Et pan, sur le bec ! Au détour d’une conférence publique sur le 11-Décembre tenue le jeudi 8 novembre 2012 à Bobo-Dioulasso, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, s’est littéralement déchainé sur les journalistes burkinabè «qui manquent de professionnalisme… qui sont les premiers à critiquer mais ont horreur de la critique…qui s’enferment dans le mensonge». De plus, quand ils dérapent, ces pisse-copies ne voudraient pas qu’on en parle «comme si c’était un crime de lèse-majesté mais les journalistes ne sont pas des majestés». Touchés !
A l’évidence, notre ministre de tutelle, qui s’est drapé pour l’occasion dans la tenue du Père Fouettard, devait en avoir gros sur le cœur pour que la charge fût aussi violente.
Sans doute est-ce parce qu’il nous aime bien que le châtiment aussi cruel est à la hauteur des crimes que nous aurions commis. On ne va pas se mettre à polémiquer avec lui mais ses propos au vitriol appellent néanmoins quelques observations.
1) Que la communauté des médias n’aime pas la critique, c’est fort possible et au demeurant c’est un sentiment bien humain car sauf à être masochiste, on n’en connaît pas qui aime être écharpé , même les ministres qui, de par leurs fonctions, sont particulièrement exposés. Cela dit, que ces «plumitifs fabriquant la pâture de l’ignorant», dixit Diderot, aiment ou pas la critique, rien n’empêche ceux qui le veulent de les pourfendre ou de les vilipender. Encore heureux sont-ils d’ailleurs quand c’est à visage découvert comme dans le cas présent. Et même si ce papier sera une preuve supplémentaire que ces gens-là n'aiment vraiment pas la critique.
2) Quand notre contempteur du moment affirme de façon péremptoire que les journalistes burkinabè manquent de professionnalisme, il devrait quand même voir à ne pas jeter, pour faire cliché, le bébé avec l’eau du bain. Qu’il y ait des incompétents et des brebis galeuses comme dans tout corps social, y compris parmi nos responsables, nul ne peut en disconvenir mais les journalistes ont beau être des amateurs à qui il arrive de fauter, ils ne diront pas que «les ministres burkinabè manquent de professionnalisme» même si certains flottent visiblement dans des habits trop grands pour eux.
3) Quand notre Tuteur semble réduire la rigueur professionnelle au manque de formation qui toucherait 90% de la confrérie, on a bien peur qu’il fasse des amalgames. Que cette question soit l’un des problèmes auxquels est confrontée la profession, personne n’en doute. Mais de là à penser que sortir de Lille, Bordeaux, Strasbourg, à moins que ce ne soit le CESTI de Dakar ou l’ISTIC de Ouagadougou est gage d’excellence pendant que les autres, ceux formés à l’école de l’Observateur Paalga, du Pays, de la RTB ou de Sidwaya pour ne prendre que ces exemples seraient les rebuts du métier est tout sauf exact. Monsieur le ministre le sait, les exemples sont légion de part et d’autre pour administrer la preuve du contraire. Quand on voit d’ailleurs la qualité d'une partie de ces fameux 9 à 10% qui sortent des écoles de journalisme, ceux qui sont formés sur le tas ont souvent de bonnes raisons d’être fiers de l’avoir été.
4) Que nous ne soyons pas des «majestés», voilà une évidence. Les majestés ne sont du reste pas toujours là où on croit, c’est-à-dire dans les palais de nos chefs traditionnels mais bien plus dans les résidences de la République ou assimilées. Mais ça, c’est une autre affaire !