La Journée mondiale de la liberté de la presse a été instaurée par l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 1993. Mais savez-vous que l’Afrique en est le berceau ? En effet, cette consécration par l’ONU fait suite au séminaire pour le développement d’une presse africaine indépendante et pluraliste. Le rencontre à cet effet, tenue à Windhoek (Namibie), a abouti à l’adoption de la Déclaration dite de Windhoek qui appelait, entre autres, à la promotion d’une presse libre pour le développement et le maintien de la démocratie dans le monde. Cette journée, célébrée chaque année le 3 mai (date de l’adoption de la Déclaration de Windhoek en 1991), est à la fois une journée d’action à travers la mise en place d’initiatives visant à la défense de la liberté de la presse, une occasion d’évaluation de l’état de la liberté de la presse dans le monde, une journée d’alerte du public et de sensibilisation, un instant de stimulation du débat parmi les professionnels des médias ainsi qu’une journée commémorative en mémoire des journalistes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur profession.
Au Burkina Faso, les associations et réseaux de journalistes n’ont pas été en reste de celle commémoration internationale de la liberté de la presse. Entre panel et tournoi de football, elles ont, selon leurs moyens et le degré de mobilisation dans les rangs, sacrifié à ce qui est devenu, depuis, une tradition dans le secteur des médias du Burkina. Et ils ont choisi un thème à dessein qui est «Rôle des médias dans les situations d’effervescence (cas du Burkina Faso)». Il ne fait l’objet d’aucun doute que par ces temps qui courent, l’on ne saurait trouver sujet plus opportun. Du reste, le meilleur indice de cette effervescence sociopolitique se trouve déjà dans ce «second printemps» que connaît la presse burkinabè ces dernières années, avec ces journaux, radios et télés qui poussent comme champignons après l’orage. Conjoncture politique aidant, l’audiovisuel reprend des couleurs avec des courbes d’audience sans cesse ascendantes aux heures des infos ou des débats qui touchent particulièrement l’article 37 ou le référendum. Idem pour la presse écrite qui enregistre des records de vente ces derniers temps.
Devant cette heureuse prolifération des médias et l’intérêt du public toujours affiché, dans les jours, mois et années à venir, l’on comprend aisément la rude tâche qui attend le journaliste burkinabè dans sa mission d’informer. Ce n’est pas la matière qui viendra à manquer. En tout cas pas de sitôt. Le défi de taille reste la manière de traiter l’information. Face à la forte demande du public, la course effrénée aux scoops et aux sensationnels pourraient conduire à des dérapages aux conséquences insoupçonnées. D’où le fait que, malgré la diversité des lignes éditoriales et des positions sur les grandes questions de l’heure, le dénominateur commun doit être la responsabilité sociale du journaliste. Elle est la seule boussole dont doivent s’équiper les hommes de médias dans la situation d’effervescence politique à venir. Bien sûr, cette responsabilité sociale ne doit pas aliéner, outre mesure, la liberté d’informer, de critiquer ou de rendre compte. Elle l’accompagne, la complète. L’on pourrait nous rétorquer que les médias présument trop de leur force et que le public est mature pour séparer le bon grain de l’ivraie, mais sous d’autres cieux, l’on a vu le rôle néfaste joué par la presse. Aussi bien près de chez nous que dans des contrées éloignées.
C’est un truisme que de le dire, le Burkina aborde 2015 avec appréhension. Opposition et pouvoir sont à cran. L’opinion publique assiste à ce bras de fer la peur au ventre. Dans cette ambiance délétère, le journaliste, leader d’opinion par excellence, doit avoir le recul que lui impose son statut afin de jouer sa partition : celle du professionnalisme. Qu’importe que l’on soit de gauche ou de droite, pour ou contre un éventuel référendum. C’est vrai que, comparativement à d’autres hommes de médias sous d’autres cieux, ceux du Pays des hommes intègres n’ont pas beaucoup à rougir de leur attachement à la déontologie et à l’éthique de leur profession. Mais c’est dans les moments de crise que l’on mesure véritablement le sens de la responsabilité des hommes. Grands comme petits.