Par rapport aux élections municipales et législatives du 2 décembre 2012, le quotidien « Le Pays » réaffirme, à travers les mêmes mots que ceux du passé, (à quelques exceptions sémantiques et de dates près) la position qui est la sienne depuis toujours.
Comme chacun le sait, depuis la Grèce antique, l’histoire des nations se construit, s’ordonne autour d’un axe majeur et inoxydable : la démocratie. Très peu de choix sont de moins en moins laissés aux princes et aux gouverneurs de la rosée, qui savent de plus en plus que l’homme préfère, de loin, la tyrannie de la démocratie à l’absolutisme du pouvoir personnel. Comme le fruit du péché originel, la démocratie est devenue depuis longtemps un élixir enivrant, un pôle d’attraction et de fascination pour les peuples de la terre, même pour ceux d’Afrique ! Et, c’est de notoriété publique, rien ne meurt sous les étoiles, tout se renouvelle, à l’instar des instances démocratiques et des hommes qui les animent. C’est sans doute pourquoi, le Burkina s’est encore officiellement engagé, depuis le 17 novembre 2012, dans une trajectoire qui devrait, dans une hypothèse heuristique, le conduire dans les hauteurs ensoleillées du renouveau. Notre pays est ainsi promis à une intense activité électorale jusqu’au soir du 2 décembre prochain. C’est une séquence de vie nationale palpitante qui est alors amorcée et des mousquetaires se lancent, sabre au clair, dans un long et exaltant combat plein de coups fourrés, de chausse-trappes, de mensonges, de promesses, de fables. La campagne électorale se déroulant dans un contexte de multipartisme débridé, l’on peut croire que l’intensité dramatique n’en sera que plus accrue. C’est donc une campagne qui, dans une certaine mesure, portera l’estocade à l’ennui et à la routine. Les anciens avaient raison : aussi vrai que c’est "l’ennui qui est le fond de la vie", on peut dire que c’est lui qui a inventé les jeux, les distractions, les romans, l’amour, mais aussi… la démocratie et les élections !
Chacun peut et doit rêver
Il faut désormais espérer que les acteurs politiques qui montent à l’assaut des voix des électeurs se battent à la loyale, l’esprit solidement amarré au vade-mecum prescrit pour eux par les instances de la régulation électorale. Il est peut-être bon que nos cavaliers de la démocratie sachent que, dans l’intérêt du Burkina, il y a plus de honte à tromper pour gagner qu’à perdre dans la transparence et l’équité. Les tricheurs doivent surtout savoir qu’en politique comme en tout domaine, les souvenirs sont plus fidèles que les amis et les électeurs. En effet, les souvenirs reviennent toujours nous visiter quand notre âme grelotte dans la solitude. En tout cas, la position des Editions "Le Pays" face à ces élections, est celle que nous avons eue depuis toujours : laisser intactes les chances de chaque candidat. Notre position à cet égard, n’a subi aucune avarie. Elle se nourrit de la constance de notre ligne éditoriale. Nous avons l’angélisme de croire que toutes les idéologies sont bonnes, exceptées celles qui s’appuient sur la haine, la race, l’ethnie et la région. En l’occurrence, tous les candidats burkinabè ont enfourché le cheval d’une idéologie acceptable. Chacun peut et doit rêver. Nous nous gardons d’égratigner le potentiel de chances de ces hommes qui courent tout droit vers leur destin politique. Comme toujours, nous choisissons la porte étroite : nous abstenir de relater les meetings, véritables répétitions pleines de cohue, d’artifices, de propagande et de fantasmes. Au nom de l’Etat de droit démocratique du Burkina Faso, nous croyons en avoir le droit. Au nom de l’Etat de droit démocratique du Burkina Faso, nous pensons avoir le droit, comme nous l’avons toujours fait, de renoncer à toute manne financière liée à toute campagne électorale.
Un choix comme un autre
Au nom de l’Etat de droit démocratique, nous respectons tous ceux de la confrérie (dont nous ne doutons pas de l’esprit de tolérance citoyenne et républicaine) qui ont une position contraire à la nôtre. Nous savons ce que nous coûte une telle position. Mais c’est un choix comme un autre, qui se fonde sur un ardent désir de liberté et d’indépendance, deux valeurs théologales inscrites, tel un diadème, sur le front du quotidien, depuis un certain matin du 3 octobre 1991. Nous choisissons donc de ne pas couvrir, dans toute l’acception classique de ce vocable, les meetings des campagnes. Nous faisons également l’option de ne plus publier de déclaration électoraliste. Depuis le 17 novembre 2012, en raison du substrat de notre ligne éditoriale qui est l’indépendance vis-à-vis de toute la faune politique burkinabè, nous faisons le choix de ne rien faire qui puisse influencer dans un sens ou l’autre le comportement de l’électeur, si tant est qu’un journal comme "Le Pays" puisse formater ou chloroformer une opinion. Il appartient désormais à chaque « sprinter » de convaincre, sans notre apport, de la justesse de ses ambitions, de son sérieux et de son programme. Nous ne voulons pas contribuer à la promotion du mensonge. Nous le savons, dans ce pays, ne pas appartenir à une tribu politique relève de l’absurde. Même s’il est vrai que le privilège de l’absurde est réservé à la créature humaine. En tout état de cause, notre seule bonne foi suffit. Notre volonté d’indépendance et de liberté est à la fois le limon, le ferment et le terreau du quotidien "Le Pays", de sa dynamique et de sa geste. Que nos lectrices et lecteurs nous comprennent bien. Nous ne couvrons pas les meetings dans ce qu’ils ont de promesses, de programmes, de propagande et de propos discourtois.
Un chemin rocailleux et escarpé
Mais si, par extraordinaire, il y a de la casse, de la violence ou des gestes originaux de magnanimité, posés par un candidat à l’égard d’un autre candidat, nous en ferons la relation. Par ailleurs, nous refusons tout payement pour compte-rendu de meeting ou pour déclaration propagandiste. Nous refusons de mettre le doigt dans un engrenage où les gens ignorent généralement qu’une grande idée comme la démocratie a toujours besoin de vérité et de sacrifices et non de facilités et de mensonges. Comme d’habitude, la veille et le jour du scrutin, nous serons présents, par nos propres moyens, dans toutes les 13 régions pour couvrir le grand événement du 2 décembre 2012. Certes, le chemin que nous avons choisi est rocailleux, escarpé, mais nous sommes les heureux prisonniers d’un serment : celui de toujours tendre vers ce que nous estimons juste et acceptable pour notre ligne éditoriale et pour nos lecteurs. Tous les compétiteurs ont droit au rêve et à l’espérance. Nous ne voulons pas, au détour d’une phrase, d’un commentaire, ébranler des convictions et des certitudes. Nos vœux de succès accompagnent donc tous les candidats, et il faut espérer, pour la paix sociale, que ce scrutin sera limpide et qu’au soir du 2 décembre, les candidats malheureux se comporteront en bons princes. Ils contribueraient ainsi à lisser et à embellir le visage de notre jeune démocratie. Au total, nous réaffirmons encore une fois le caractère pérenne et constant de notre ligne éditoriale. En passant à travers les mailles de deux décennies, elle n’a enregistré aucune ride. Elle n’a pas bougé d’un iota, à l’image de cette vérité universelle qui postule que "le soleil se lève toujours à l’est et se couche toujours à l’ouest".
Boureima Jérémie SIGUE Fondateur des Editions "Le Pays"