Les députés burkinabè ont voté le 20 mai dernier une loi qui marquera les annales de la cause écologique et environnementale au Burkina. La production, l’importation, la commercialisation et la distribution de sachets plastiques et d’emballages non biodégradables sont désormais interdites dans notre pays. C’est une véritable révolution qui viendra soulager la nature et les bêtes fortement éprouvées par les déchets provoqués par l’homme. Mais le revers de la médaille, c’est que cette loi vient bousculer des habitudes de consommation et mettre aussi en péril des intérêts économiques. Tout un pan de l’économie nationale dépend du secteur plastique, depuis les usines de fabrication jusqu’aux petits revendeurs, en passant par les importateurs grossistes. Ce sont donc des chiffres d’affaires de plusieurs milliards de FCFA, des milliers d’emplois et des taxes et impôts pour l’Etat qui sont en jeu. Mais c’est aussi et surtout un changement de mentalité à opérer. On ne le sait que trop, notre mode de consommation est basé sur le sachet. Tout s’achète et se vend avec du sachet. A tel point que les termes « sachet noir » ramènent à une image, celle du mari rapportant quelque chose à son épouse, le soir à la descente. Entre les divers intérêts économiques et la préservation d’un environnement durable, le gouvernement a donc fait son choix, après avoir pesé ce qu’on gagne et ce qu’on perd, à travers l’usage massif des sachets et emballages plastiques. Mais il va sans dire que la bataille n’est pas pour autant gagnée. La sensibilisation va devoir continuer, des adaptations et réajustements doivent se faire, avant que la loi s’applique dans toute sa rigueur. Ce ne sera pas une mince affaire et les sachets ne disparaitront pas du jour au lendemain du fait de cette nouvelle législation. Le Burkina n’étant pas le premier pays africain à prendre cette mesure d’interdiction, il a tout le loisir de s’inspirer de ses devanciers. Mais le meilleur exemple couramment cité est celui du Rwanda, où la loi est en vigueur depuis 2008.
Le pays de Paul Kagamé a en effet très vite compris les effets nocifs des produits plastiques. Aujourd’hui, et même si des petits malins tentent de contourner la loi, tout le monde reconnait que le Rwanda est en train de réussir cette transformation écologique. La capitale du pays, Kigali, est d’ailleurs réputée pour sa très grande propreté, complètement « désinfectée » des déchets plastiques. Le pays des mille collines est donc en voie de se sortir du piège des sachets plastiques. Il appartient au Burkina de suivre la même voie. Reste à savoir si les dirigeants burkinabè, chargés d’appliquer la loi, seront aussi fermes que les Rwandais. Au regard des intérêts en jeu, des secteurs d’activités touchés, des considérations politiques peuvent interférer et remettre en cause l’effectivité de la mesure. Le Burkina est en effet connu pour la collusion entre pouvoirs politiques et pouvoirs d’argent. Ces interférences rendent difficile la prise de certaines mesures de salubrité nationale. Il y a aussi la proximité des échéances électorales (présidentielle et éventuellement référendum) qui peut aussi retarder la guerre contre le commerce du sachet plastique afin d’éviter de déplaire aux acteurs du secteur, qui sont de potentiels électeurs. Ces calculs politiques (voire politiciens) ont, par le passé, freiné la mise en œuvre de certaines décisions pourtant validées par l’Assemblée nationale. Or, plus que jamais le contexte sociopolitique surchauffé fait de course vers l’électorat n’incite pas à la prise de mesures impopulaires pour certaines catégories professionnelles. Voilà donc une décision salutaire, mais dont l’application risque de poser problème dans un Burkina marqué par des rivalités politiques pour au moins un an et demi .