Sokouraba, un village situé dans la commune rurale de Kangala, est devenu ces derniers temps, le lieu de convergence de milliers de personnes de diverses nationalités. Celles-ci y vont à la recherche d’un mieux-être en matière de santé, grâce aux services d’un « homme de Dieu » dont le nom a traversé les frontières : le pasteur-guérisseur Bissiri Emmanuel Ouattara. De nombreuses personnes affirment avoir été guéries grâce à ses soins et prières.
Deux heures d’horloge pour parcourir les 50 km qui séparent Orodara de Sokouraba. La route est en état de dégradation avancée. Situé dans la commune rurale de Kangala, Sokouraba est un village de la province du Kénédougou où vivent environ 5 000 âmes. Ce dimanche 23 février dans la matinée, la population vaque à ses occupations habituelles. Mais à l’église « Plein Evangile », il règne une ambiance des grands jours. Un parking et un petit marché retiennent l’attention. Non loin de l’église, de nombreux véhicules personnels et de transport en commun. « La majorité de ces véhicules viennent du Mali », affirme un jeune du village. Bénéfou Berthé, un jeune conducteur malien, arrivé de Sikasso souligne que le nombre de véhicules ne fait que s’accroître de semaine en semaine. Un décompte rapide donne 34 véhicules en provenance du Mali. Interrogé sur sa présence à Sokouraba, Bénéfou Berthé répond dans un français approximatif, qu’il a transporté les gens pour venir voir le pasteur Ouattara. Et ce dimanche, les malades présents à Sokouraba pour les délivrances et la prière de guérison sont innombrables. Ceux-ci sont venus des quatre coins du Kénédougou ainsi que des provinces voisines, à savoir la Comoé et la Léraba. On y rencontre également des ressortissants d’autres pays de la sous-région, comme le Liberia et la Côte d’Ivoire. Le jeune, Ibrahim Ouattara, venu de Wangolodougou en République de Côte d’Ivoire veut profiter des « miracles » du pasteur-guérisseur. « Ma femme souffre de maux de ventre depuis fort longtemps. Elle a essayé en vain toutes sortes de médicaments pour se soigner. Je suis donc venu voir le pasteur pour qu’il m’aide », a-t-il confié.
Les possédés à l’honneur
La prière a lieu en plein air et sous le soleil, dans l’enceinte de l’église du « Plein Evangile » et dure près de 7 heures. Malgré le chaud soleil, c’est une foule immense qui a pris d’assaut le site de la prière, les uns assis à même le sol, les autres sur des tabourets et chaises, ou se tiennent simplement debout. Au milieu, un homme habillé en costume vert-clair. C’est le pasteur Louis Ouattara, l’orateur du jour, le maître des lieux. Et tout le monde a le regard fixé sur lui dans l’espoir de trouver une solution à son problème. A l’entame, l’« homme de Dieu » prévient l’assistance en langue bambara : « Tenez-vous bien car les choses sérieuses vont commencer maintenant ». Du coup, le pasteur-guérisseur lance un « Alléluia », repris par un « Amen » de l’assistance. Il rappelle que la prière du jour concerne les personnes possédées, c’est-à-dire les personnes ayant des « maris ou femmes » de nuit, les malades mentaux, les personnes envoutées ou empoisonnées, les hommes et femmes stériles, et enfin, les personnes ayant perdu l’usage de leurs jambes. En pleine prière, une femme pousse un cri strident, avant de se retrouver à terre. Elle ne sera pas la seule, car l’on se retrouvera avec près d’une quarantaine de personnes tombées, majoritairement des femmes. A terre, elles se débattent, pleurent, crient et parlent comme des folles. « Il arrive…, il arrive…. », s’écrie une dame de nationalité étrangère parmi les victimes. A qui fait-elle allusion ? Mystère…
L’heure de la guérison
Le spectacle est fascinant. Quelques instants après, le pasteur verse sur la tête des personnes tombées en transe, de la crème d’onction. Celles qui éprouvent des difficultés à se relever sont soutenues par des jeunes et conduites dans la maison de délivrance. Et la prière continue. Deux policiers venus de Koloko et présents sur le site sont chargés d’assurer le maintien de l’ordre et la sécurité des biens et des personnes. Le moment tant attendu est celui de la guérison des personnes ayant perdu l’usage des pieds. Assis en groupe, à même le sol et sous le soleil, ils attendent impatiemment leur tour. Soudain, un homme d’une quarantaine d’années s’approche du pasteur-guérisseur. C’est un handicapé moteur. Et l’« homme de Dieu » lui ordonne : « lève-toi et marche ». A la première tentative, il tombe, mais ne perd pas espoir. A la suite de plusieurs autres tentatives, l’homme réussit à retrouver ses forces. Il se lève et commence à marcher doucement, sous les applaudissements du public.
« Un don de Dieu »
A Sokouraba, les délivrances et les guérisons effectuées par le pasteur Louis Ouattara défraient la chronique. Et les commentaires vont bon train. Certains y croient, comme Mariam Traoré, une habitante de cette localité : « Je souffrais de règles douloureuses continuelles. A tout moment, j’étais contrainte de porter des couches. Je ne pouvais même pas voyager et on se moquait de moi. C’est grâce au pasteur que ces règles ont pris fin », a-t-elle témoigné. A côté d’elle, Alima Fofana, une femme venue de Sikasso, au Mali, raconte qu’elle a mal aux pieds depuis trois mois. « Au début, a-t-elle révélé, je pensais à une fatigue à cause de mes multiples voyages. Je ne pouvais pas me tenir debout durant 15 mn ni même monter dans le véhicule sans l’aide des gens. Mais Dieu merci, aujourd’hui ça va. Depuis que le pasteur a prié pour moi, je ne sens plus de douleur. Je marche correctement et cela fait plus de 30 minutes que je suis arrêtée ». De son côté, Bakary Fofana explique qu’il avait régulièrement de fortes fièvres. « Tout mon corps me faisait mal. Mais depuis que je suis venu voir le pasteur, tout va bien », a-t-il confié.
De nombreuses personnes affirment avoir retrouvé la paix du cœur et la guérison physique auprès du pasteur Ouattara, sans débourser le moindre centime. Par contre, d’autres sont sceptiques. C’est le cas de ce jeune homme rencontré dans un restaurant de la place et qui a préféré garder l’anonymat. A ce sujet, le pasteur Louis Ouattara indique qu’il est incompris dans son propre milieu, car certains voient d’un mauvais œil son travail. « Mais c’est Dieu qui est fort », souligne-t-il. Pour lui, le pouvoir qu’il détient est un don de Dieu. Tout a commencé en 2008, explique-t-il, après ses études pastorales en Côte d’Ivoire. Dès lors, le pasteur dit avoir guéri des milliers de personnes venant d’horizons divers. Seulement, il dit être confronté à des difficultés qui se résument entre autres, à des critiques, au manque de restaurant adéquat pour ses visiteurs et à l’insuffisance d’infrastructures d’accueil.
Au-delà de la prière,
le business
Au regard de ces difficultés, le guérisseur de Sokouraba dit avoir en projet, la construction d’une nouvelle église et d’un restaurant.
Si les uns vont à Sokouraba pour chercher la paix du cœur et la guérison physique auprès du pasteur Ouattara, d’autres, par contre, s’y rendent pour faire des affaires. Un tour fait au petit marché situé à quelque 100 mètres de l’église en dit long. Dans ce marché unique en son genre, on trouve de petits étalages avec des produits divers, notamment des beignets de patates douces, des galettes, du riz et de l’eau. A Sokouraba, le sachet d’eau minérale coûte 25 FCFA et les bidons de jus local varient entre 50 et 100 F CFA. Les vendeuses, majoritairement venues de Sikasso, disent y trouver leur compte. « Ça marche bien très bien. On ne se plaint pas pour le moment », confirme Kady Diabaté. Sa voisine ajoute que c’est la deuxième fois qu’elle vient à Sokouraba pour faire son commerce. « Il y a beaucoup de monde, donc je viens vendre de l’eau ! Ça marche bien », dit-elle. En plus de cela, il y a le parking dont le prix s’élève à 100 F CFA.
Un autre produit qui s’achète comme de petits pains, c’est la crème d’onction. Le prix de cette crème est de 1 000 F CFA et tout malade doit s’en procurer. Au sujet de cette crème, le pasteur Ouattara laissait le soin à chacun d’apporter sa crème. Mais au fil du temps, il dit s’être rendu compte que certains apportaient de la mauvaise crème, voire empoisonnée. C’est pourquoi, a-t-il dit, il la fait acheter sur place pour avoir une bonne crème, même si parfois cela fait l’objet de critiques.