C’est parti pour deux mois d’enrôlement des électeurs pour la présidentielle de 2015. Après un petit retard à l’allumage, la machine de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) est donc enfin lancée. On se le rappelle, il a fallu en effet que le chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, exprime de vive voix ses inquiétudes par rapport au retard pris par la CENI, pour voir enfin le gouvernement débloquer la situation. Cet incident est aujourd’hui clos, place à l’inscription des électeurs sur les listes électorales. Une phase majeure du processus électoral commence ainsi. Elle est déterminante pour le reste des opérations électorales. Visiblement, le consensus est de mise chez tous les acteurs, autour de cet enrôlement. Personne n’a pour le moment remis en cause un quelconque aspect de l’organisation. Seules quelques rares voix, comme celle du député Ablassé Ouédraogo de Le Faso autrement, se sont insurgées contre les modalités de recrutement des opérateurs chargés de l’enrôlement. Il faudra donc attendre de voir si cette unanimité et ce calme prévaudront tout au long des opérations.
L’enrôlement étant lancé, l’heure n’est donc plus aux polémiques stériles. Il appartient maintenant aux partis et aux associations de jouer leur rôle, en mobilisant les citoyens afin qu’ils s’enrôlent. Si tous les partis sont d’accord que seules les urnes sont la voie pour rester ou accéder au pouvoir, alors, il ne reste plus qu’à appeler les gens à s’inscrire. C’est le premier pas vers les urnes. Sans carte d’électeur, pas de vote. On a beau être engagé, on ne pèsera pas sur le destin du pays sans carte d’électeur. C’est le premier geste civique et citoyen. La société civile, qui défend aussi l’appropriation par les populations de leurs droits civiques, notamment ceux de pouvoir élire leurs représentants et dirigeants, doit retrousser les manches. Amener tout Burkinabè en âge de voter à s’inscrire, tel est le challenge que tous doivent relever. Car pour une fois, le Burkina organisera une élection présidentielle disputée, si tout se passe bien. De par le passé, l’engouement des électeurs a été refroidi par le peu d’intérêt que revêtaient les scrutins présidentiels. Blaise Compaoré n’avait jamais eu en face de lui une opposition unie et des candidats de poids. Pour 2015, les enjeux seront nettement différents. Le parti au pouvoir, rompu à cet exercice du travail de terrain, mettra aussi sans doute les bouchées doubles pour une inscription massive de ses militants. Il sait qu’il aura affaire à forte partie, dans la bataille pour Kosyam, et qu’il doit de ce fait mettre tous les atouts de son côté.
La chasse aux électeurs commence donc dès l’enrôlement biométrique. Il faut seulement souhaiter que les uns et les autres sachent faire preuve de patriotisme dans cette phase délicate et décisive du processus électoral. Il y aura toujours, surtout au regard des enjeux de la présidentielle 2015, des petits malins pour vouloir s’adonner à la fraude. Mais en même temps, on sait pouvoir compter sur la vigilance de la CENI pour déjouer toutes les tentatives malveillantes. La CENI a pu le faire lors des enrôlements précédents, à travers la technique du dédoublonnage, ce qui a permis un déroulement serein des scrutins. Il faut donc continuer sur cette belle lancée. Me Barthélémy Kéré a pu, en dépit de quelques récriminations inévitables, instaurer et forger un consensus d’ensemble autour de sa gestion de la CENI. Depuis son élection à la tête de l’institution électorale, si problèmes électoraux il y a, ils sont plus du fait d’autres acteurs que de la CENI. Le Burkina a la chance, pour une fois, de disposer d’une CENI consensuelle et d’un mode d’enrôlement accepté de tous. C’est donc un acquis de taille que la CENI doit toujours travailler à consolider. La présence des représentants de la majorité, de l’opposition et de la société civile à la cérémonie officielle de lancement de la révision des listes électorales est tout un symbole. Elle traduit, pour le moment en tout cas, la confiance de l’ensemble des acteurs à l’égard de la CENI et leur volonté de l’accompagner dans son délicat travail. Me Barthélémy Kéré a réussi un beau coup : amener opposition et majorité à une élégance républicaine rare par ces temps qui courent .