En République démocratique du Congo, le Kivu répond une fois de plus à son qualificatif de région tourmentée de ce vaste pays. Depuis le week-end dernier, les armes tonnent à nouveau dans la partie nord de cette région frontalière avec le Rwanda. Les affrontements opposent les Forces armées de la RD Congo (FARDC), appuyées en moyens aériens par la Mission de l’ONU pour la stabilisation de la RD Congo (MONUSCO), à la rébellion du M23 constituée d’anciens soldats intégrés à l’armée régulière en 2009. Les rebelles sont même en position de force. Hier, au moment où ces lignes étaient rédigées dans l’après-midi, ils étaient en train de livrer combat aux FARDC dans les faubourgs de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu.
Les informations faisaient état d’une population terrée chez elle, apeurée, et de militaires et autorités fuyant la ville. Peut-être que la situation a changé, dans un sens ou dans l’autre, au moment où vous lisez ces lignes. L’offensive du M23 qui, pour le moment, a submergé la MONUSCO et ses hélicoptères ainsi que l’armée congolaise, a suscité un Conseil des ministres extraordinaire à Kinshasa et une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU à New York. Preuve que l’heure est grave. Comme toujours, le pouvoir de Kinshasa a accusé le Rwanda d’être derrière cette rébellion qu’il finance, arme et entraîne. Un soutien qui a rendu le M23 si fort au point de mettre en déroute l’armée loyaliste et contraindre la MONUSCO à mettre son personnel en lieu sûr. Les autorités congolaises ne sont pas loin de penser que le Rwanda leur a déclaré une guerre par le biais de cette rébellion. Mais au lieu de contrer l’action militaire, Kinshasa semble avoir concentré ses efforts sur les accusations contre le Rwanda. Pendant ce temps, la rébellion qui ne rencontre aucune résistance digne de ce nom sur le terrain, décide des attaques à mener, des localités et des villes à prendre ou pas. Hier acculée, la voilà aujourd’hui en position de force et qui dicte sa loi sur le terrain. Qui l’eût cru ? L’histoire semble se répéter dans cette région d’où, en 1997, est partie la rébellion d’un certain Laurent Désiré Kabila pour aller chasser Mobutu du pouvoir. A l’époque, son action avait été vue salvatrice. Aujourd’hui, et sans exagérer, bien des gens éprouvent également ce sentiment. C’est ne pas voir au-delà du bout de sa lorgnette que d’expliquer la débâcle des forces loyalistes face aux rebelles en se tablant uniquement sur le plan militaire. Les raisons de cette situation sont ailleurs. Manifestement, il y a un sérieux problème que, jusque-là, il n’y ait pas une union sacrée des Congolais pour défendre leur territoire dont l’intégrité est mise à mal. Mais comment le faire dans un contexte où l’unité et la cohésion nationales ont été fragilisées par la dernière élection présidentielle ? Les ressentiments contre le président sortant, Joseph Kabila dont il est de notoriété publique qu’il a été mal réélu, sont toujours présents. Il est difficile pour certains Congolais de se mettre en colonnes couvrées derrière un chef de l’Etat dont ils contestent la légitimité. C’est à se demander même si ces derniers ne se réjouissent pas de la situation et souhaitent la perte du « mal élu », de « l’usurpateur ». Le déficit démocratique, la mauvaise gouvernance, la corruption, l’impunité, les violations des droits humains, le déni de Justice, la pauvreté, sont autant de maux qui sapent le patriotisme des Congolais. Et personne, militaires comme civils, ne veut se sacrifier pour son pays. Bien au contraire, ils en veulent au régime qui ne fait rien pour lutter contre ces fléaux qui minent le pays et sont un terreau fertile aux crises sociales et aux rébellions. Tant qu’il n’y aura pas un régime légitime et accepté de tous les Congolais, à Kinshasa, l’instabilité sera toujours de mise. Si le soldat Kabila veut donc être sauvé, il faudra bien qu’il change.