits et obligations attachés à la qualité d’artiste. Ce décret est l’aboutissement du processus de réflexion sur les conditions de vie et de travail des artistes au Burkina Faso entamé depuis 2001 par l’Administration et les professionnels du secteur de la culture. Les artistes occupent une place de choix dans la société et jouent un rôle fondamental dans le développement économique et culturel de notre pays. Cependant, leur profession est restée longtemps caractérisée par des paramètres qui freinent leur épanouissement et leur pleine participation aux différents chantiers de développement engagés dans notre pays. Par ce décret, le gouvernement vient de créer les conditions les plus appropriées permettant aux artistes de valoriser leur métier et de vivre dignement de leur art.
L’aboutissement d’un long processus
Le Burkina Faso s’inscrit ainsi dans la dynamique de la mise en œuvre de la recommandation de l’UNESCO sur la condition de l’artiste adoptée à Belgrade le 23 octobre 1980. Le statut est donc la réponse appropriée à une préoccupation constamment exprimée par la communauté des artistes. C’est le fruit d’un long processus dont les étapes cruciales sont entre autres :
l’organisation d’un séminaire sur le statut de l’artiste en mai 2001, suivi de nombreuses concertations entre les acteurs des différentes filières artistiques ;
l’organisation d’un forum national sur le statut de l’artiste en mars 2004 ;
la réalisation d’une étude sur le statut de l’artiste en juillet-novembre 2004 ;
l’élaboration et la transmission au secrétariat général du Gouvernement et du Conseil des ministres (SGGCM) d’un avant-projet de loi portant statut de l’artiste au Burkina Faso en février 2005 ;
la mise en place en juin 2009, d’un comité d’élaboration des projets de textes sur les conditions de travail et de vie de l’artiste au Burkina Faso afin de prendre en compte les observations du Secrétariat général du gouvernement et du Conseil des ministres (SGGCM) formulées suite à l’examen de l’avant-projet de loi de 2005. C’est ce comité, composé de représentants des différentes filières des artistes, de responsables des services techniques des départements de la Culture, du Travail et de la Sécurité sociale, qui a proposé un projet de décret portant statut de l’artiste au Burkina Faso. Le travail a été finalisé par une ultime rencontre de concertation interministérielle sous l’égide du Secrétariat général du gouvernement et du Conseil des ministres, le mercredi 26 septembre 2012. L’adoption du statut de l’artiste annonce des perspectives nouvelles et plus de stabilité pour les acteurs concernés. En effet, le cadre juridique classique existant n’est pas suffisamment adapté à la situation des artistes dont le travail se caractérise par l’intermittence, l’irrégularité et la multiplicité des employeurs ; toutes choses qui les exposent à la précarité, à la marginalisation et à la pauvreté. En plus, ce statut arrive à un moment où la culture est retenue comme l’un des piliers du développement dans la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD). Cette conjonction de faits revêt une dimension symbolique importante et ouvre une nouvelle voie aux artistes afin qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle de vecteur de la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Qui est artiste ?
Le décret portant statut de l’artiste au Burkina Faso comporte quatre chapitres qui se déclinent en vingt et un (21) articles. Le premier chapitre est consacré aux dispositions générales et définit le statut et la qualité d’artiste. « Est artiste, toute personne qui crée ou participe par son interprétation à la création ou à la recréation d’œuvres de l’esprit, qui considère sa création artistique comme un élément essentiel de sa vie et qui, ainsi, contribue au développement de l’art et de la culture et qui est reconnue ou cherche à être reconnue en tant qu’artiste, qu’elle soit liée ou non par une relation de travail ou d’association quelconque. Elle peut être artiste-auteur ou artiste-interprète ». Le deuxième chapitre traite de la qualité d’artiste professionnel. Il précise que l’artiste professionnel est toute personne qui fait de l’activité artistique sa profession habituelle et en tire sa principale source de revenu. La possession d’une carte professionnelle en est une condition nécessaire et on distingue deux catégories d’artistes professionnels à savoir : les artistes salariés et les artistes indépendants. Le troisième chapitre est relatif au régime social et fiscal applicable aux artistes professionnels salariés et indépendants. Ainsi, le statut stipule que l’artiste salarié est lié à un employeur par un contrat de travail. Celui-ci assume les obligations légales résultant du Code du travail, du Code des impôts et du Code de sécurité sociale. Toutefois, les représentants des syndicats d’artistes ou de leurs associations professionnelles peuvent conclure avec ceux des organisations d’employeurs des conventions collectives et des accords de travail conformément aux dispositions du Code du travail. Quant à l’artiste indépendant, il exerce une profession libérale en dehors de tout lien de subordination. Il est lié à son cocontractant par un contrat de prestation de services. Les organisations professionnelles d’artistes indépendants sont habilitées à négocier avec leurs partenaires des accords tarifaires portant sur les taux minima de rémunération de leurs prestations. A défaut, les barèmes de salaires minima négociés dans le cadre des conventions collectives sectorielles des artistes salariés constituent la base minimale de négociation entre artistes indépendants et leurs partenaires. En outre, les artistes indépendants peuvent s’affilier au régime d’assurance volontaire géré par la Caisse nationale de sécurité sociale. Les artistes indépendants sont assujettis aux obligations fiscales applicables aux professions libérales, mais peuvent bénéficier d’une dérogation aux règles fiscales de droit commun tout comme les artistes salariés, au cas où les dispositions de la législation en vigueur le permettraient.
De la commission nationale des arts
Le quatrième chapitre comporte les dispositions diverses et finales. Il renferme, entre autres, des dispositions qui consacrent la création de « la Commission nationale des arts (CNA) », comme cadre de concertation permanent des artistes professionnels et de leurs partenaires. Cette commission regroupe les organisations d’employeurs, les syndicats et associations professionnelles d’artistes et les pouvoirs publics en vue d’examiner et de suggérer les mesures propres à améliorer l’emploi culturel, les politiques de formation et de promotion des arts et des artistes. La commission nationale des arts est consultée pour toute question relative à la conception et à l’exécution de la politique nationale de la culture.
Le gouvernement vient de faire un grand pas vers l’amélioration des conditions de vie et de travail des artistes. A eux de s’organiser pour tirer un meilleur parti de leur statut.