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Affaire Badini et Somkinda : « Nous allons saisir le chef de l’Etat qui préside le CSM »
Publié le samedi 17 novembre 2012   |  L`événement




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Gnanou Karfa, SG du syndicat Burkinabè des magistrats

Dans l’interview qui suit, le syndicat burkinabè des magistrats à travers son secrétaire général Gnanou Karfa, dénonce le jugement rendu par le conseil constitutionnel en faveur des magistrats Boureima Badini et Somkinda Traoré en lice pour les élections législatives de décembre 2012. Le syndicat n’entend pas rester là sans donner de la voix. Il entend même, dans une unité d’action, saisir les instances habilitées à se prononcer sur les cas de violations des règles qui régissent le fonctionnement du corps : le ministre de la justice qui peut saisir le conseil de discipline et le conseil supérieur de la magistrature présidé par Blaise Compaoré.

Y’a-t-il une différence entre « recours en inéligibilité » et « recours contre l’éligibilité »

Pour notre part, il n’ya pas de différence fondamentale puisque comme pour ceux qui ont suivi l’audience, l’inéligibilité c’est la situation de quelqu’un qui n’est pas éligible. Donc le recours contre l’éligibilité d’un individu c’est en même temps le recours pour son inéligibilité. Il est par conséquent évident que les deux termes, si on ne peut pas dire qu’ils sont synonymes, sont équivalents. Je pense que c’est d’ailleurs dans ce sens que le Conseil constitutionnel est allé dans sa décision. Si vous lisez la décision vous allez vous rendre compte que le conseil a dit que « le recours en inéligibilité » d’un candidat c’est en même temps le recours contre son éligibilité. Donc je pense que sur cette question il n’y a plus de débat.

Quel commentaire le Syndicat Burkinabè des Magistrats fait sur le fait que les candidatures des deux magistrats Boureima Badini et Somkinta Traoré ont été validées ?

Vous savez, il est dit généralement que le magistrat, lorsqu’il est en exercice a une obligation de réserve qui l’empêche donc de faire des commentaires sur des décisions de justice. Mais pour deux raisons, nous allons donner notre point de vue sur le contenu essentiel de cette décision du Conseil constitutionnel. Le premier élément est que nous pensons qu’en notre qualité de responsable syndical, c’est de notre devoir que de nous prononcer sur des questions qui touchent aux intérêts de la magistrature ou qui touchent à l’indépendance et à l’impartialité de la magistrature. En France par exemple, les syndicats de magistrats se prononcent publiquement sur les projets de loi notamment en matière pénale. Le deuxième élément est que pour nous et jusqu’à preuve du contraire le Conseil constitutionnel, dans sa version actuelle est une institution et non une juridiction et ce statut donne droit aux magistrats de se prononcer d’une manière ou d’une autre sur ses décisions.

Cette précision donnée, il faut dire qu’au niveau de notre syndicat, nous ne partageons pas le contenu de la décision que le Conseil constitutionnel a rendue. En effet, cette décision suppose simplement que tout magistrat qui est dans une position de détachement peut être candidat alors qu’il faut rappeler les dispositions dans un premier temps du statut de la magistrature. Ce statut interdit en son article 35 la possibilité pour tout magistrat de pouvoir militer dans un parti politique ou d’exercer des activités politiques. Je pense que déjà sur cette base, il est très pertinent de voir qu’en fait, le législateur a entendu tout mettre en œuvre pour que le magistrat en tant que tel et non le juge puisse être à l’écart de la sphère strictement politique. Mais pour laisser une ouverture au-delà de cette interdiction formelle de militer dans un parti politique ou d’exercer des activités politiques, il est dit à l’alinéa 2 du même article qu’il est possible au magistrat en activité de se porter candidat à conditions de se mettre momentanément ou définitivement en dehors de la magistrature. Ainsi, trois mois avant les élections, le magistrat qui est en activité et qui veut se présenter à un poste politique électif doit obtenir une décision de démission ou obtenir une décision de mise en position de disponibilité. C’est à cette condition donc à savoir l’obtention préalable de l’une de ces deux décisions que le magistrat en activité peut être candidat à des élections. Pour nous, le terme magistrat en activité est utilisé tout simplement pour désigner la personne qui a acquis la qualité de magistrat et qui n’en a pas encore été déchargée ni par la démission ni par une disponibilité encore moins par la retraite. Cela ne devrait pas être confondu avec la position d’activité qui est une position à un instant déterminé du magistrat en activité, une notion juridique qui est visée à l’article 28 du statut de la magistrature. En fait, cet article donne un peu les différentes positions qu’un magistrat en activité peut occuper. Ce sont donc la position d’activité qui est celle d’être en juridiction ou au niveau du ministère de la justice, la position de détachement qui ne peut avoir qu’auprès de structures limitativement énumérées au nombre desquelles ne peut nullement figurer la Présidence du Faso et la position de disponibilité qui est en fait une sortie momentanée du corps de la magistrature.

Par conséquent, il y a une différence fondamentale à faire entre la notion de position d’activité du magistrat et la notion de magistrat en activité. Et sur cette base bien évidemment nous pensons qu’on devrait pouvoir qualifier ces deux magistrats là de magistrats en activité puisqu’ils peuvent se prévaloir du titre de magistrat, ça c’est le premier aspect, et ensuite ils bénéficient des avantages essentiels liés donc à la qualité de magistrat à savoir la comptabilisation de la durée passée en détachement comme temps d’activité donnant droit à l’avancement et à la retraite et l’obligation pour l’organisme d’accueil de payer à l’agent détaché une rémunération au moins égale à la rémunération de son service d’accueil. Le droit à l’avancement, le droit à la retraite et le droit à un salaire sont des droits fondamentaux de tout agent public et dès lors qu’on bénéficie d’un certain nombre de droits au titre d’un corps, on doit s’attendre de façon subséquente à être tenu des obligations qui doivent peser sur vous au titre de ce corps. Pour notre part, ces deux magistrats sont dans cette situation et il devrait également être soumis à l’interdiction de se porter candidat sans démissionner ni prendre une disponibilité.

Les documents que possédaient les deux candidats du CDP ne les ont –ils pas disculpé ?

Sur cette question, il faut dire que dans le cadre de la procédure et ayant assisté à l’audience nous nous sommes rendu compte que ces deux magistrats ont produit des décrets de détachement. Ainsi, BADINI Boureima est détaché à la présidence du Faso et Somkinda TRAORE/OUEDRAOGO est détachée à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale puisque la concernée assume la fonction de directrice générale. Alors, pour nous ça ne devait pas être suffisant, puisque le décret en lui-même consacre une position du magistrat en activité. Si pour nous la position de détachement ne suffit pas pour être candidat, ce n’est pas le décret qui va venir conférer cette possibilité à un magistrat de se porter candidat. En clair, pour nous, être en détachement empêche le magistrat d’être candidat pour les raisons que nous avons évoquées tantôt. Etre en détachement c’est véritablement une situation dans laquelle nous, nous pensons que le magistrat est en activité.

Hormis le détachement donc ?

Non pas hormis le détachement puisque le détachement ne suffit pas pour être candidat. Il faut démissionner ou prendre une disponibilité alors que les documents qui ont été produits ne font référence à aucune de ces situations. Il faut également dire que les débats à l’audience ont montré que les décrets de détachement étaient entachés d’un certain nombre d’irrégularités mais le Conseil constitutionnel a refusé de se prononcer sur ces irrégularités au motif ou sous prétexte (c’est selon) qu’elles ont été soulevées tardivement ne respectant pas ainsi un des principes du procès qui serait celui du contradictoire. Nous pensons que là encore, si vous parcourez la décision vous pourrez faire votre idée sur le respect de ce principe dans la mesure où les décrets incriminés ont été produits par les défendeurs donc par les mis en cause, et pour notre part la partie adverse n’a fait que des observations sur ces décrets en relevant les irrégularités. Ainsi vu, ces irrégularités pouvaient être relevées à tout moment du procès l’essentiel est que les autres parties aient la possibilité de se prononcer et telle que les choses se sont déroulées à l’audience, ils ont eu la possibilité de se prononcer sur ces irrégularités invoquées par la partie demanderesse.

Est-ce-que le procès en lui-même a-t-il été entaché par ces irrégularités ?

Le procès en lui-même ? Personnellement, je ne le pense pas. Peut-être la décision en refusant d’examiner les irrégularités invoquées, c’est peut être là qu’on peut se poser la question. Autrement, les irrégularités en elles-mêmes n’ont pas eu d’impact sur le déroulement du procès en mon sens. Seulement, pour nous, le Conseil aurait pu les prendre en compte, les analyser, pas forcément pour dire qu’elles sont justifiées mais les analyser et tirer telle ou telle conclusion, mais cela n’a pas été fait.

Quelle est la conséquence d’une telle décision sur le corps de la magistrature ?

Justement ! Juste avant cette interview, j’ai entendu une collègue dire, en parcourant la presse écrite, que nous tous, parlant de l’ensemble des magistrats, nous pouvons devenir député. A part cela, le sentiment général c’est qu’effectivement les magistrats en juridiction sont en train de s’estimer comme étant les corvéables de la maison en justice. Il leur revient de bosser pour redorer le blason du ministère de la justice ou du secteur de la justice, de travailler pour qu’effectivement la justice puisse être au rendez-vous des différents défis qui se posent à elle. Ils sont sous les feux des projecteurs lorsqu’on parle de lenteur de la justice, de corruption au sein de la justice ou d’inféodation de la justice aux autres pouvoirs constitutionnels. Pendant ce temps, il y a d’autres acteurs qui sont ailleurs et qui ne leur facilitent pas la tâche. Il y a quand même un sentiment, si vous voulez, d’abandon et de manque de considération pour ceux qui sont restés en juridiction. L’idée générale qui se dégage est que si c’était aussi simple que ça, le législateur burkinabè n’allait pas dire que pour être candidat, il faut démissionner ou prendre une disponibilité parce que tant de magistrat sont en mesure de se faire mettre en position de détachement. Il y a d’ailleurs une politique non écrite dans ce sens, surtout lorsqu’il s’agit de poste au niveau international.

Imaginez que tous ces magistrats optent de postuler à des postes politiques électifs ou que tout magistrat qui veut aller en politique, soit obligé seulement de se faire détacher. Pour nous, toutes les fois qu’il est facile de contourner une loi c’est qu’on n’a pas encore la bonne interprétation.

Est-ce que dans le fond il est étonnant de voir ces trois-là rentrer comme cela dans la scène politique étant donné qu’ils occupent déjà des postes politiques ?

Etonnant qu’ils veuillent être sur une liste de députation peut être pas mais cela n’est pas à mettre en relation avec les postes qu’ils occupent actuellement ou qu’ils ont occupé.

Autrement, si pour monsieur BADINI et madame TRAORE on peut assimiler leurs postes à des postes politiques, le poste de conseiller technique occupé par madame KOUPOULI Nabarino Lucie n’est pas politique. Encore qu’un poste nominatif peut être politique sans que celui qui l’occupe ne soit politique. C’est le sens de la dépolitisation de l’administration publique. Par contre, postuler à un poste électif politique dans notre contexte de refus des candidatures indépendantes ou individuelles suppose que le candidat appartient à un parti politique.

Relativement à la décision qui est sortie, ça n’étonne particulièrement pas parce que nous sommes dans un contexte démocratique également qui a ses limites, qui a ses failles en relation avec le processus de nomination des membres du Conseil constitutionnel. Il est vrai que les membres du Conseil constitutionnel invoquent continuellement le devoir d’ingratitude mais il est très difficile dans notre contexte actuel qu’effectivement ces membres puissent mettre en œuvre ce devoir d’ingratitude. Ainsi, il y a d’abord la présomption de bonne foi qui devrait nous animer et animer toute personne qui s’adresse au Conseil constitutionnel. Mais pour vos lecteurs, je voudrais relever certaines choses qui ont été entendues à l’audience publique du 25 octobre dernier. Concernant monsieur Boureima Badini, il a été mis en détachement à la Présidence du Faso pour 5 ans et à compter du 5 septembre 2007. Donc au plus tard, le 4 septembre 2012 son détachement a pris fin. Les candidatures ont été déposées entre le 10 et le 23 septembre 2012. Il n’a donc pas pu déposer sa candidature à une période où il était en détachement et surtout qu’en suivant la presse on s’est rendu compte que le CDP a déposé sa liste le 23 septembre 2012. Il est à noter qu’au cours de l’audience, il n’a pas été cité un décret de renouvellement, c’est celui de 2007 qui a été discuté. C’est dire donc que même en écartant les commentaires faits à l’audience, et dans la mesure où le décret avait fini de produire ses effets, le Conseil devait trouver d’autres motifs pour valider la candidature de monsieur Badini ou à l’impossible, l’invalider.

En ce qui concerne madame TRAORE, sa situation répond plus à l’idée de détachement. Les irrégularités que nous avons relevées au cours de l’audience et qui valaient pour le décret de monsieur BADINI à en croire les plaidoiries, sont relatives à la signature en ce qui concerne le contrôle financier qui est d’une personne qui n’était pas nommée au moment de la signature. Selon toujours ce qui est ressorti à l’audience, les numéros de visas du contrôle financier se suivent de façon continue, le numéro du décret de 2007 est suivi immédiatement par celui de 2011, ce qui suppose que soit aucun agent n’est allé en détachement au cours de la période ou encore aucun magistrat n’est allé en détachement au cours de la période. Alors qu’il ya des exemples qu’on peut donner à profusion pour montrer qu’au moins d’autres magistrats ont été détachés. Donc au regard de tout ces éléments, nous pensons que le Conseil constitutionnel, n’eut été le fait qu’il ait invoqué la violation du principe du contradictoire, devrait analyser ces irrégularités et tirer toutes les conséquences.

Qu’est-ce que les syndicats de la magistrature comptent faire pour remettre les choses à l’endroit afin que les règles qui régissent le corps soient respectées ?

Il est évident que notre marge de manœuvre est très limitée puisque nous n’avons pas de pouvoir de saisine de notre conseil de discipline mais comme il faut le savoir, entre les lignes il y a quand même des questions de déontologie qui sont en cause ici. Si on dit clairement que ces trois personnalités ou ces magistrats peuvent être candidat en même temps, il appartient au ministère de la justice de voir s’il n’y a pas des questions de déontologie qui ont pu être foulées au pied et dans cette logique il y a des démarches en cours entre au niveau du SBM dans le sens d’approcher la personne indiquée aux fins de saisir le conseil de discipline ou l’inspection des services judiciaires pour enquête et suite à donner. Donc nous allons faire une démarche en amont pour demander au ministre de la justice de saisir le conseil de discipline ou l’inspection des services judiciaires afin que ces structures puissent chercher à comprendre qu’est ce qui s’est réellement passé. En effet, l’interdiction d’exercer des activités politiques, elle, est totale. Si on arrive à participer à des primaires et à être retenu comme personne susceptible de faire gagner le parti dans un contexte bien précis, c’est qu’on mène au sein de ce parti des activités politiques et pour nous le conseil de discipline est bien compétent pour se prononcer sur tous ces faits. Nous ne disons pas que directement le conseil de discipline va entrer en voie de condamnation mais il est important que dans un Etat où les structures doivent fonctionner, qu’on saisisse le conseil de discipline de la magistrature afin qu’il puisse se prononcer sur cette question de participation à la vie politique ou de militantisme dans un parti politique. Au-delà de tout, nous n’allons exclure aucune voie, nous allons saisir le chef de l’Etat qui préside le conseil supérieur de la magistrature qui est le garant de l’indépendance de la justice de tous ces éléments, les irrégularités qui ont été invoquées sur les décrets et d’autres irrégularités tendent à faire comprendre qu’il est celui à qui il faut s’adresser. Nous n’allons pas ménager nos efforts également pour le toucher et l’interpeler quant à sa responsabilité relative donc à l’indépendance et à l’impartialité de la justice au niveau de notre pays. Tout compte fait, il est évident que nous évoluons aujourd’hui dans un cadre unitaire au niveau des syndicats de la magistrature et nous essayerons d’entamer les démarches de façon unitaire. En clair, nous n’allons pas rester les bras croisés, nous allons initier toutes les démarches que nous estimons relever de notre devoir en tant que syndicat de magistrats attaché aux principes de séparation des pouvoirs, d’indépendance et d’impartialité de la justice.

Les deux (Badini et Somkinda) sont issus du parti du chef de l’Etat, est-ce que votre intention ne sera pas foirée en ce sens que c’est lui le président du conseil supérieur de la magistrature ?

Vous savez j’ai dis tantôt que nous avons la présomption de bonne foi de tous les acteurs impliqués, c’est un élément que nous devons mettre au devant de toute chose dans notre contexte et un chef d’Etat lorsqu’il est élu, il n’est plus le chef d’un parti même si nous savons que dans nos contrées c’est difficile. Mais toutes les fois que nous avons pu initier de telles procédures tendant à leur faire rappeler ce qu’ils étaient en devoir de faire, ils ne pourront pas nous reprocher de ne les avoir pas saisi, interpelé. Donc nous allons jouer notre rôle en amont à savoir, interpeler, saisir, protester contre ce que nous pensons qui ne se réalise pas de façon satisfaisante en conformité avec les principes et il appartient aux autorités que nous avons saisi d’en décider et bien évidemment nous allons utiliser les décisions qu’elles vont prendre pour toujours aller dans le sens de notre action de sensibilisation et de mobilisation des magistrats.

Interview réalisée par

Wilfried BAKOUAN et transcrit par

Hamidou TRAORE (Stagiaire)

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