de trois pour les Sierra-Léonais ! Dix ans après la terrible guerre civile qui fit 120 000 morts, des milliers de manchots et d'unijambistes, que les bourreaux de l'époque ont cyniquement nommés "manches courtes" "ou manches longues" selon la longueur de la partie amputée, le pays est en pleine élection pour la troisième fois. Les fantômes des sicaires tel Foday Sankoh ont disparu, et le pays revient de loin.
C'est aussi véritablement la première fois que la Sierra Leone organise des élections par elle-même, c'est-à-dire sans tutelle extérieure, preuve qu'elle a retrouvé certaines marques qui confèrent l'autonomie politique. Le garçon a grandi ! Le fait que les observateurs aient apposé leur imprimatur à ce vote est également symptomatique de la maturité du peuple sierra-leonais, qui a désormais le pied amarré à la démocratie.
Dans cette compétition politique, où 8 candidats s'affrontaient, ce sont finalement le président sortant, Ernest Baï Koroma du Congrès de tout le peuple (APC), et son challenger Julius Maada Bio du Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP) qui ont livré le duel final ;
un combat serré, puisque les dépouillements se poursuivent, et à l'heure ou vous lirez ces lignes, les résultats bruts seraient peut-être connus, les résultats définitifs étant attendus pour le 26 novembre. Les scores serrés augurent que tout se jouera dans un mouchoir de poche, même si certaines sources créditent le champion de l'APC d'une légère avance. Les mêmes sources sont également formelles : en dépit de ce petit avantage, Koroma aura du mal à engranger les 55% de suffrages requis pour rester scotcher à son fauteuil présidentiel.
L'autre défi majeur du futur président sera de lutter contre la pauvreté endémique.
Dans un pays où le taux de chômage tourne autour de 60 à 65% surtout chez les jeunes et où les stigmates de la guerre civile ne sont pas totalement effacées, le prochain président n'a pas d'autre choix que de mettre la main dans le cambouis pour opérer la métamorphose.
La croissance, qui est de 5,1%, est bonne sur le papier, surtout pour un pays postcrise mais, comme sous d'autres cieux, elle n'est pas comestible. Autre secteur où le président devra être regardant : celui des mines, où la forte demande mondiale en diamant et en aluminium a favorisé beaucoup d'investissements. Le pays est aussi riche en bauxite, en or, et dispose du plus gros gisement de minerai de fer, sans oublier les dividendes du pétrole Off Shore. Mais quid de leurs retombées sur le quotidien des populations ? La bonne répartition de toutes ces richesses est un impératif, sous peine de voir resurgir les vieux démons.
Charles Taylor est loin entre 9 m2 à la prison de Shevenighen pour 50 ans, condanné justement par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), mais attention, Julius Maada Bio, l'autre finaliste de cette présidentielle, est un ex-chef de junte militaire qui avait dirigé le pays en 1996. La tentation pourrait être grande pour lui de reprendre les armes s'il sentait avoir été floué de sa victoire.
