Dans cette insoluble équation malienne aux multiples inconnues avec un Nord «Ansar-diné» et un Sud où les politiciens à la petite semaine ont perdu le sens des urgences, l’un des problèmes majeurs demeure le cas du capitaine Amadou Haya Sanogo.
Voici un officier subalterne encore inconnu il y a seulement six mois jusqu’à ce qu’à la tête de soldats mutins, qui réclamaient plus de moyens pour combattre les rebelles, il entre par effraction au palais de Koulouba, en en chassant le président Amadou Toumani Touré. Un contrat de bail de courte durée, puisque, sous la houlette de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), un président intérimaire en la personne de Dioncounda Traoré sera installé. Le cas Sanogo ne sera pas résolu pour autant, car, si officiellement après avoir été reconnu ancien chef d’Etat avant d’être déchu de ce statut, il n’exerce pas de fonction particulière, il demeure, ainsi que nous l’avons écrit dans une de nos précédentes éditions, un des nœuds gordiens de cette crise malienne, qu’il faudra se résoudre à dénouer.
Voilà que l’on parle maintenant, sous réserve de confirmation, d’en faire un vice-président. Si cette information devait se confirmer, ce serait la preuve que le capitaine Sanogo est désormais incontournable dans la résolution de la crise institutionnelle à Bamako et que, faute de le mettre définitivement hors circuit, on se résout à le remettre en jeu en espérant que ce sera le moindre mal. C’est un peu l’histoire du voleur que vous aidez à transporter les biens qu’il vient de vous dérober quand vous ne pouvez pas vous y opposer.
Au-delà du Mali, le cas Sanogo divise la CEDEAO depuis le début. On vient de nouveau d’en avoir la preuve à travers l’interview de l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara, président en exercice de l`organisation sous-régionale, dans l’émission «Face à nous» de la chaîne AFRICA 24 du 05 août 2012. «Jamais la CEDEAO n’a donné un statut d’ancien chef d’Etat à Sanogo», a-t-il en effet soutenu. Les négociateurs ont cru bien faire en s’associant à cette imposture. En tant que président en exercice de la CEDEAO, je condamne le fait que le capitaine Sanogo ait le statut d’ancien chef d’Etat. Le sommet dira cela de manière publique. Nous ne reconnaissons pas le statut d’ancien chef d’Etat au capitaine Sanogo. C’est une blague ? Quelqu’un qui fait un coup d’Etat, qui dure une semaine et on va l’appeler ancien chef d’Etat ? En ce moment, tout le monde fera un coup d’Etat.» Si ce n’est pas tacler contre son ami Blaise Compaoré, ça y ressemble fort, et ses propos sonnent comme un désaveu du médiateur dans la gestion du problème Sanogo alors que l`«ombudsman adjoint», Djibril Bassolet, s’est rendu hier à Gao et à Kidal pour essayer de convaincre les fous d’Allah d’Ansar-Dine et du MUJAO de mettre un peu d’eau dans leur …thé.
Alassane Dramane Ouattara aurait voulu dire que son homologue de Kosyam s’est fourvoyé et que la communauté réparera l’erreur qu’il ne s`y serait pas pris autrement. En fait, le locataire de la résidence présidentielle de Cocody n’est pas seul à penser qu’il y a eu comme une prime au coup d’Etat dans cette affaire. Avant lui, en effet, le Président guinéen, Alpha Condé, l’avait dit sans ambages dans une interview dans le journal Jeune Afrique N°2687 du 8 au 14 juillet 2012. Répondant à la question de savoir si la Communauté avait eu raison de retirer à Sanogo son statut d’ancien chef d’Etat, il a affirmé sans détours : «Bien sûr ! C’était une prime au coup d’Etat, et c’était une erreur que de lui avoir octroyé ce statut».
Quoi qu’il en soit, on se demande bien de quoi ADO et ses pairs de la sous-région auront l’air si d’aventure l’hypothèse de la confection d`un costume de vice-président à la mesure du capitaine Sanogo se confirmait. Le pensionnaire de Kati est, ne l`oublions pas, sérieusement suspecté d`être l`instigateur du passage à tabac de Diouncounda Traoré le 21 mai dernier et dont certains des lampistes sont passés hier devant le juge pour répondre des faits qui leur sont reprochés.
