« Encore quarante jours et Ninive sera détruite », a dit le prophète Jonas. Aussi, nous disons « Encore quelques jours et le carême sera fini. » Bientôt nous allons chanter la Ressurection et la gloire de Jesus. Après 40 jours d’efforts soutenus par la pratique des partages, des prières, des pénitences qui servent de piliers au carême, l’Eglise entre enfin dans la Terre Promise. Nous sommes dans la sainte semaine, une semaine qui sera marquée par différentes célébrations. Et pour plus d’éclaircissement, nous avons sollicité l’œil vigilent de l’aumônier adjoint des Lycées et Collèges, l’Abbé Mathieu Nicolas Koala de l’archidiocèse de Ouagadougou.
Pâques n’est pas qu’une fête ; Pâques, c’est la « solennité des solennités ». On le sait, la résurrection du Christ constitue le fondement, la base et le cœur de la foi chrétienne. Le message chrétien, l’Evangile, c’est-à-dire la Bonne Nouvelle que Paul n’a cessé de proclamer se résume à l’annonce de la résurrection :
« Je vous rappelle la BonneNouvelle que je vous ai annoncée ; cet Evangile, vous l’avez reçu, et vous y restez attachés ; vous serez sauvés par lui si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, ce n’est pas pour rien que vous êtes devenus croyants. Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Ecritures, et il a été mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Ecritures, et il est apparu à Pierre, puis aux et douze. Bref, qu’il s’agisse de moi ou des autres, voilà notre message, et voilà votre foi. » Le mystère de Pâques consacre la nouveauté radicale du christianisme et concentre son originalité d’une part et de l’autre, la foi en la résurrection fait l’unanimité et constitue un point de convergence de tous ceux qui se réclament disciples du Christ. La valeur de la résurrection transparaît encore plus clairement dans les paroles célèbres de saint Paul, écrites sur un ton polémique : « Si le Christ n’est pas ressuscité, notre message est sans objet, et votre foi est sans objet. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi ne mène à rien, vous n’êtes pas libérés de vos péchés. » La Pâques est loin d’être comme le disent certains en mooré « pakree » qui signifie « seulement une obligation », elle est plutôt l’essence de la foi chrétienne et les 40 jours de pénitence et de conversion pour la préparer (temps de carême), et 50 jours pour la célébrer (cinquantaine pascale), du dimanche de Pâques à la Pentecôte, descente du Saint Esprit sur Marie et les Apôtres en disent long sur son importance. Etymologiquement, triduum pascal provient du latin tri (tres = 3), dies (= jour) et paschalis (= pascal), adjectif dérivant de Pâques. Le triduum pascal désigne les 3 derniers jours de Jésus sur terre. Il commence le soir du Jeudi saint et s’achève le dimanche de Pâques, mais strictement le Jeudi saint n’en fait pas partie.
Le Jeudi saint, Cène du Seigneur est la fête de l’Eucharistie et du Sacerdoce. La célébration de la Cène du Seigneur, dernier repas de Jésus avec ses disciples la nuit du jeudi précédant sa mort, introduit l’Eglise dans le triduum pascal. L’Eglise commémore l’institution des sacrements de l’Eucharistie et de l’Ordre. Lors de son dernier repas pascal, la veille de sa mort, Jésus promet sa présence permanente au monde dans le mystère de l’Eucharistie : « Prenez et mangez, ceci est mon corps. Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude en rémission des péchés. » Le récit parallèle mais primitif de saint Paul ajoute : « ‘Faites cela en mémoire de moi’. Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. » Au cours de cette Cène qui constitue la première messe du monde, Jésus, en consacrant sa présence dans l’Eucharistie, confère en même temps à ses Apôtres le pouvoir de perpétuer sa présence au monde, sacramentelle mais réelle et non symbolique. Ainsi, le sacerdoce de la nouvelle Alliance devient intimement lié au mystère eucharistique, car comme l’écrivait le futur saint Jean-Paul II, « le prêtre fait l’Eucharistie et l’Eucharistie fait le prêtre. » C’est pourquoi le Jeudi saint est à la fois fête de l’Eucharistie et du Sacerdoce.
Durant la sainte Cène, Jésus a posé un geste fort symbolique et très expressif : le lavement des pieds. Ce geste de Jésus à l’endroit des disciples revêt une signification très profonde : en lavant les pieds de ses disciples, Jésus donne aux siens et au monde entier un exemple de service et d’humilité motivée par le seul amour qui va jusqu’au bout du don de soi : « Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. »
« Celui qui veut être le premier sera votre esclave. » Tel est l’esprit de Jésus que ses disciples doivent imiter en se démarquant de l’esprit du monde où la gloire et les honneurs comptent pour valeurs à rechercher à tout prix. Le rite du lavement des pieds que l’évêque ou le prêtre célébrant principal exécute après l’évangile, rappelle que dans l’Eglise, toute autorité est subordonnée au service humble et désintéressé du prochain : « Si donc moi le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » Imiter Jésus le Maître, c’est donner à son existence une dimension eucharistique en faisant de sa vie un service engagé du prochain dans le sens même de l’orientation de la mission de Jésus : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Le Vendredi saint, le service de l’humanité portera Jésus jusqu’au sacrifice suprême sur la croix. Il n’y a pas de messe le Vendredi saint même si la célébration prévoit la communion des fidèles avec les hosties consacrées à la sainte Cène le Jeudi saint. Cela est dû au fait qu’une messe suppose la consécration du pain et du vin en corps et sang du Christ alors qu’en ce jour, il vient d’être mis au tombeau. En réalité, ce que Jésus a accompli sacramentellement, c’est-à-dire à travers les signes le Jeudi saint, en l’occurrence le don de sa vie dans l’Eucharistie, il le réalise substantiellement dans le sacrifice de la croix où il meurt pour nous. Le Vendredi saint, tout gravite autour de la croix, symbole de toutes les souffrances humaines, devenue l’instrument de salut universel. Le chemin de croix, pratique dévotionnelle de méditation de la Passion, place la croix au cœur de l’existence chrétienne appelée à se positionner par rapport au Sauveur crucifié : « Celui qui veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. » Chemin de croix, chemin d’humilité et de foi, sur les traces du Christ qui sait qu’au cœur de tout amour véritable se dresse la croix !
Selon les dispositions du Code de Droit Canonique (Législation de l’Eglise Catholique) au canon 1251, le Vendredi saint est un jour d’abstinence et de jeûne : « L’abstinence et le jeûne seront observés le Mercredi des Cendres et le Vendredi de la Passion et de la Mort de Notre Seigneur Jésus Christ. » Et le canon 1252 de préciser les personnes concernées : « Sont tenus par la loi de l’abstinence, les fidèles qui ont quatorze ans révolus ; mais sont liés par la loi du jeûne tous les fidèles jusqu’à la soixantième année commencée. » Le soir du Vendredi saint a lieu dans l’église dépouillée ou un endroit sans décor particulier la grande célébration de la Passion du Christ avec les lectures du chant du serviteur souffrant, de la spécificité du sacerdoce du Christ et enfin le grand récit de la Passion selon saint Jean. Après la liturgie de la Parole vient la vénération de la croix : à chacune des trois étapes successives, celui qui porte le crucifix d’abord voilé en rouge, le dévoile progressivement puis le présente à la vénération en disant : « Voici le bois de la croix qui a porté le salut du monde », ce à quoi l’assemblée répond : « Venez, adorons. » Lorsque la croix est installée, les fidèles se succèdent pour la vénérer par une génuflexion et/ou un baiser.
La mort du Christ profite à l’humanité toute entière. C’est pourquoi la grande célébration de la Passion dominée par le rayonnement de la croix, prévoit avant la vénération une grande prière universelle aux dimensions du monde, comportant 10 intentions formulées suivies d’un temps de prière silencieuse et d’une oraison sacerdotale ; voici l’ordre de ces intentions : pour la Sainte Eglise, le Pape, le Clergé et le Peuple Fidèle, les Catéchumènes, l’Unité des Chrétiens, les Juifs, Ceux qui ne croient pas en Jésus Christ, Ceux qui ne croient pas en Dieu, les Pouvoirs Publics, Tous les Hommes dans l’épreuve. La célébration s’achève par le rite de communion.
Le samedi saint est le passage du silence à l’acclamation, de la nuit à la lumière. Aucune célébration communautaire n’est prévue en dehors de la Liturgie des Heures : l’Eglise est dans une phase d’attente, « Jésus Christ est descendu aux enfers ». Le Samedi saint est un jour d’abstinence et le jeûne est conseillé. La nuit du Samedi saint se tient la vigile pascale, « mère de toutes les veillées saintes », a dit saint Augustin. La célébration se déroule en quatre étapes : l’office de la lumière avec la bénédiction du feu nouveau, l’allumage du Cierge pascal, symbole du Christ ressuscité, et le chant de l’Exultet, l’annonce joyeuse de la Pâques ; puis vient la liturgie de la Parole avec 9 lectures. La joyeuse acclamation de l’alléluia (expression hébraïque signifiant « Louez Dieu ») reprend ses droits dans la liturgie où son usage est suspendu durant le carême. En troisième lieu intervient la liturgie baptismale avec la bénédiction de l’eau, l’administration du baptême et le cas échéant de la confirmation, ainsi que la rénovation des promesses baptismales des chrétiens. La dernière étape est la liturgie eucharistique. Le dimanche de Pâques, Jésus est ressuscité d’entre les morts. Une messe dominicale particulièrement solennelle marque le dimanche de Pâques, prototype de tous les autres dimanches. Les lectures évoquent le témoignage de la résurrection rendue par Pierre chez Corneille, et les exigences de la vie en ressuscité : « Recherchez les réalités d’en haut, où est le Christ » ou encore : « Vous serez une pâte nouvelle », et l’évangile relate le récit du tombeau vide ; avant l’acclamation et la proclamation de l’évangile intervient la séquence « Victimae paschali laudes », hymne « A la Victime pascale ». La Parole de Dieu rend compte de la réalité de la résurrection d’après le témoignage des Apôtres que Jésus avait instruits et à qui il est apparu. S’il y a messe le soir, l’évangile est celui de l’apparition aux disciples d’Emmaüs qui reconnurent Jésus à la fraction du pain. En espérant que ce bref aperçu de la riche liturgie pascale dans l’Eglise catholique permette de saisir quelque chose du mystère du Christ ressuscité, reste à souhaiter à tous de joyeuses Pâques. Bon et saint triduum pascal !