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Le Quotidien N° 1047 du 25/4/2014

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Sénégal : La tragicomédie des frères ennemis
Publié le samedi 26 avril 2014   |  Le Quotidien




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Macky Sall est tombé comme un novice dans le piège d’Abdoulaye Wade. En durcissant les conditions de son retour au Sénégal, après un long séjour en France, le président sénégalais offre à son prédécesseur une publicité gratuite imméritée. C’est ainsi qu’un retour au bercail d’un vieillard battu aux élections après avoir tenté de s’accrocher au pouvoir, qui aurait pu passer inaperçu, s’est transformé en un gain politique inespéré. Wade et ses ouailles en ont donc profité pour jouer les victimes d’un système autocratique instauré par Sall. Pourtant, il sait bien qu’il n’a pas de leçon de démocratie à donner qui que ce soit. On a vu comment pendant ses douze ans de règne, il a malmené ses opposants et tenté de s’octroyer un pouvoir à vie. Son retour au bercail n’a donc rien de celui d’un enfant prodigue. Mais voilà, en gérant maladroitement et fébrilement ce dossier, le pouvoir a offert un regain de popularité à Wade et à ses supporters. Oubliés le règne calamiteux du roi du Sopi, oubliés la gabegie et les détournements qui valent aujourd’hui au fils Wade d’être en prison. Face à un vieux briscard et à une bête politique de la trempe de Wade, tout dirigeant doit savoir se maîtriser. Cela commence par un respect de la liberté d’opinion et de manifestation.
Pour un pays démocratique comme le Sénégal, il faut éviter de poser certains actes. En rameutant toutes les forces de sécurité et en faisant des misères à Wade, Macky Sall s’inscrit dans une logique de confrontation qui n’a pas lieu d’être. Certes, il doit garantir l’ordre et la sécurité, mais pas au point d’enfreindre aux activités d’un parti. C’est vrai aussi que les esprits commencent à s’échauffer avec l’approche des élections locales de juin. L’opposition conduite par Me Wade souhaite en faire un quatrième tour de la présidentielle, après sa défaite aux législatives en 2012. Elle veut à tout prix retrouver des couleurs en battant le parti présidentiel. A cela s’ajoutent l’incarcération de Karim Wade et son procès annoncé. C’est donc dans un contexte tendu que Wade a choisi de refaire surface. Mais en aucun cas le parti au pouvoir ne doit perdre son sang-froid. La démocratie, c’est aussi la capacité à respecter les règles fixées, notamment en permettant à l’opposition de mener ses activités. Même s’il n’a pas toujours été un modèle, Wade mérite un traitement dû à son rang d’ancien chef d’Etat. Avec tout ce ramdam, Wade qui n’est pas un parangon de vertu, tire les marrons du feu en se présentant en victime. Au contraire, Macky Sall donne l’image d’un dirigeant embastillant ses opposants et restreignant les libertés.
La précampagne pour les élections locales de juin s’annonce donc très rude au Sénégal. On en voit déjà les prémices avec l’agitation autour de l’arrivée de Wade. Les enjeux sont importants. Il s’agit d’élections de mi-mandat et comme telles, elles peuvent être un baromètre de la cote de popularité du président et de son parti. On l’a récemment vu en France, où les électeurs ont sanctionné sévèrement la politique de Hollande en se jetant dans les bras de la droite, voire l’extrême droite. Wade et son Parti démocratique sénégalais (PDS) veulent infliger la même défaite à Sall et à son Alliance pour la république (APR). Depuis son élection, le président Sall fait donc face à son test. Après les élections législatives, celui-ci est plus périlleux car les Sénégalais l’ont vu à l’œuvre. Deux ans d’exercice du pouvoir permettent aux Sénégalais de juger leur président et son parti. A-t-il fait mieux que le régime précédent ? La réponse à cette question pourrait se manifester à travers les urnes, par un soutien massif au parti au pouvoir ou par un vote- sanction. Il faut donc lire les crispations nées du retour de Wade à l’aune des enjeux électoraux à venir. Les frères ennemis libéraux, visiblement, ne sont pas prêts à se faire de cadeau. Toutefois, ce n’est pas une raison pour le chef de l’Etat, garant des institutions, de tomber dans la paranoïa .

La Rédaction

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