Goma est-elle tombée aux mains du M23 au moment où vous nous lisez ? Hier en tout cas, les rebelles étaient dans les faubourgs de la ville, dont la prise semblait imminente. Quelques mois après le début de l’insurrection du Mouvement du 23-Mars, la capitale du Nord-Kivu semble revivre les périodes les plus douloureuses de sa récente histoire. Un drame humanitaire s`y noue avec des populations civiles prises en tenaille entre les forces belligérantes et ces hordes de déplacés qui prennent de nouveau le chemin de l’exil ;
un air de déjà-vu, tant cette ville martyre est au cœur des soubresauts qui endeuillent la RDC depuis une quinzaine d’années : car avant la présente poussée de fièvre, la ville avait servi de base arrière à l’Opération turquoise à la fin du génocide rwandais. La tragédie provoqua l’afflux, dans ses camps, de centaines de milliers de survivants mêlés à d’anciens bourreaux. Depuis lors, la «perle du Kivu» a basculé dans les affres de la guerre : massacres, viols et autres crimes de guerre y ont été perpétrés de 1996 à 2006 par les différents mouvements rebelles qui n’ont cessé de sévir dans la région.
Et comme si cela ne suffisait pas, la nature même s’en était mêlée avec l’éruption du Nyiragongo, dont la coulée de lave atteignit le centre-ville. Etrange paradoxe que celui de cette ville qui s’est érigée autour du cratère d’un volcan éteint - le Goma - et devenue, à cause de la folie des hommes, une véritable poudrière.
Il faut dire que la proximité du turbulent voisin rwandais y est pour quelque chose, car il est de notoriété publique que, derrière le M23, il y a la main de Kagamé. «Une fiction mise en place par le Rwanda pour couvrir ses activités criminelles chez nous», affirme-t-on depuis Kinshasa, dont les autorités, pour l’heure, refusent tout dialogue avec ces rebelles-là, leur préférant «la réalité de l’agresseur». Et même si l’homme mince de Kigali s’en défend avec la dernière énergie, il a bien du mal à convaincre y compris dans le camp de ses alliés occidentaux, lui qui, depuis une quinzaine d’années, fait la pluie et le beau temps dans la région des Grands-Lacs. Et la communauté internationale a beau multiplier les condamnations, le Rwanda, qui semble être à cette partie de l’Afrique ce qu’est Israël au Moyen-Orient, n’en a cure.
Autant dire que toute solution de sortie de crise, quelle qu’elle soit, passera forcément par Kigali.
