La déroute de l’armée malienne à Kidal est donc consommée. L’heure est aux bilans. Si à Bamako on fait grise mine, à Ouagadougou, le MNLA et ses alliés du MAA et du HUA triomphent en racontant leurs hauts faits d’armes. Oui, vous avez bien lu « Ouagadougou ». C’est en effet de la capitale burkinabè que les groupes armés du Nord Mali ont donné leur première conférence de presse sur la blitzkrieg qu’ils ont réussie sur l’armée régulière malienne. C’est la preuve, si besoin était, que la rébellion malienne (en tout cas, ses représentants civils) a pignon sur rue, à Ouagadougou.
Est -ce une bonne ou une mauvaise chose ? Pour le gouvernement et les populations maliennes, cette quasi parade des ennemis qu’ils ont affrontés, il y a à peine vingt-quatre heures, peut apparaître comme un acte peu diplomatiquement correct, de la part du Burkina. Et ils n’ont pas totalement tort. Car ces groupes, même s’ils sont signataires de l’Accord de Ouagadougou, et donc reconnus comme fréquentables, deviennent difficilement tolérables, suite aux récents combats meurtriers. Plus grave, le MNLA et ses alliés ont avancé sur le terrain, reprenant des villes autres que Kidal. Il y a donc une situation de guerre, malgré les appels au cessez-le-feu et au calme. L’Accord de Ouagadougou est donc sérieusement remis en question après ces douloureux événements. En un mot, comme en mille, le fossé est désormais abyssal entre le pouvoir de Bamako et les groupes armés du Nord. Il ne peut donc pas voir d’un bon œil l’hospitalité accordée à ceux qui sont à l’origine d’une humiliation de plus pour l’armée nationale.
Le Burkina, en accueillant les rebelles du MNLA, remet-il en cause l’Accord de Ouagadougou ? En principe, non. Car l’accord n’évoque pas ces questions. Et d’ailleurs, c’est de notoriété publique que les responsables du MNLA séjournent régulièrement à Ouagadougou. A toutes les étapes du conflit du Nord Mali et des négociations, ils font des va-et-vient entre leur fief de Kidal, Ouagadougou et d’autres capitales africaines et occidentales. Il n’y a donc rien de nouveau, sauf que la situation de calme, même précaire qui prévalait, s’est subitement dégradée. Doit-on continuer, dans ces conditions, à regarder les groupes rebelles avec le même œil? Pour le Burkina, c’est oui. Car il aurait pu, compte tenu, de la nouvelle donne, demander à ses hôtes d’observer un devoir de réserve. C’est du reste l’obligation faite aux opposants politiques, a fortiori des chefs de guerre, qu’on abrite pour des raisons humanitaires. Une certaine analyse laisserait croire que le Burkina prête le flanc aux critiques et de ce fait devient suspect aux yeux des Maliens. Ces derniers auraient sans doute souhaité que Ouagadougou optât pour une stricte neutralité, en refusant d’héberger des chefs de la rébellion touareg. Des explications doivent être données aux Maliens, pour les assurer de la position du Burkina qui est celle du médiateur de la CEDEAO. Sinon, le climat de méfiance entre les deux pays pourrait se transformer en guerre froide, avec des risques pour la cohabitation pacifique entre les deux peuples.
Le Burkina a, par le passé, montré sa capacité à amener les groupes armés autour de la table de négociation. C’est un atout de taille, même s’il renforcera la suspicion des Maliens, sur le vrai rôle du Burkina dans l’irrédentisme au Nord Mali. Mais voilà, on est en politique. Le Mali qui est en position de faiblesse, n’a d’autre choix que de négocier. Et comme les Touareg continuent de reconnaître Blaise Compaoré comme le médiateur de la CEDEAO, les autorités maliennes devront faire contre mauvaise fortune bon cœur. Le Mali est obligé de négocier, après sa nouvelle débâcle militaire. Surtout que la communauté internationale s’est montrée peu disposée à engager la guerre contre le MNLA et ses alliés .