La récente prise d’otages de plus de 200 filles par le groupe extrémiste Boko Haram qui règne en maître absolu sur le nord du Nigeria continue de susciter une indignation légitime à travers le monde. Cet énième acte ignoble et digne des siècles de l’obscurantisme nous donne l’occasion encore une fois de nous interroger sur la réalité de l’Etat africain. Existe-t-il de véritables Etats sous nos tropiques? Cette question, qui peut relever de la pure provocation à certains égards, demeure tout de même pertinente. Qu’est-ce qu’un Etat lorsque celui-ci ne peut pas tout simplement garantir la sécurité sur l’ensemble de son territoire? Qu’est-ce que la souveraineté des Etats africains lorsque ce sont encore les forces spéciales occidentales qui doivent intervenir pour la libération de nos chères filles? Pourquoi l’Occident devrait-elle nous traiter en partenaire égal quand nous sommes incapables de garantir notre propre sécurité? Je voudrais bien entendre parler nos chers souverainistes à la sauce africaine qui pourfendent l’impérialisme à longueur de journée! Il est clair que ce qui caractérise la nébuleuse communauté internationale, ce sont les rapports de force où les plus forts veulent toujours dominer les plus faibles. Mais il me semble de plus en plus que les véritables impérialistes qui sont la cause principale des malheurs du continent doivent être recherchés ici entre Africains. La corruption a miné notre cher continent dans tous les ordres de la société. Or, la corruption a pour conséquence d’affaiblir durablement l’Etat. Sinon comment comprendre que la première puissance économique du continent soit incapable de faire face au groupe Boko Haram? Confronté à des défis sécuritaires aussi sérieux, le président Goodluck, qui a cru que le hasard de son nom lui permettrait de résoudre tous les problèmes du Nigeria, ne trouve rien à faire qu’offrir des tablettes en or à l’occasion du mariage de sa fille? C’est tout simplement révoltant et insultant pour nos peuples. Tout près de nous au Mali, le président IBK, qui a promis de restaurer la dignité du grand peuple malien contre les terroristes basés dans le nord de son pays, n’a trouvé rien d’autre à faire que de s’acheter un avion alors que les soldats maliens sur le front ne disposent pas d’armement sûr pour faire face à l’ennemi. C’est cela aussi les paradoxes africains!
L’Afrique, un repaire futur des groupes terroristes !
Hélas, si l’on y prend garde, à cette allure une bonne partie du continent va devenir le repaire des différents groupes terroristes qui fuient le continent asiatique. Les Français semblent l’avoir compris et il est clair qu’ils disposent d’éléments sérieux sur cette question. Ce n’est pas par hasard qu’ils envisagent modifier les missions de la Force Licorne en Côte d’Ivoire. L’initiative me semble cependant prématurée et risque d’exposer considérablement ce pays qui n’a pas encore fini de gérer les conséquences sécuritaires de la longue crise qu’il a traversée. Il faut craindre que les forces terroristes ne décident de s’attaquer à ce pays dans un souci de vengeance. C’est aussi cela un de leur mode opératoire. Si une telle hypothèse se confirmait, c’est toute l’économie de la sous-région ouest-africaine qui en pâtirait. Transformer les missions de la Force Licorne exige que se mène un débat de fond au parlement et au sein de la société civile ivoirienne. Il n’appartient pas à un ministre de la Défense français de l’annoncer de cette manière aux Ivoiriens.
De mon point de vue, une solution pour barrer la route aux terroristes en Afrique peut venir de la mise en place d’une force spéciale africaine formée pour cela. Par ailleurs, il faut encourager et mettre en place de véritables Etats démocratiques et engager une lutte impitoyable contre la corruption. J’ose espérer que la rencontre prochaine en été entre le président Obama et les dirigeants d’une quarantaine d’Etats africains sera l’occasion pour lui de rappeler les principes contenus dans son discours d’Accra et celui du Caire. Son secrétaire d’Etat a déjà donné le ton en République Démocratique du Congo.
Abdoul Karim Sango
Juriste
Membre de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI)
Enseignant de droit public à l’Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature (ENAM)