Les faits de corruption dans le dossier de réfection de la maison des jeunes et de la culture de Diébougou sont têtus. Ils sont indéniables et d’une extrême gravité, en tout cas assez graves pour que la Directrice générale du Centre national de lecture et d’animation culturelle (CENALAC), soit relevée entre temps de ses fonctions. Après une saisine adressée au ministre de la culture et du tourisme en 2011 et des sorties de suivi en 2012 et 2013 sans satisfaction, le REN-LAC s’est résolu à publier les résultats de son enquête.
Malversations flagrantes et impunité, tels sont les termes qui conviennent au dossier CENALAC. Sous l’égide du CENALAC, les appuis des partenaires techniques et financiers, devaient permettre de transformer les maisons des jeunes et de la culture des provinces bénéficiaires dont celle de Diébougou en CELPAC (Centre de lecture publique et d’animation culturelle). Selon la convention entre l’Etat burkinabè et les partenaires techniques et financiers, les travaux de réfection devaient être effectués par des entreprises recrutées au niveau local, le CENALAC se contentant de fixer les coûts à ne pas dépasser pour chaque réfection dans les localités. Mais dans les faits, ce ne fut pas le cas. Le CENALAC, après un changement au niveau de sa Direction générale, sans s’en référer aux partenaires a commis un seul et même entrepreneur pour effectuer tous les travaux de réfection dans toutes les localités, via une entreprise, qui demeure sans traces à ce jour.
CENALAC: un cas typique de dysfonctionnement dans l’administration burkinabè
Les travaux n’ont pas été correctement effectués à Diébougou et on ne pouvait que constater des dégradations sur les bâtiments après deux saisons de pluies. C’est pourquoi la municipalité n’a pas accepté réceptionner le bâtiment refait. Les travaux se sont déroulés sans contrôle et sans suivi. Le chaos total était par conséquent à prévoir. Aucune trace des brasseurs prévus dans la bibliothèque et des vitres, une salle de lecture inondée après la moindre pluie, alors même que depuis la construction de la maison des jeunes en 1958, l’eau n’était jamais entrée dans le bâtiment, une terrasse fissurée. Le terrain devait être relevé à cause de l’emplacement dans un creux, cela n’a pas été effectué et rien n’a été fait dans la cour pour permettre les activités d’animation culturelles. Les installations électriques mal faites ont failli détériorer les appareils de sonorisation et le poste téléviseur. Manifestement, après avoir payé à la Directrice générale ses « commissions », l’entrepreneur très proche de son époux ne pouvait que fournir de mauvais résultats. On lui demandait en fait, de faire des réalisations de huit millions avec seulement un million de FCFA !
Des coûts multipliés par deux ou trois,
La cour n’a pas été aménagée comme prévu, les peintures ne sont pas celles qui ont été recommandées, alors que les prix sont multipliés par deux, voire par trois dans certains cas.
Les fonds étaient gérés au niveau du CENALAC avec la DG comme ordonnatrice. Elle faisait débloquer l’argent pour telle ou telle activité, mais c’était son entrepreneur à elle qui effectuait tous les travaux. Le même entrepreneur fabriquait les cartes d’abonnement à la bibliothèque, s’occupait de la confection des meubles, etc. Des meubles de très mauvaise qualité qui se sont abimés en un an ! Et la livraison se faisait de nuit. Ainsi, certaines bibliothèques entraient en possession de leurs meubles à 23 heures et c’était le gardien qui signait l’accusé de réception! Les coordonnateurs de zone n’ayant jamais été associés, ils étaient dans l’incapacité de valider ce qu’ils n’avaient jamais vu, alors que les répartitions des dotations devaient se faire par zone sous leur responsabilité. Ce qui n’a pas été le cas : tout partait du CENALAC.
Devant l’insistance d’un des partenaires qui a suspendu les financements avant même la réalisation de la moitié du projet, la Directrice générale fautive a été évincée en Conseil des ministres. Mais le mal était déjà fait. Auparavant elle avait déposé en vrac des pièces supposées être les preuves de l’utilisation des fonds alloués par les partenaires dans lesquelles il était impossible de distinguer à quelle dépense était liée telle ou telle pièce.
Cinquante millions de Francs dilapidés !
A la fin du projet en 2011, l’évaluation s’est avérée impossible. Et Diébougou n’a pas été le seul cas. Il y a eu aussi Ziniaré et Yako, province dont est originaire la Directrice générale. Pour cette localité, elle a ponctionné dans les financements des autres régions pour faire monter le budget de réfection de la bibliothèque provinciale à 13 000 000 F CFA.
Même les rémunérations des formateurs n’échappaient pas à la voracité de la Directrice générale.
Les fausses factures fournies au partenaire portaient des entêtes d’entreprises qui n’existaient nulle part !
La somme disparue ainsi frauduleusement se chiffre entre 40 et 50 millions de FCFA. Voilà pourquoi il n’y a pas eu entre autres une vraie réhabilitation de la bibliothèque de Diébougou.
Cet exemple de mal gouvernance est demeuré une épine aux pieds des autorités qui ont refusé de faire la lumière sur cette affaire afin que les responsables répondent de leurs actes devant les juridictions. En pareille circonstance le limogeage ne suffit pas, il faut des sanctions exemplaires et dissuasives.
L’attitude des autorités face à la question est pour le moins inadmissible. L’affaire a d’abord fait l’objet d’investigation de l’inspection des services dudit ministère, mais le rapport d’enquête, transmis au ministre d’alors a été rangé dans les tiroirs. Décidément, le ministre qui avait fait venir sa nièce du MEBA pour la nommer DG ne voulait pas la punir.
Après ses investigations, le REN-LAC a adressé une saisine au ministre de la culture. Des investigations ont encore été faites par l’inspection des services du ministère qui ont abouti aux mêmes résultats. Le rapport d’enquête a encore été transmis au ministre, mais à ce jour, aucune copie dudit rapport n’a été officiellement transmise au REN-LAC. Mais une fois de plus, ce rapport semble subir le même sort que le premier ! La conclusion qui pourrait s’en dégager c’est que la DG a bénéficié d’un soutien de taille. Elle semble encore bénéficier de l’impunité, puisque le nouveau ministre non plus n’a rien fait jusque-là.