La campagne électorale pour les législatives et municipales couplées du 2 décembre 2012 s’est ouverte le samedi 17 novembre dernier. Deux semaines pour « aller à la chasse » de l’électorat partout où il se trouve. En campagne comme en ville, c’est la course contre-la-montre. Pendant cette période de campagne électorale, il est souhaitable que les acteurs privilégient un climat apaisé. L’intolérance entre les partis politiques doit être bannie. Aussi, les politiciens doivent-ils se démarquer des actes de violence. Nous avons la conviction que les acteurs politiques veulent tous la consolidation de la paix et de la concorde nationale.
Il est bon qu’au cours de cette campagne, chaque parti en lice saisisse l’opportunité de s’adresser à ses militants sur la citoyenneté responsable, la tolérance, le respect de la différence, le respect de la loi électorale et des principes de la démocratie.
Si le Burkina Faso veut sortir la tête haute de cette échéance, il est du devoir de tous les compétiteurs de faire preuve de retenue dans leurs propos, de s’abstenir de toute forme de violences et d’éviter tout vocabulaire ordurier ou d’intimidation, tout discours haineux ou toute incitation aux excès de toute nature.
Il est en outre de bon aloi de rappeler aux candidats que la campagne électorale ne peut en aucun cas être cause de l’arrêt du fonctionnement de l’appareil étatique. Elle ne doit pas être non plus l’occasion pour utiliser les fonds publics servant au fonctionnement des services et institutions de la République à des fins propagandistes. Le faire, c’est violer nous-mêmes les textes que nous avons conçus.
L’autre aspect de la campagne dont les partis politiques se doivent de se départir, ce sont les promesses fallacieuses, démagogiques. Il ne faut s’inscrire dans une logique de berner nos pauvres parents en milieu rural, d’aller cultiver la haine à travers champs et bois. Les promesses irréalistes et irréalisables sont à bannir. Ce jeu malhonnête engendre au final le dégoût, la réprobation et le désintéressement de la politique. Si on croit en la conception aristotélicienne de l’homme, on ne doit pas se réjouir que les citoyens se désintéressent de la politique. Aristote soutient que l’homme est un animal politique. Et le bonheur réside au moins dans une de ses dimensions essentielles, dans la participation à la vie de la cité.
C’est là que réside la valeur de la qualité de citoyen. Aristote va plus loin en distinguant ceux qui participent pleinement à la vie de la cité (citoyens) et qui n’y participent pas (esclaves) ou seulement partiellement (métèques). Osons dire que nous ne voulons ni esclaves, ni métèques au Burkina Faso. Nous voulons des citoyens, des hommes et des femmes qui participent pleinement à la vie de la nation. Tout acteur politique doit travailler à donner envie à chaque citoyen de participer à la vie et à la construction de la cité. On dit que la démocratie est une question de participation populaire. Chacun doit se demander pourquoi les uns vont voter le jour du scrutin et que les autres, visiblement, s’en moquent.
Lorsque qu’on jette un regard sur l’histoire récente de notre pays en termes de participation des Burkinabè à des élections depuis 1991, période considérée comme celle du retour à une vie constitutionnelle, il y a urgence à œuvrer pour une amélioration de la chose politique. Au référendum constitutionnel de 1991, le nombre de Burkinabè inscrits sur la liste électorale était de 3 403 351. Le taux de participation, 48,78%. A l’élection présidentielle de 1991, on a enregistré 3 433 331 inscrits avec un taux de participation de 25,28%. Aux législatives de 1992, le nombre d’inscrits a été de 3 564 510 pour un taux de participation de 35,25%.
Aux législatives de 1997, on a dénombré 4 985 352, un taux de participation 44,53%. Aux législatives de 2002, sur près de 11 000 000 de Burkinabè, environ 3 000 000 se sont inscrits sur les listes électorales. Sur près de 13 900 000 habitants dont au moins 40% en âge de voter, on a obtenu que 3 918 103 d’inscrits pour le scrutin présidentiel du 13 novembre 2005. Au final, seulement 2 288 257 sont allés voter. Pourquoi donc ce manque d’engouement ? Pourquoi un tel désintérêt vis-à-vis de la politique ? Cette question, chaque acteur politique se doit de la poser. Les Burkinabè peuvent mieux faire.
Pour ce scrutin du 2 décembre, les 74 partis et formations politiques en lice pour les élections législatives et les 81 partis politiques engagés dans la compétition pour la conquête des mairies font le pied de grue auprès des populations pour solliciter leurs suffrages. Ceux-ci devront rivaliser d’arguments et d’ingéniosité pour convaincre 4 363 817 électeurs régulièrement inscrits et répartis dans les 14 699 bureaux de vote implantés sur toute l’étendue du territoire national. Combien iront voter nos députés et conseillers municipaux le jour du scrutin ? Les candidats qui sillonnent du 17 au 30 novembre 2012 les quatre coins du Burkina Faso, à la conquête des voix des électeurs doivent convaincre surtout les Burkinabè sur la nécessité de participer au scrutin. Un scrutin pas comme les précédents en ce sens que les électeurs doivent voter deux fois le même jour, pour choisir leurs députés et leurs conseillers municipaux.
Les désenchantements multiples dus aux promesses non tenues sont la cause de la difficile mobilisation des citoyens le jour du scrutin. Il faut convaincre déjà les inscrits qui ont la perception suivante de la politique : « Que je vote ou pas, ça ne changera rien ». Dans le respect mutuel, la tolérance et la non-violence, les hommes politiques doivent convaincre les abstentionnistes, les sceptiques qu’ils ont intérêt à aller aux urnes. Convaincre les électeurs nécessite que chacun des partis engagés dans la bataille électorale place l’intérêt de la Nation au-dessus des intérêts partisans et individuels.
Que chacun dans ses meetings, assemblées générales ou porte-à-porte fasse preuve de respect des autres dans ses discours et s’abstienne de tout comportement de nature à mettre en péril l’unité nationale. C’est ensemble main dans la main que nous pourrons faire émerger le Burkina Faso. Aussi, mieux vaut être élu pour diriger une cité vivante, dynamique et prospère que pour diriger une cité fantôme, dévastée par le volcan de la politique et habitée par des populations désabusées ! La décadence d’une société commence lorsque la population se demande « Que va-t-il arriver ? » au lieu de « Que puis-je faire ? »