Ce n’est pas à proprement parler un événement. Un ministre de la Défense qui rend visite à ses troupes ? Quoi de plus normal ! Sauf si ce ministre-là se trouve être en même temps le chef de l’Etat. C’est sous sa casquette de titulaire de la Défense que Blaise Compaoré s’est donc rendu au camp Guillaume Ouédraogo (le plus grand de l’armée burkinabè) et au camp Sangoulé Lamizana. C’était le 20 mai 2014.
Les installations visitées sont la boulangerie de l’établissement central de l’Intendance, la buanderie des Forces armées, l’atelier tailleur et le laboratoire d’études et d’analyses de l’Intendance. Les trois premières citées existaient déjà et ont été réhabilitées tandis que la dernière a été nouvellement créée. Pour le militaire qu’il est, c’est quelque part un retour aux sources.
L’affaire serait bien passée inaperçue si l’on en avait l’habitude. Ce n’est pas fréquent de voir Blaise Compaoré rendre visite aux troufions dans leurs casernes. Bien sûr en dehors de son séjour annuel à Pô, lors de la sortie officielle des élèves officiers de l’école militaire Georges Namoano. Dans la même veine, depuis 2011, année des mutineries, le chef de l’Etat avait entrepris toute une série de rencontres, presque institutionnalisée, pour fraterniser avec ses frères d’armes, dans les salons feutrés de Ouaga 2000 ou à la Présidence. La dernière en date remontant au 28 novembre 2013, une cérémonie à l’issue de laquelle le président Compaoré a été doté du paquetage complet «Terre du Burkina», le nouveau treillis des Forces armées nationales. Mais se déplacer dans l’intimité des garnisons pour prendre le pouls de la Grande Muette, le chef suprême des Armées ne nous a pas habitué à cela.
Qu’il soit dans son bon droit de faire la tournée des popotes pour voir quelle saveur a le garba (riz servi aux soldats), personne n’en doute. Mais dans la situation présente, où l’actualité est assez chaude, difficile de ne pas voir en ce déplacement une offensive de charme en direction de la soldatesque. Le jeu en vaut certainement la chandelle, tant il est vrai qu’il vaut mieux avoir les militaires avec soi que contre soi. Après les mesures sociales contre la vie chère, les augmentations des salaires des travailleurs du public et la dernière promesse de soutien, à travers des crédits, au secteur informel, un petit détour à l’intendance militaire a de quoi montrer que les troupes ne seront pas les parents pauvres de cette «République de Doumbelane» où il y a à boire et à manger à tire-larigot. Sacré Blaise ! Il doit avoir trop compris l’injonction de ses fidèles lieutenants qui lui ont intimé de mouiller le maillot pour sauver son trône. Les manches sont résolument retroussés, jusqu’aux coudes, au point qu’on se demande s’il n’ira pas un jour faire un brin de causette dans un grin de thé.